Question écrite n° 50180 :
Soudan

12e Législature
Question signalée le 28 juin 2005

Question de : M. Marc Francina
Haute-Savoie (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Marc Francina attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation du Darfour, province de l'Ouest soudanais, en proie à une guerre civile. En effet, cette guerre civile a causé la mort de plus de 10 000 victimes et contraint 1,2 million de personnes à quitter leur village. En juin dernier, les États-unis ont proposé un projet de résolution au conseil de sécurité des Nations unies demandant au gouvernement soudanais de respecter immédiatement les engagements qu'il a pris publiquement. Ils ont évoqué, au titre de sanction, un embargo sur les armes. Cependant, cet embargo ne vise que les milices Janjawid, milices financées, armées et soutenues par le gouvernement soudanais lui-même et dont la plupart ont d'ailleurs été intégrées au sein de l'armée régulière. C'est pourquoi il souhaiterait savoir si le Gouvernement français envisage de soutenir un projet de résolution ordonnant un embargo immédiat sur les livraisons d'armes et de matériel militaire utilisées par les forces gouvernementales comme par les Janjawid.

Réponse publiée le 5 juillet 2005

La persistance de la crise du Darfour est au coeur des préoccupations de la France. La situation dans le Darfour demeure en effet très mauvaise, comme en témoigne la poursuite des violations des droits de l'homme et la précarité des conditions de vie des déplacés et des réfugiés : sur une population totale de six millions d'habitants, plus de deux millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le conflit du Darfour est un facteur de déstabilisation pour les pays voisins, notamment le Tchad et la République centrafricaine. La France, qui a rapidement pris conscience de la gravité de cette crise, s'est très tôt impliquée dans la résolution du conflit. La France a répondu tout d'abord à l'urgence humanitaire afin de secourir les personnes en détresse. Son aide humanitaire bilatérale, et via l'Union européenne et les agences spécialisées des Nations unies, s'élève à 55 MEUR. Au total, nous avons engagé pour le Darfour près de 81 millions d'euros d'aide humanitaire et politique (soutien à la force de l'Union africaine ainsi qu'aux négociations de paix). En outre, pendant la dernière saison des pluies (août-septembre 2004), la France a mis à disposition ses moyens militaires au Tchad pour acheminer plus de 700 tonnes de fret (équipement, médicaments, compléments alimentaires) de N'djamena vers les camps de réfugiés situés près de la frontière avec le Soudan, au profit de différents opérateurs humanitaires (Nations unies, ONG). Parallèlement à ces actions, la France continue, sur le plan politique, à agir auprès de toutes les parties au conflit afin de faire respecter durablement le cessez-le-feu, qui est aujourd'hui assez largement respecté, d'assurer la sécurité des populations civiles et des personnels humanitaires, de neutraliser les milices janjaouites et de convaincre les parties de négocier un accord de paix durable et définitif. Nous menons pour cela une action diplomatique à différents niveaux. À titre bilatéral, nous avons multiplié les échanges avec les autorités soudanaises. Ainsi, dès février 2004, M. Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, s'était rendu au Tchad (à N'djamena et dans le camp de Forchana), puis au Soudan. M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, s'est quant à lui rendu en mai 2004 à N'djamena, tandis que le secrétaire d'État aux affaires étrangères, M. Renaud Muselier, est allé en juin 2004 à Khartoum puis dans le Darfour, dans les camps de déplacés d'El Geneina et de Mornei. M. Michel Barnier s'est pour sa part rendu au Tchad le 27 juillet 2004, puis dans le Darfour, à El Fasher, où il a visité le camp de personnes déplacées d'Abou Shok. La ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, était à son tour le 6 août 2004 à Abéché, au Tchad. Le ministre des affaires étrangères envisage, pour sa part, de se rendre prochainement au Soudan. La France agit également dans le cadre de l'Union européenne, à l'occasion des nombreuses consultations (conseils affaires générales, comité politique et sécurité) qui sont consacrées à la crise du Darfour. La France participe également à la mobilisation du Conseil de sécurité sur ce dossier, et a activement oeuvré à l'adoption de la résolution 1591 qui prévoit, d'une part, l'extension à toutes les parties, y compris les forces gouvernementales, de l'embargo sur les armes dans le Darfour instauré par la résolution 1556, et, d'autre part, l'instauration de mécanismes pour en surveiller l'application (des sanctions individuelles sont prévues contre les personnes qui feraient obstacle au processus de paix). Le comité des sanctions a déjà été mis en place. L'adoption de cette résolution répond en grande partie aux préoccupations qui sont les vôtres. En outre, la France, qui ne saurait tolérer que les auteurs des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre rapportés par la commission internationale d'enquête mise en place par la résolution 1564 ne soient pas poursuivis pour les exactions dont ils se sont rendus coupables, a fait pression au Conseil de sécurité pour que celui-ci défère devant la Cour pénale internationale (CPI) les crimes commis dans le Darfour (résolution 1593 du 31 mars 2005). Nous estimons en effet que la fin de l'impunité est un préalable indispensable au retour durable de la paix. La poursuite de l'insécurité et des violations des droits de l'homme sur le terrain montre par ailleurs qu'il est plus que jamais essentiel de faire respecter l'accord de cessez-le-feu conclu à N'djaména le 8 avril 2004, accord qui a été renforcé le 9 novembre 2004 par la signature à Abuja de deux protocoles portant sur les questions humanitaire et sécuritaire. Dans cette perspective, nous appuyons l'action de l'Union africaine, qui a déployé dans le Darfour une importante mission d'observation et de sécurisation (près de 3 000 hommes sont actuellement sur le terrain). Le conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine a décidé, le 28 avril dernier, de renforcer les effectifs de la force africaine pour les porter, dès septembre 2005, à 7 700 hommes. A cette date, un nouveau renforcement de la mission (jusqu'à 12 000 hommes au total) pourrait être décidé. La France, qui apporte à cette mission un soutien logistique (à partir de nos installations militaires au Tchad), a mis à disposition un général français qui exerce les fonctions de vice-président de la commission d'observation du cessez-le-feu. Nous avons également mis à la disposition de l'Union africaine un officier spécialiste de la planification. Enfin, pour compléter le dispositif de l'UA, les forces françaises présentes au Tchad mènent des actions d'observation et de sécurisation à la frontière avec le Soudan, ce qui a permis une stabilisation de la situation dans cette zone particulièrement fragile. Cette mission de l'UA est très largement financée par l'Union européenne qui a débloqué, en sus des 12 millions qu'elle avait déjà alloués en juin 2004, 80 millions d'euros. La France encourage ce partenariat entre l'Union européenne et l'Union africaine, qui va encore se développer dans les mois prochains, l'Union européenne ayant décidé d'aider l'Union africaine de manière globale et substantielle pour faire face à l'augmentation de ses effectifs sur le terrain. Pour sortir définitivement de cette crise, il convient également de conclure les négociations de paix qui ont repris le 10 juin à Abuja (Nigeria). Seul un règlement négocié, de fond, est en effet de nature à mettre un terme au conflit du Darfour. La clé du retour à la stabilité du Darfour, mais aussi de la région, est avant tout entre les mains des autorités soudanaises. Le règlement de la crise, humanitaire d'abord, politique ensuite, ne se fera pas sans le Soudan, et encore moins contre le Soudan. Il se fera avec lui, et en prenant en considération les intérêts prioritaires des populations aujourd'hui directement menacées.

Données clés

Auteur : M. Marc Francina

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 28 juin 2005

Dates :
Question publiée le 2 novembre 2004
Réponse publiée le 5 juillet 2005

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