Question écrite n° 36578 :
établissements

12e Législature

Question de : M. Étienne Mourrut
Gard (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Étienne Mourrut appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de détention des détenus en France au regard du droit communautaire. De fait, la petite et la grande délinquance étant en hausse constante et justifiant la prise de mesures privatives de liberté, on assiste, aujourd'hui à un problème de « surpopulation » dans nos prisons. Une recommandation R(99) 22 concernant le surpeuplement des prisons et l'inflation carcérale a été adoptée par le comité des ministres du Conseil de l'Europe le 30 septembre 1999 et préconise un certain nombre de mesures en termes de gestion des établissements pénitentiaires. Sachant qu'il s'agit là de simples prescriptions émanant d'un acte juridique non contraignant, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures issues de cette recommandation européenne R(99) 22 ont été appliquées en droit interne.

Réponse publiée le 10 août 2004

Le garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire que l'amélioration des conditions de détention, et particulièrement la résolution du problème de surpopulation carcérale en France, compte parmi ses priorités. En ce sens, plusieurs textes ont été établis conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe et notamment celle adoptée par le Comité des ministres le 30 septembre 1999, R(99)22, concernant le surpeuplement des prisons et l'inflation carcérale. La loi du 9 septembre 2002 comporte, dans son titre V et dans son rapport annexe, diverses dispositions relatives à la mise en oeuvre d'un programme de construction d'établissements pénitentiaires comportant la création de 11 000 places. En 2004, 427 millions d'euros seront consacrés au programme de construction et 144,2 millions à la rénovation du parc existant. Le programme de construction de 13 200 places de détention, annoncé le 21 novembre 2002, privilégie en premier lieu les régions qui sont les plus touchées par les phénomènes de délinquance et qui présentent à l'heure actuelle un important déficit en capacité d'incarcération. Il comporte la réalisation de 10 800 places pour la construction d'établissements pénitentiaires, dont 9 200 en métropole et 1 600 outre-mer, et de 2 400 places dédiées à de nouvelles modalités d'incarcération, dont 400 pour les mineurs et 2 000 pour les adultes. Conformément aux règles pénitentiaires européennes, ces établissements contiennent des améliorations notables, notamment en matière d'hygiène (installation de douches en cellule...). Ils permettent, de plus, d'assurer la fermeture de certaines prisons vétustes dans le souci toujours constant de respecter la dignité humaine à l'instar de ce que préconise l'alinéa 7 de la recommandation R(99)22. Par ailleurs, afin de permettre une affectation des condamnés mieux adaptée à leur personnalité et dans des établissements plus proches de leurs attaches familiales et sociales, quel que soit le quantum de la peine prononcée ou du reliquat de peine restant à purger, l'article 50 de la loi du 9 septembre 2002 a abrogé les dispositions de l'article 717 du code de procédure pénale relatives aux distinctions entre les différentes catégories d'établissements pour peines. Des instructions ont, en outre, été données par la direction de l'administration pénitentiaire pour que les détenus soient affectés en priorité dans les centres de détention dont le taux d'occupation était inférieur à leur capacité, conformément à l'alinéa 2 de la résolution de 1999. L'objectif fixé est quasiment atteint puisque au 1er janvier 2004, le taux d'occupation des centres de détention (hors centres pénitentiaires) était de 94,2 % et le taux d'occupation des quartiers centres de détention dans les centres pénitentiaires était de 101,1 %. Parallèlement, une politique volontariste a été menée pour développer les mesures alternatives à l'incarcération pour les personnes condamnées comme l'alinéa 9 de la recommandation du Conseil de l'Europe le préconise. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité contient plusieurs dispositions destinées à privilégier les aménagements de peines, tant au moment du prononcé de la peine (possibilité pour la juridiction de jugement de prononcer ab initio le placement extérieur et le placement sous surveillance électronique en plus de la semi-liberté) ou de sa mise à exécution (possibilité pour le juge de l'application des peines de substituer une mesure d'aménagement de peine à une autre si la situation le commande, obligation pour le parquet de communiquer au juge de l'application des peines un extrait de la décision avant toute mise à exécution d'une peine inférieure à un an afin de déterminer les modalités d'exécution de la peine...) qu'en cours d'exécution. Ainsi, le principe de l'aménagement des fins de courtes peines d'emprisonnement a-t-il été posé par la mise en place d'une nouvelle procédure. Le directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation a désormais l'obligation de proposer la mesure d'aménagement de peine la mieux adaptée à la personnalité du condamné au juge de l'application des peines sauf s'il décide de ne pas saisir le juge pour l'un des quatre motifs limitativement énumérés par la loi (mauvaise conduite du condamné, absence de projet sérieux de réinsertion, impossibilité matérielle de mettre en place la mesure ou refus par le condamné de bénéficier de la mesure qui lui est proposée). Le juge de l'application des peines dispose alors d'un délai de trois semaines pour homologuer ou non la proposition. À défaut de réponse de sa part, le directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation peut décider de ramener à exécution la mesure d'aménagement. Cette loi vise en outre à clarifier l'organisation des juridictions de l'application des peines, notamment par la création du tribunal de l'application des peines, et à accroître les pouvoirs du juge de l'application des peines. Il est désormais compétent pour révoquer les sursis avec mise à l'épreuve ou assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, pour mettre à exécution tout ou partie de la peine prévue par la juridiction de jugement en cas d'inexécution de la peine de travail d'intérêt général ou pour prolonger le délai d'épreuve... Cela permet de renforcer la crédibilité des peines alternatives à l'incarcération et, ce faisant, d'en favoriser le prononcé, à l'instar des préconisations du paragraphe IV de la recommandation relatif aux mesures à mettre en oeuvre au stade du procès pénal. Enfin, l'administration pénitentiaire a engagé une politique ambitieuse pour développer le placement sous surveillance électronique et promouvoir la mesure auprès des services judiciaires et pénitentiaires. La loi du 9 septembre 2002 a ainsi prévu la possibilité de recourir à des personnes de droit privé, pour la mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance selon les conditions qui ont été fixées par le décret du 17 mars 2004. De nouveaux marchés publics seront passés en 2004, en vue d'externaliser la gestion technique du placement sous surveillance électronique. Cela devrait faciliter l'accroissement progressif du nombre de personnes bénéficiant du dispositif (l'objectif étant d'atteindre 3 000 personnes concernées en 2007) et permettre de diminuer corrélativement la population incarcérée, à l'instar de ce que préconise l'alinéa 15 de la recommandation de 1999, concernant la mise en place de sanctions applicables dans la Communauté et, notamment, de mesures de restrictions à la liberté de déplacement par le biais d'un contrôle électronique. Ainsi, au 1er juin 2004, 118 juridictions prononçaient des placements sous surveillance électronique (115 tribunaux de grande instance et 3 cours d'appel), au lieu de seulement 28 au 1er juin 2003, et le nombre de mesures progressait dans la même période de 171 à 699. Quant au nombre de placements accordés depuis le début de l'expérimentation en octobre 2000, il s'élève à 2 584 au 1er juin 2004.

Données clés

Auteur : M. Étienne Mourrut

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 30 mars 2004
Réponse publiée le 10 août 2004

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