Question écrite n° 41371 :
Internet

12e Législature

Question de : M. Jean-Louis Idiart
Haute-Garonne (8e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Louis Idiart attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. Les acteurs du Net français, qu'ils soient professionnels ou simples « citoyens utilisateurs », s'inquiètent des conséquences néfastes des dispositions contenues dans ce texte. La ligue Odebi qui a recueilli plus de 250 000 signatures dénonce le maintien d'article qui rend les hébergeurs responsables s'ils n'ont pas agi promptement pour retirer des contenus illicites alors qu'ils en étaient effectivement informés. Le projet laisse indirectement à ces intermédiaires techniques le soin de juger ce qui est licite ou illicite. Une autre disposition voudrait que le délai de trois mois relatif à l'engagement de poursuites pour diffamation commence avec la disparition du site Internet de l'information incriminée. Ce média serait alors soumis à un régime infiniment plus sévère que celui de la presse. Aujourd'hui, les internautes constatent que les promesses de dialogue faites par la majorité au lendemain des régionales n'ont pas été tenues. Ce projet de loi apporte des réponses inappropriées sous prétexte de lutter contre des utilisations effectivement inadmissibles. Dès lors, il souhaiterait savoir quelles réponses le Gouvernement compte apporter aux inquiétudes des professionnels de l'Internet sur ces différents points.

Réponse publiée le 3 août 2004

L'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été attirée sur certaines dispositions de projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. Ce texte vise notamment à transposer en droit français les dispositions de la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 dite « commerce électronique » précisant le régime de responsabilité des prestataires intermédiaires. L'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de la communication a été introduit par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 pour mettre un terme à l'insécurité juridique instaurée par une jurisprudence extrêmement fluctuante entre responsabilité (affaire Lacambre dite affaire Estelle Hallyday, CA Paris, 10 février 1999) et irresponsabilité (affaires Lynda Lacoste, CA Versailles, 8 juin 2000 et UEJF c/ Multimania, TGI Nanterre, 24 mai 2000) des fournisseurs d'hébergement. Dans le texte de loi adopté par le Parlement le 28 juin 2000, une disposition (appelée amendement Bloche) prévoyait que la responsabilité civile et pénale des fournisseurs d'hébergement pouvait être engagée si, saisis par un tiers « estimant que le contenu qu'ils hébergent est illicite ou lui cause un préjudice », ils n'avaient pas « procédé aux diligences appropriées ». Cette disposition a été censurée par le Conseil Constitutionnel (décision 2000-433 DC, 27 juillet 2000) qui a considéré que les éléments constitutifs de l'infraction pénale n'avaient pas été caractérisés de façon suffisante. Comme la responsabilité civile et la responsabilité pénale étaient confondues dans cette disposition, la censure de celle-ci par le Conseil constitutionnel a conduit à un principe d'irresponsabilité de l'hébergeur (TGI Paris, 6 février 2001) beaucoup plus large que celui prévu par la directive 2000/31/CE « commerce électronique ». En effet, l'article 14 de la directive ne soumet pas la responsabilité des fournisseurs d'hébergement à l'intervention de l'autorité judiciaire : « Article 14 - Hébergement : 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que : a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente ou b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible. 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire. 3. Le présent article n'affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes juridiques des États membres, d'exiger du prestataire qu'il mette un terme à une violation ou qu'il prévienne une violation et n'affecte pas non plus la possibilité, pour les États membres, d'instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l'accès impossible. À la suite d'un amendement présenté par le rapporteur M. Jean Dionis du Séjour et adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale, le chapitre VI du titre II de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est abrogé, mais les dispositions du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique relatives au régime de responsabilité des prestataires techniques ont été reprises dans un nouvel article 2 bis. Elles visent à transposer le régime de responsabilité prévu par la directive 2000/31/CE « commerce électronique ». Aussi, en ne limitant pas la responsabilité de l'hébergeur à l'intervention du juge, le nouvel article 2 bis, alinéa 2 et 3, est conforme à l'article 14 de la directive. Cet article a fait l'objet de nombreuses discussions au cours des différents examens parlementaires et le Gouvernement a soutenu un certain nombre d'amendements au texte initial. Ainsi, avec le soutien du Gouvernement et afin de limiter les comportements abusifs dans un domaine aussi important que celui du retrait de contenu par un hébergeur sur intervention d'un tiers, un amendement visant à sanctionner l'abus de dénonciation de contenus auprès des hébergeurs a été adopté, ce qui devrait avoir pour conséquence que ne soit porté à leur connaissance qu'un nombre limité de contenus non effectivement illicites. Le Conseil constitutionnel qui a rendu public sa décision sur ce texte le 15 juin 2004 n'a pas censuré ce nouveau régime de responsabilité des prestataires techniques. Il a toutefois émis une réserve interprétative considérant que la responsabilité de l'hébergeur ne pouvait être engagée que si « le caractère illicite de l'information dénoncée (est) manifeste ou qu'un juge en (a) ordonné le retrait ». Le Conseil constitutionnel a par ailleurs rappelé que « les 2 et 3 du I de l'article 6 se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises du 1 de l'article 14 de la directive susvisée [2000/31/CE] sur lesquelles il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer ». Ainsi, en posant l'irresponsabilité de l'hébergeur en principe, la responsabilité strictement encadrée étant l'exception, la loi sur la confiance dans l'économie numérique ne prétend pas conférer à des intermédiaires techniques un pouvoir de censure, mais répond au souci de ne pas voir une catégorie d'acteurs de l'Internet exonérée de toute responsabilité. Par ailleurs, le Parlement avait adopté plusieurs amendements au projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique visant à modifier le point de départ du délai d'exercice du droit de réponse et du délai de prescription applicable à la communication en ligne. Cependant, de telles dispositions qui selon la décision du Conseil constitutionnel « dépassent manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte la situation particulière des messages exclusivement disponibles sur un support informatique » ont été censurées.

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Idiart

Type de question : Question écrite

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Dates :
Question publiée le 15 juin 2004
Réponse publiée le 3 août 2004

partager