Question écrite n° 45452 :
sécurité des biens et des personnes

12e Législature

Question de : M. Francis Saint-Léger
Lozère (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Francis Saint-Léger appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales à propos des six chantiers prioritaires dévoilés récemment lors d'une conférence de presse. Il désire connaître les mesures qui seront prises dans le cadre de ces six priorités.

Réponse publiée le 1er février 2005

La délinquance recule en France. Grâce à la mobilisation des forces de police et de gendarmerie, elle a baissé de 4,04 % depuis le début de l'année. Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales souhaite aller plus loin et s'attaquer aux noyaux durs de la violence et de la criminalité. C'est pourquoi, face à des menaces complexes qui échappent largement aux réponses traditionnelles (terrorisme, cybercriminalité, trafics de drogue), face aussi à des évolutions qui affectent directement notre pacte social (montée des actes racistes et antisémites, atteintes aux mineurs, difficultés de mise en oeuvre du principe républicain d'égalité des chances), le ministre a ouvert six chantiers. Un chantier, c'est une méthode de travail nouvelle : il s'agit de mobiliser l'ensemble des forces sur des difficultés particulières, qui appellent une réponse volontaire et déterminée. Sans renoncer à conduire des politiques globales, il convient de consacrer un effort spécifique à quelques points. Cette méthode consiste également à associer des représentants de l'administration avec des personnalités qui apportent leur compétence, leur expertise et leur regard particuliers. Ces chantiers sont donc chacun conduits par un responsable du cabinet du ministre et une personnalité extérieure au ministère de l'intérieur, selon un calendrier incitatif. Les six chantiers portent sur les thèmes suivants : 1. La modernisation des instruments de lutte contre le terrorisme. Le ministre souhaite renforcer le dispositif existant, en améliorant la coopération entre les services, notamment dans le domaine du renseignement. Les axes les plus forts sont les suivants : la création d'un nouvel organe national d'analyse et d'échange du renseignement : le conseil du renseignement intérieur, qui a déjà réuni à plusieurs reprises des représentants de la DST, des RG, du SCTIP et de la gendarmerie ; la création d'une base de données publiques sur le terrorisme, pour favoriser la prise de conscience de tous ; la modernisation des technologies de surveillance et d'écoute à la disposition des services d'enquête. 2. Le démantèlement des réseaux de trafic de drogue. Alors que le trafic est de plus en plus lié aux grands réseaux du crime et que la consommation se banalise, le ministre souhaite engager une action déterminée en coupant les routes de la drogue, en démantelant les organisations responsables du trafic sur notre territoire. Le ministre veut également créer des indicateurs de résultat, sur la base de la cartographie des principaux foyers de la drogue en France, tout en informant davantage les Français en mettant à leur disposition un espace spécial sur le site du ministère de l'intérieur, sur lequel figureront les coordonnées des services en charge de lutter contre le trafic. Le 15 octobre 2004, le ministre et M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes et vice-président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, ont présenté le rapport sur « la lutte contre les réseaux de trafiquants de drogue ». Le rapport retient cinq pistes de travail et fait cinquante-deux propositions concernant la protection des frontières, le démantèlement des organisations responsables du trafic, la confiscation des produits financiers du trafic et la modernisation de notre dispositif de lutte contre le blanchiment de l'argent de la drogue ou encore la création de nouveaux indicateurs d'activité pour mieux mesurer l'efficacité des services. Le ministre de l'intérieur, qui s'est félicité de ce rapport, a annoncé sa volonté de l'utiliser pour faire faire un véritable saut qualitatif à l'ensemble du dispositif français. Parmi les mesures envisagées qui devraient rapidement avoir un impact sur le fonctionnement du dispositif actuel, le renforcement de l'OCRTIS (office central de répression du trafic illicite des stupéfiants), la création d'une unité interministérielle d'infiltration, la mise en place d'équipes conjointes d'investigation avec l'Espagne, la création d'une plate-forme commune européenne de renseignement et d'analyse sur les trafics maritimes, la mutualisation des officiers de liaison des États membres de l'Union, comme ce qui est déjà fait en Colombie, ou encore la création d'une cellule interministérielle d'identification des avoirs et des patrimoines. Le ministre a, par ailleurs, annoncé que ce renforcement significatif de l'action de l'État serait accompagné, dès le début de l'année prochaine, d'une campagne nationale de communication sur les dangers du cannabis. La conduite de cette action a été confiée à la MILDT (mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie). 