baux d'habitation
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste
M. Joël Giraud attire l'attention de M. le secrétaire d'État au logement sur la censure, par un arrêt du 24 mars 2004 de la Cour de cassation (3e C. Civ. n° 912 BICC 600), du décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 qui encadre les effets les plus néfastes des congés pour vente initiés par des personnes morales et affectant plus de dix logements dans un même ensemble d'habitation. Ces congés sont particulièrement choquants et abusifs car le bailleur est en ces cas une personne morale possédant un stock important de logements loués, qui dispose de ce fait aisément de la possibilité de vendre à l'occasion de départs naturels issus de son stock, ou de gérer une valorisation prenant en compte des cessions de logements occupés pour un prix modestement inférieur. Conscient de l'urgence extrême des conséquences humaines de ces amples congés spéculatifs qui affectent de manière très localisée un nombre important de logements, et de leurs effets dévastateurs sur la mixité du tissu social, le gouvernement de M. Lionel Jospin en 1999, dont le secrétaire d'État au logement M. Louis Besson, avait tenu à l'application entière des dispositions du décret n° 99-628 à toutes les instances contentieuses en cours susceptibles de mener à expulsion. Bien naturellement, ces contentieux avaient alors motivé et guidé, tant l'élaboration et la mise en oeuvre du texte réglementaire que celles de l'accord collectif de location conclu le 9 juin 1998 dont il procède. Aussi, sans ambiguïté, le décret susmentionné précise avec soin que son champ d'application recouvre les « opérations en cours », ce dont une instance contentieuse visant à obtenir l'expulsion d'un locataire, fait manifestement partie. Or, l'arrêt du 24 mars 2004, violant le sens de ces mots, l'objet du texte et l'intention de ses auteurs, a censuré cette rédaction en limitant de facto la portée de cette disposition réglementaire explicite aux congés délivrés non parvenus à leur terme, ce qui n'était pas son objet. Cette décision malencontreuse affecte - et afflige - des locataires à faibles revenus et de santé précaire, par là même seuls susceptibles de bénéficier des dispositions des articles 4.1 et 4.2 de l'annexe à ce décret du 22 juillet 1999. Elle est préjudiciable à ceux d'entre eux qui subissent un contentieux en cours visant à obtenir une expulsion appuyée sur un congé pour vente, sous les deux conditions que ce congé ait été notifié à plus de dix logements dans un ensemble d'habitation, et que sa date de prise d'effet ait été antérieure au 22 juillet 1999. Si de telles situations sont naturellement devenues aujourd'hui peu nombreuses, le respect de l'individu et de la famille impose de prévenir très rapidement les drames causés par cette décision du 24 mars dernier, qui suscite un retour en arrière inexplicable et inacceptable dans des situations personnelles en général difficiles et instables. Aussi, il estime qu'une action claire, simple et résolue est particulièrement urgente sur ce point et il demande quelles dispositions seront rapidement mises en oeuvre pour rendre applicables les dispositions du décret n° 99-6258 du 22 juillet 1999 aux instances contentieuses en cours visant à obtenir l'expulsion d'un locataire, consécutives à un congé pour vente par lots dans les ensembles immobiliers d'habitation.
Réponse publiée le 10 mai 2005
Les règles régissant les rapports du parc locatif privé s'inscrivent dans un principe d'équilibre entre propriétaires et locataires affirmé par le législateur dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Elles tendent notamment à garantir à chaque locataire, lors de toute opération de vente, un droit de priorité pour acheter le logement qu'il occupe et à assurer une protection renforcée des locataires âgés les plus modestes, tout en respectant le droit de chaque propriétaire à disposer librement de son bien. Cependant, pour les opérations de division d'immeubles en vue de leur vente par appartements, réalisées par des bailleurs institutionnels ou des sociétés commerciales, il apparaît particulièrement nécessaire de favoriser l'information des locataires et d'accroître la protection des plus fragiles d'entre eux. Un premier accord collectif de location du 9 juin 1998 avait instauré des règles spécifiques lorsqu'un bailleur mettait en vente plus de dix logements dans le même immeuble. Conclu entre plusieurs organisations de bailleurs et de locataires siégeant au sein de la Commission nationale de concertation, il avait été rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 à tous les logements appartenant à des bailleurs institutionnels, à l'exception des organismes HLM, puis étendu par la loi solidarité et renouvellement urbains du 13 décembre 2000 à tous les logements détenus par les autres bailleurs personnes morales. Pour répondre aux problèmes posés par la vente par appartement, le Gouvernement a souhaité apporter des solutions rapides et a demandé à la Commission nationale de concertation de travailler sur un nouvel accord collectif de location. Cet accord améliore très sensiblement les dispositions prévues par l'accord du 9 juin 1998. Il a été signé, le 16 mars dernier, par la CLCV et l'AFOC, pour les représentants des locataires, et pour les bailleurs, par la FSIF, la FFSA, Icade Patrimoine, la Fédération des SEM, l'APS. La protection des locataires fragiles est renforcée. En effet, les locataires de plus de 70 ans et les locataires handicapés ont droit à un renouvellement automatique de leur bail. Les locataires dont les ressources sont inférieures aux plafonds de ressources du PLI, qui couvrent au moins 85 % de la population française (soit 6 300 euros par mois pour un couple avec un enfant à Paris ou dans une commune limitrophe), doivent recevoir une proposition de relogement à proximité dans des conditions précisées par l'accord. Des délais sont accordés aux locataires qui doivent quitter leur logement pour leur éviter les inconvénients d'un départ rapide. Le bail est prolongé automatiquement jusqu'à la fin de l'année scolaire pour les locataires qui ont des enfants à charge scolarisés. Dans tous les cas, une prolongation automatique du bail en fonction de l'ancienneté du locataire à partir de 6 ans, à raison d'un mois par année d'ancienneté, dans la limite de 30 mois est prévue. Le non-respect des dispositions de l'accord par le bailleur entraîne la nullité du congé. L'accord prévoit également une amélioration des procédures pour l'information donnée par le vendeur aux locataires, avec des exigences d'information écrite, d'affichage dans les immeubles, d'information des associations de locataires, d'information sur le fonctionnement futur de la copropriété. Cet accord aurait pu être étendu par décret à l'ensemble des bailleurs personnes morales, si une majorité d'associations de locataires ne s'y était opposée. Cette opposition empêche que les dispositions protectrices de l'accord soient immédiatement applicables au-delà des seuls signataires. Le ministre délégué au logement et à la ville va, conformément à ses engagements, proposer des mesures législatives, destinées à lutter contre la spéculation et à renforcer les sanctions contre ceux qui ne respectent pas leurs engagements. La possibilité d'étendre par la loi les dispositions de l'accord sera également examinée.
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Baux
Ministère interrogé : logement
Ministère répondant : logement et ville
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 3 mai 2005
Dates :
Question publiée le 21 septembre 2004
Réponse publiée le 10 mai 2005