fichiers informatisés
Question de :
M. Kléber Mesquida
Hérault (5e circonscription) - Socialiste
M. Kléber Mesquida souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur certaines dispositions du projet de loi informatique et libertés (LIL). La loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 avait instauré la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Elle était garante d'un équilibre entre les progrès de l'informatique et la préservation du droit des libertés et à la vie privée. Le projet de loi destiné à modifier cette loi semble s'orienter vers l'abaissement du niveau de protection des citoyens et vise à rompre cet équilibre au profit du fichage. Déjà, dans les textes de la loi sur l'économie numérique, les hébergeurs ont le pouvoir de déterminer le caractère licite ou illicite des contenus qu'ils accueillent. Il est difficile de penser que l'on délègue à une personne privée commerciale le droit de juger et de censurer. Dans le cas des textes sur la LIL, les associations (la ligue Odebi), la Delis (droits et libertés face à l'informatisation de la société) et la ligue des droits de l'homme (LDH) trouvent inacceptable que la création de véritables casiers judiciaires privés par des groupes indépendants soient autorisés au moyen du fichage des internautes. Dans un premier temps, la LEN restreint la liberté d'expression au profit des intérêts de l'industrie culturelle, suivi de la LIL qui permettrait de banaliser le fichage par une police privée au service de groupes privés. Tout ceci ressemble à un déni des valeurs républicaines les plus fondamentales et constitue des restrictions très graves des libertés les plus élémentaires. Aussi, il lui demande de lui faire part des mesures qu'il compte prendre afin de préserver les valeurs essentielles du droit à la vie privée et à la liberté d'expression.
Réponse publiée le 28 juin 2005
La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a notamment transposé en droit français les dispositions de la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 dite « commerce électronique » précisant le régime de responsabilité des intermédiaires techniques, prévu à l'article 14 de la directive. Les articles 6 et suivants de la loi encadrent la responsabilité des hébergeurs vis-à-vis des tiers, mais ne leur confèrent aucun pouvoir de censure vis-à-vis des contenus qu'ils accueillent et qui restent régis par la relation contractuelle. En outre, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2004-496 du 10 juin 2004 a validé ces dispositions, en précisant que la responsabilité de l'hébergeur ne saurait être engagée si l'information signalée comme illicite ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge. Ce nouveau régime légal de responsabilité satisfait aux précédentes observations formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2000-433 du 27 juillet 2000 et répond à la préoccupation de ne pas voir une catégorie d'acteurs de l'internet exonérés de toute responsabilité. L'article 9 de la loi modifiée du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, issu de l'article 2 de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel donne la possibilité aux sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et des droits voisins ainsi qu'aux organismes de défense professionnelle mentionnés à l'article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle de créer des traitements informatisés portant sur des données relatives à des infractions pour assurer la défense de leurs droits. Ces dispositions permettront ainsi, sous réserve de leur autorisation préalable par la CNIL, la mise en place de systèmes réalisant l'envoi de messages individuels de prévention ainsi qu'un meilleur ciblage des actions judiciaires vers des cas caractérisés par la gravité de l'infraction à l'image d'un dispositif déjà autorisé par la CNIL le 24 mars 2005 pour le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs. Dans sa décision n° 2004-499 du 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel a considéré cette disposition conforme à la Constitution en observant qu'elle répond à un objectif d'intérêt général qui s'attache à la protection des droits d'auteur, des droits voisins et de la création culturelle et que, compte tenu des garanties et eu égard à l'objectif poursuivi, cette disposition est de nature à assurer, entre le respect de la vie privée et les autres droits et libertés, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée.
Auteur : M. Kléber Mesquida
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Dates :
Question publiée le 6 juillet 2004
Réponse publiée le 28 juin 2005