3. La lutte contre la cybercriminalité. En France, plus de 20 millions d'internautes sont confrontés à la diffusion d'idées inacceptables dans notre République : la pédophilie, le néonazisme, l'antisémitisme ou le racisme. C'est pourquoi il est désormais impératif de mieux lutter contre toutes les formes de délinquance véhiculées ou facilitées par les réseaux numérisés, et contre les atteintes à ces réseaux, afin de protéger nos concitoyens, nos entreprises et nos institutions. Sans anticiper sur le travail des membres du chantier, des orientations préalables peuvent être retenues : développer au sein de la police et de la gendarmerie la formation des enquêteurs spécialisés ; organiser la surveillance des sites, notamment ceux à caractère terroriste, pédophile, raciste ou antisémite ; mettre sur pied une veille technologique commune à la police et à la gendarmerie ; développer la coopération internationale pour lutter contre des menaces qui ne peuvent être combattues dans un pays seul. Thierry Breton, président de France Télécom, a accepté de travailler avec le ministère de l'intérieur sur ce sujet. 4. La sécurité des mineurs. Il y a aujourd'hui en France environ 6 000 viols par an, dont plus de la moitié sur des mineurs. Il y a deux fois plus d'agressions sexuelles au sens large contre les mineurs que contre les majeurs, et la moitié a lieu dans un cadre familial. La plus grande responsabilisation des parents, un meilleur traitement des disparitions lorsqu'elles surviennent, avec toute l'énergie et tout le dévouement des forces de sécurité, et le démantèlement des filières de travail clandestin et de prostitution des mineurs ne suffisent plus. Il faut apporter des réponses radicalement nouvelles, en travaillant dans trois directions : la victimologie : il s'agit de connaître exactement les risques auxquels sont exposés les mineurs pour mieux y répondre. Ces risques sont divers : ils vont de la drogue aux accidents de la circulation, en passant par les violences familiales ou la pédophilie ; la coordination de la prise en charge : aujourd'hui les acteurs sont dispersés. Il faut veiller à ce qu'ils puissent conjuguer leurs efforts, sur le modèle de ce qui a été fait dans le domaine de la sécurité avec les GIR ; le lien entre l'information et l'action : trop souvent, les informations ne donnent lieu à aucun traitement spécifique, il faut trouver des solutions à ces difficultés inacceptables. Le ministre a eu recours à l'expertise de Marie-Thérèse Hermange pour déboucher sur des propositions nouvelles. 5. La lutte contre les actes racistes et antisémites. Ces actes contraires aux valeurs les plus essentielles de notre République sont en augmentation. Dès son arrivée au ministère de l'intérieur, M. de Villepin a engagé plusieurs actions (instructions aux préfets, mesures de protection spécifiques, distribution de documents d'information afin que tous les actes soient signalés et qu'aucun ne reste sans suite). Toutefois, le ministre souhaite provoquer une prise de conscience nationale et a convaincu M. Jean-Christophe Rufin, écrivain, médecin et responsable de nombreuses associations d'aide humanitaire, d'accepter de piloter ce chantier. Le rapport qu'il vient de remettre fixe des orientations et préconise des mesures spécifiques propres à mieux appréhender et combattre le racisme et l'antisémitisme : réorganisation du suivi statistique pour le rendre plus fiable et prévenir la banalisation de l'antisémitisme notamment en milieu scolaire, création d'un observatoire national de l'antisémitisme, adaptation de l'arsenal juridique vers les nouvelles formes de l'antisionisme radical... En matière de racisme, il propose un schéma identique à celui de la lutte contre l'antisémitisme, insiste sur les efforts nécessaires à mettre en oeuvre en matière de formation et sur le rôle que pourrait jouer la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, ou des cellules départementales de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. La question des réseaux virtuels et de l'internet est également abordée et le principe d'un observatoire spécifique du racisme et de l'antisémitisme sur internet suggéré. L'analyse conclut, sur un plan plus général, à un renforcement de la défense des valeurs républicaines pour apporter des réponses pragmatiques et équilibrées à la lutte contre ces deux fléaux. 6. La promotion de l'égalité des chances. L'égalité des chances est un principe fondateur de notre République. Or certains jeunes sont cantonnés dans leurs quartiers, n'ont pas accès aux informations qui leur permettraient de tenter des expériences professionnelles, n'ont pas de seconde chance. Partant du constat de l'existence en France d'un défaut d'intégration, le ministre considère qu'il faut aider chacun à faire le pas vers les systèmes de recrutement de la République. En aucun cas il ne s'agit de s'orienter vers une discrimination positive. Néanmoins, le ministre souhaite qu'un effort soit fait en ce qui concerne les concours du ministère de l'intérieur. L'écrivain et chercheur Azouz Begag a accepté de mettre son expérience au service de ce chantier.

Données clés

Auteur : M. Francis Saint-Léger

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Dates :
Question publiée le 3 août 2004
Réponse publiée le 1er février 2005

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