exercice de la profession
Question de :
M. Christian Estrosi
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Christian Estrosi attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la condamnation par la justice du chef du service de réanimation du centre hospitalier de Valenciennes pour avoir transfusé contre son gré une malade. Cette décision, la première depuis la promulgation de la loi Kouchner du 4 mars 2002, risque d'avoir de lourdes conséquence sur la prise en charge des patients. Il souhaite connaître la position du ministre.
Réponse publiée le 6 janvier 2003
L'attention du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées est attirée sur les conséquences que pourrait comporter, pour la prise en charge des malades, une décision de justice qui aurait condamné le chef du service de réanimation du centre hospitalier de Valenciennes pour avoir transfusé une malade contre son gré. Le ministre est en mesure de lui préciser que, contrairement à ce qui a pu être présenté de cette affaire dans les médias, ni le centre hospitalier de Valenciennes ni les praticiens qui assuraient la prise en charge médicale de l'intéressée n'ont été condamnés en raison de la transfusion sanguine à laquelle ils ont procédé contre la volonté de la malade considérée. La transfusion sanguine pratiquée dans ces conditions ne fait actuellement l'objet d'aucune procédure contentieuse. En revanche, la patiente a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 521-2 du code de justice administrative pour lui demander d'interdire au centre hospitalier de procéder à de nouvelles transfusions sanguines sur sa personne. Il est vrai que par son ordonnance du 25 août 2002, le juge de Lille a fait droit aux conclusions de la requérante. Il faut cependant remarquer qu'il a pris soin d'indiquer, dans ses considérants, qu'au moment où il statuait, il n'était « pas allégué par le défendeur que le refus de respecter la volonté de la patiente serait rendu nécessaire du fait d'un danger immédiat pour sa vie ». Il convient, en outre, d'observer que cette solution s'inscrit dans un contexte législatif et jurisprudentiel qui n'est pas nouveau. En effet, si l'article L. 1111-4, introduit dans le code de la santé publique par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a formalisé la procédure de recueil du consentement des malades, une obligation analogue résultait déjà antérieurement, pour les médecins, des dispositions de l'article 16-3 du code civil. De même, l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, auquel la loi susvisée du 4 mars 2002 a substitué l'article L. 1111-4, indiquait que « la personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique ». Le Conseil d'Etat a ainsi eu l'occasion d'indiquer dans un arrêt du 26 octobre 2001 comment concilier l'obligation faite aux médecins de respecter la volonté de la personne malade et celle de sauver la vie. Saisi en Cassation d'un recours tendant à faire condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à indemniser le préjudice causé par la décision de médecins de cet établissement de pratiquer des transfusions sanguines à un patient contre sa volonté, le Conseil d'Etat a affirmé qu'on ne pouvait « faire prévaloir de façon générale l'obligation pour le médecin de sauver la vie sur celle de respecter la volonté du malade ». Toutefois, la Haute juridiction a rejeté la demande d'indemnisation en « considérant que, compte tenu de la situation extrême dans laquelle se trouvait [le patient], les médecins qui le soignaient ont choisi, dans le seul but de le sauver, d'accomplir un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; que, dans ces conditions, et quelle que fût par ailleurs leur obligation de respecter sa volonté fondée sur ses convictions religieuses, ils n'ont pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ; [...] ». Depuis la publication de la loi du 4 mars 2002, cette jurisprudence a été confirmée le 16 août 2002 par le juge des référés du Conseil d'Etat, saisi en appel d'une décision du juge des référés de Lyon suite à une requête formulée contre le centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, par une patiente transfusée contre son gré et qui entendait ainsi faire interdire au CHU de lui administrer de nouvelles transfusions. Par ordonnance du 9 août 2002, le juge des référés adressait une telle injonction au CHU, sous réserve que l'intéressée ne se trouve pas « dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ». La requérante a fait appel de cette décision devant le Conseil d'Etat pour lui demander d'annuler la réserve dont était assortie l'injonction. Le juge des référés du Conseil d'Etat ne l'a pas suivie et a, au contraire, confirmé la solution du juge de Lyon. Toutefois, prenant en compte d'une part, les dispositions de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique et, d'autre part, les termes de l'arrêt précité du 26 octobre 2001, il prend soin de préciser dans son ordonnance du 16 août 2002 « qu'il y a lieu d'ajouter à la réserve du juge des référés [de Lyon] qu'il incombe aux médecins du centre hospitalier, d'une part de tout mettre en oeuvre pour convaincre la patiente d'accepter les soins indispensables, d'autre part de s'assurer que le recours à une transfusion soit un acte indispensable à la survie de l'intéressée et proportionné à son état ». Il semble au ministre qu'une telle jurisprudence permet aux médecins de concilier de manière équilibrée leur obligation d'assistance et celle de respecter la volonté des malades.
Auteur : M. Christian Estrosi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Dates :
Question publiée le 30 septembre 2002
Réponse publiée le 6 janvier 2003