SAFER
Question de :
M. Alain Joyandet
Haute-Saône (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Alain Joyandet appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales quant au droit de préemption accordé à une société privée, la SAFER. En effet, le propriétaire rural, après signature d'un compromis de vente chez un notaire, devra se soumettre à l'agrément de la SAFER, qui pourra faire valoir son droit de préemption et également décider de la destination du bien vendu. Il ne pourra donc pas vendre ni choisir librement son acquéreur. Il en est de même pour le bailleur de biens ruraux. Les contraintes des commissions d'orientation agricole sont trop souvent très restrictives, par l'obligation pour le preneur d'obtenir l'autorisation d'exploiter. La liberté du bailleur est alors limitée à une décision administrative. Les propriétaires et bailleurs de biens ruraux souhaiteraient qu'il soit mis fin à cette injustice, car ils estiment que l'on oriente l'avenir de leur patrimoine hors de leur présence, de leur avis et de leurs souhaits. Aussi, il lui serait agréable qu'il lui apporte une réponse face à l'inquiétude de ces propriétaires et bailleurs.
Réponse publiée le 24 août 2004
Les biens ruraux à usage agricole, qu'ils concernent des terres ou des bâtiments, sont des composantes du patrimoine des propriétaires en faire-valoir direct ou bailleurs. Ces biens toutefois ont comme caractéristique de constituer pour celui qui en a l'usage un bien professionnel nécessaire à l'exercice de l'activité agricole. Dès les années 60, les pouvoirs publics ont estimé que l'exercice de cette activité particulière via le foncier ne pouvait être entièrement livré aux seules lois du marché. La libre concurrence en la matière ne permet pas, en effet, de favoriser l'installation dans le secteur agricole ou encore l'étoffement des exploitations de dimensions modestes face au droit du plus offrant pouvant le plus souvent conduire à des agrandissements excessifs. Ces considérations expliquent qu'avec constance le législateur français ait défini des moyens de réguler le fonctionnement de ce marché foncier agricole via, notamment, les SAFER et le régime des autorisations d'exploiter. Les SAFER ont été mises en place en 1960, et leur régime juridique a été depuis lors complété, y compris dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux en cours de discussion devant le Parlement, dans le souci que les transactions sur le foncier agricole puissent être arbitrées en tant que de besoin par les représentants de l'État, des collectivités territoriales et des organisations professionnelles agricoles. Sur l'année 2003 quelque 600 000 ha concernant l'espace rural ont été l'objet de 235 000 transactions. Sur cet ensemble, dont les SAFER ont pu prendre connaissance et ce faisant suivre les données du marché, lesdites SAFER se sont portées acquéreurs d'environ 85 000 ha. Ce chiffre absolu est important certes, mais il doit être éclairé du fait que sur ces 85 000 ha achetés par les SAFER, plus de 76 000 ha ont été acquis par ces sociétés à l'amiable auprès des propriétaires ayant choisi de vendre à celles-ci leur bien. Cela signifie a contrario donc qu'à peine 8 500 ha, sur un marché foncier rural global de 600 000 ha, ont fait l'objet d'une préemption des SAFER, nombre de ces opérations s'étant effectuées à l'encontre de non-agriculteurs à la demande des collectivités en vue de préserver l'usage agricole des biens offerts à la vente, notamment en zones périurbaines. Au vu de ces données concrètes sur la dernière année connue, il ne paraît pas probant de conclure que l'activité des SAFER en soi empêche d'une manière générale les propriétaires de biens ruraux de décider, sauf exception circonstanciée et motivée donc, de choisir librement l'acquéreur de leurs biens. Ce souci permanent des pouvoirs publics français de favoriser un tissu d'entreprises agricoles à taille humaine ne pouvait en termes de moyens se limiter à une intervention sur la propriété même des fonds agricoles, ce dont les SAFER sont chargées, et ladite intervention doit nécessairement s'accompagner d'un contrôle relevant du même objectif pouvant également s'exercer sur les biens agricoles mis à bail. Tel est l'objet du régime des autorisations d'exploiter mis en place lui aussi en 1960 par le législateur et adapté depuis lors à plusieurs reprises sans que sa raison d'être quant au fond n'ait été remise en cause. Le principe de cette procédure est simple : il vise pour l'essentiel non pas à interdire mais à soumettre à autorisation des opérations qui auront pour effet de porter la surface d'une exploitation au-delà d'un seuil considéré comme déjà largement suffisant, ou d'autres qui, à l'inverse, conduiraient au démembrement d'exploitations existantes considérées comme viables. Le législateur a fixé en termes d'unités de référence en 1999 l'ordre de grandeur des seuils concernant ces opérations qu'il appartient à chaque département de préciser, le cas échéant par régions agricoles, dans le cadre de son schéma directeur départemental des structures. Ce dispositif sur l'année 2003 a suscité un peu plus de 45 000 demandes d'autorisations d'exploiter concernant aussi bien des ventes de terrains que des mises à disposition par bail. Sur ce nombre certes important de demandes, à peine 5 % ont fait l'objet d'une décision motivée de refus du préfet prise après avis de la commission départementale d'orientation agricole. Chacun de ces refus, au demeurant susceptible de recours, constitue il est vrai une orientation fournie au propriétaire bailleur concerné sur l'avenir de son patrimoine. Mais, chose certaine, en aucun cas cette décision préfectorale n'implique une obligation pour ledit propriétaire de vendre ou de louer à celui, ou à ceux, qui ont eux reçu une autorisation d'exploiter. Simplement est-il pour l'heure dans l'incapacité de céder son bien à celui pour qui ladite autorisation a été refusée au vu des objectifs d'intérêt général définis par le législateur et déclinés dans chaque département dans le cadre du schéma des structures agricoles. Le Conseil constitutionnel qui a été appelé à se prononcer sur cette procédure a validé la compatibilité de celle-ci avec le droit de propriété de notre pays. Cela étant, l'expérience montre, concernant aussi bien les SAFER que le contrôle des structures, que ces dispositifs d'origine ancienne mériteraient d'être réétudiés objectivement dans leurs modalités pratiques d'application pour être mis en phase avec la situation actuelle du secteur agricole qui a beaucoup changé depuis les années 60, notamment suite à l'évolution récente de la politique agricole commune. C'est la raison pour laquelle ces sujets feront prochainement l'objet d'un réexamen approfondi dans le cadre de la préparation du projet de loi de modernisation agricole. A cette occasion toutes les parties prenantes à ces questions par nature conflictuelles, et notamment les propriétaires et les bailleurs de baux ruraux, seront écoutées avec attention dans le souci de rechercher les moyens équitables d'adapter la politique des structures agricoles aux réalités d'aujourd'hui.
Auteur : M. Alain Joyandet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Dates :
Question publiée le 29 juin 2004
Réponse publiée le 24 août 2004