Question écrite n° 44304 :
mariage

12e Législature

Question de : M. Étienne Mourrut
Gard (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Étienne Mourrut appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales à propos de la pratique des mariages forcés de jeunes gens français d'origine étrangère. En effet, il est inquiétant de voir se développer cette pratique des mariages forcés qui touche principalement les jeunes gens, généralement mineurs, qui sont manifestement contraints par leur famille. Conscient qu'il doit procéder à un mariage organisé entre familles souvent d'origine maghrébine, l'officier d'état civil ne dispose d'aucun moyen juridique de refuser de procéder à cette union. Afin de mettre un frein définitif à ces pratiques lourdes de conséquences pour ces jeunes, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quels moyens légaux pourraient être mis à la disposition des officiers d'état civil et qui leur permettraient de ne pas procéder à ces unions forcées.

Réponse publiée le 8 mars 2005

L'honorable parlementaire appelle l'attention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le fait que de jeunes Français d'origine étrangère se voient contraints par leur famille de se marier avec des ressortissants français ou étrangers. La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité comporte un certain nombre de mesures qui visent à rendre plus efficace le dispositif de lutte à la fois contre les mariages de complaisance mais aussi les mariages forcés. Ces dispositions peuvent être désormais appliquées par les différentes autorités administratives et judiciaires qui sont appelées à intervenir dans les procédures de mariage, que celles-ci concernent des étrangers et des Français ou exclusivement des personnes de nationalité française. L'article 74 de la loi introduit à l'article 63 du code civil l'obligation pour les officiers de l'état civil, préalablement à toute célébration de mariage, de s'entretenir ensemble ou séparément avec les personnes souhaitant se marier. Cet entretien a pour but de vérifier, en amont de la célébration du mariage, l'authenticité de l'intention matrimoniale. Il peut comprendre une audition séparée de l'un ou l'autre des intéressés. L'institution de cette disposition doit permettre aux officiers de l'état civil de déceler le plus en amont possible les indices d'un mariage forcé ou de complaisance dont la célébration est envisagée sur le territoire français. Si de tels indices apparaissent, notamment à la suite de cette audition, les maires peuvent saisir le procureur de la République sur le fondement des dispositions de l'article 175-2 du code civil, telles qu'elles ont été modifiées par la loi du 26 novembre 2003. Ainsi, la saisine par le maire du procureur de la République peut intervenir dès lors qu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 du code civil, c'est-à-dire pour défaut de consentement. Le mariage forcé se caractérise précisément par l'absence de consentement d'un époux. Dans ce cas, le procureur de la République pourra, au vu du dossier, décider de former opposition au mariage ou décider qu'il sera sursis à sa célébration dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fera procéder. La durée du sursis, qui ne pouvait auparavant excéder un mois, peut désormais être prolongée pendant un mois supplémentaire. Ces dispositions confèrent donc aux maires, en leur qualité d'officiers de l'état civil, des possibilités d'action renforcées lorsqu'ils sont en présence d'indices sérieux présumant l'existence d'un mariage forcé ou de complaisance. Elles permettent également à l'autorité judiciaire de procéder de manière plus approfondie aux enquêtes et vérifications tendant à établir la réalité de la manoeuvre frauduleuse ou le défaut de consentement. En cas de mariage célébré à l'étranger entre un Français et un étranger, la loi nouvelle, modifiant l'article 170 du code civil, prévoit que les agents diplomatiques et consulaires doivent également procéder à l'audition commune des futurs époux ou des époux, selon les cas, soit lors de la demande de publication des bans, soit lors de la remise du certificat de capacité à mariage, soit, lorsque le mariage a déjà été célébré, au moment de la transcription de l'acte de mariage sur les registres de l'état civil français. L'entretien, notamment individuel, avec les jeunes filles contraintes de retourner dans leur pays d'origine, peut être un outil déterminant pour les aider à s'opposer à la volonté de leur famille. Pour leur part, les préfets ont aussi un rôle à jouer en ce domaine lorsqu'un étranger est en cause. Dès lors qu'ils soupçonneront l'existence d'un tel mariage visant exclusivement à permettre à un étranger d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française, ceux-ci sont tenus de saisir le procureur de la République aux fins, le cas échéant, de poursuites judiciaires sur le fondement du nouvel article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée qui institue un nouveau délit de mariage de complaisance. En outre, le fait qu'un tel mariage ait pu être célébré ne fait pas obstacle à l'engagement ultérieur de poursuites judiciaires soit lorsque le conjoint victime dénonce les agissements dont il a été victime, soit lorsque des éléments caractérisant des actes de contrainte sont découverts par les services de police. L'absence de consentement constitue en effet un cas de nullité absolue du mariage ouvrant le droit à toute personne de contester la validité d'une telle union. L'annulation du mariage pour absence de consentement qui peut être prononcée par l'autorité judiciaire, en application de l'article 146 du code civil, pourra entraîner la remise en cause du droit au séjour de l'étranger qui aurait exercé une telle contrainte. La loi du 26 novembre 2003 ayant ainsi renforcé les moyens d'action juridique permettant de lutter contre l'organisation de mariages de complaisance ou de mariages forcés, les différentes autorités administratives et judiciaires concernées sont appelées à exercer la plénitude de leurs pouvoirs afin de faire échec aux manoeuvres frauduleuses ou aux délits qui peuvent être constatés en ce domaine. Les problèmes que posent les mariages forcés, complexes et délicats, doivent en toute hypothèse être appréhendés dans leurs différents aspects, tant juridiques que sociaux, au regard du double objectif de dissuader et de sanctionner les auteurs de ces agissements et d'assurer une protection de la personne victime de tels actes coercitifs. Sur ce dernier plan, la loi du 26 novembre 2003 a inséré dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 des dispositions tendant à protéger au regard du droit au séjour les étrangers victimes de violences conjugales. Ces dispositions confèrent aux préfets la possibilité de renouveler le titre de séjour temporaire délivré au conjoint d'un ressortissant français ou au membre de famille entré par la voie du regroupement familial, nonobstant la rupture de la vie commune entre les époux, lorsque cette rupture résulte de violences conjugales. Enfin, il convient de souligner que la lutte contre les mariages forcés et leur prévention relèvent d'une action qui doit revêtir nécessairement un caractère interministériel. Des groupes de travail ont ainsi été mis en place par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, associant les différents ministères concernés et les représentants d'associations, afin de réfléchir et de proposer des mesures concrètes sur les problématiques de l'insertion des femmes immigrées ou issues de l'immigration, au nombre desquelles figure la prévention des mariages forcés.

Données clés

Auteur : M. Étienne Mourrut

Type de question : Question écrite

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Dates :
Question publiée le 20 juillet 2004
Réponse publiée le 8 mars 2005

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