Question écrite n° 38830 :
commerce international

12e Législature

Question de : M. Manuel Valls
Essonne (1re circonscription) - Socialiste

M. Manuel Valls souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué au commerce extérieur sur la position de la France dans les négociations multilatérales portant sur le commerce et les échanges. Dans le contexte de la mondialisation, il souhaite savoir quelle position il entend défendre au sein des institutions internationales pour permettre la mise en oeuvre de règles permettant une prise en compte des problématiques sociales et environnementales. La domination des préceptes libéraux notamment au sein de l'OCDE et de l'OMC rend difficile l'intégration de ces problématiques essentielles dans les différentes négociations engagées. Il souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement pour permettre une modification de la structure des règles dans les échanges commerciaux.

Réponse publiée le 10 août 2004

La France, comme ses partenaires de l'Union européenne (UE), poursuit l'objectif d'aboutir dans les négociations commerciales internationales à un meilleur équilibre entre l'ouverture des marchés et la régulation des échanges internationaux intégrant la protection de l'environnement et le progrès social. Le mandat donné le 25 octobre 1999 par le Conseil des ministres européens à la Commission pour le cycle des négociations multilatérales expose clairement cet objectif. Ce sont ces mêmes objectifs qui orientent la politique intérieure et extérieure de l'Union. L'organisation mondiale du commerce (OMC) reconnaît la spécificité et la légitimité des politiques de protection de l'environnement et a créé un comité du commerce et de l'environnement chargé des problématiques qui en découlent. En outre, les règles de l'OMC, l'article XX du GATT sur les exceptions ainsi que l'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et l'accord sur les obstacles techniques au commerce laissent aux membres une grande marge de manoeuvre pour prendre des mesures de protection de l'environnement, de la vie et la santé des êtres humains et des animaux, de préservation des végétaux et de conservation des ressources naturelles épuisables. L'organe de règlement des différends a, en 1998, dans l'affaire Tortues-crevettes, consacré le principe de la réglementation du commerce à des fins environnementales. Par ailleurs, la déclaration de Doha indique clairement que les objectifs poursuivis par les accords de l'OMC et ceux poursuivis par les conventions internationales dans le domaine de l'environnement « peuvent et doivent se renforcer mutuellement ». C'est l'Union européenne, soutenue par le Japon, la Norvège et la Suisse, qui a demandé d'inclure l'environnement dans la déclaration de Doha alors que la grande majorité des pays y était opposée. Le mandat de la négociation de Doha comporte trois volets : la clarification de l'articulation entre les règles de l'OMC et les mesures commerciales contenues dans les accords environnementaux multilatéraux (AME) ; les échanges de renseignements entre les secrétariats des accords environnementaux multilatéraux (AME) et l'OMC ainsi que leur accès au statut d'observateur à l'OMC ; la réduction ou l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce de biens et services environnementaux. En complément des négociations est prévu un programme de travail sur des thèmes sensibles comme l'éco-étiquetage, qui vise à faire reconnaître les programmes européens d'étiquetage fondés sur le' cycle de vie des produits, l'assistance technique aux PED ou l'accord sur les droits de propriété intellectuelle et la convention bio-diversité pour parvenir à un partage équitable entre pays en voie de développement et pays industrialisés des revenus tirés de l'exploitation commerciale des matériels génétiques. En dépit de l'échec de Cancun, le thème de l'environnement demeure un élément du cycle. Il reste incontestablement un intérêt offensif pour l'UE et des avancées réelles peuvent être envisagées telles que la consolidation du statut des AME à l'OMC et le renforcement de l'expertise environnementale au sein de l'organe de règlement des différends. Dans la déclaration de Singapour en 1996, les membres de l'OMC s'engageaient à respecter les normes sociales fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) mais sans s'en servir à des fins protectionnistes. Lors de la conférence de Seattle, les États-Unis, l'Union européenne et le Canada ont proposé de créer un groupe de travail entre l'OIT et l'OMC qui a été rejeté par les pays en voie de développement. La déclaration de Doha, qui se borne à rappeler la déclaration de Singapour et à prendre acte du travail de l'OIT, a rejeté la question des normes sociales hors de la négociation. Depuis, l'organisation mondiale du commerce et l'organisation internationale du travail entretiennent un dialogue limité. L'OMC est observateur au groupe de travail sur la dimension sociale de la mondialisation, créé en 1994 à l'OIT mais celle-ci n'a pas demandé de statut d'observateur à l'OMC. En février 2004, la Commission ad hoc de l'OIT, créée pour approfondir les travaux de ce groupe de travail, a publié un rapport. Ce dernier ne remet pas en cause la mondialisation dont il reconnaît les aspects positifs notamment d'avoir permis de faire sortir de la pauvreté 200 millions de personnes mais, il constate les déséquilibres qu'elle a engendrés comme l'augmentation du chômage officiel, de la pauvreté et de la précarité des emplois et le creusement des écarts entre les revenus à l'intérieur des pays et entre les pays. Le rapport formule de nombreuses propositions visant un processus de mondialisation doté d'une forte dimension sociale fondée sur des valeurs universellement partagées et sur le respect des droits de l'homme et de sa dignité. Parmi ces recommandations, on peut relever la création de partenariats entre organisations internationales, gouvernements, parlements, monde des affaires et du travail, société civile, l'élaboration d'un accord multilatéral sur les mouvements de personnes, la création d'un forum réunissant les organisations internationales en vue de produire un rapport intérimaire sur la mondialisation, une proposition basée sur la croissance, l'emploi et l'investissement et le renforcement du rôle de l'OIT pour promouvoir les normes du travail. La réflexion sur le suivi à accorder au rapport est en cours. Concept communément accepté et reconnu par les diverses instances internationales, le développement durable est devenu une référence obligée. Défini comme un « mode de développement qui permet aux générations présentes de répondre à leurs besoins sans compromettre la capacité des générations futures de satisfaire les leurs », il vise à mettre en oeuvre un développement économique compatible avec l'équité sociale et la protection de l'environnement. Son acceptation par l'ensemble de la communauté internationale s'est concrétisée par la création d'une commission du développement durable lors de la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de 1992. Il est inscrit en préambule des principes de l'OMC et constitue le thème de nombreuses conférences internationales. Dans le contexte de la mondialisation, bien que le débat public ait tendu à opposer la libéralisation des échanges et le développement durable, les relations entre les deux notions ne sont pas forcément antagonistes. La recherche de l'efficacité fondée sur l'avantage comparatif, les économies d'échelle et la diffusion des technologies est compatible avec la recherche d'un modèle de croissance économe, la préservation des ressources naturelles et les objectifs de développement. Si les principes du développement durable sont acquis, leur transcription en instruments économiques acceptables pour tous est en cours. La France, au sein de l'Union européenne, s'attache dans les différentes enceintes internationales, notamment à l'OMC et à l'OCDE, à mettre en oeuvre de façon concrète, pour son propre compte mais aussi pour celui des pays les plus défavorisés, le développement durable avec ses dimensions sociale et environnementale. Notre objectif reste donc clairement la prise en compte de ces deux dimensions dans le cycle de négociations lancé à Doha et à travers un lien organique dynamique entre l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation internationale du travail.

Données clés

Auteur : M. Manuel Valls

Type de question : Question écrite

Rubrique : Relations internationales

Ministère interrogé : commerce extérieur

Ministère répondant : commerce extérieur

Dates :
Question publiée le 11 mai 2004
Réponse publiée le 10 août 2004

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