eau
Question de :
M. Jean Tiberi
Paris (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean Tiberi demande à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable de lui rappeler les mesures prises par le Gouvernement en matière de protection de l'eau par les pollutions agricoles.
Réponse publiée le 27 janvier 2003
La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant les mesures prises par le Gouvernement en matière de protection de l'eau contre les pollutions agricoles. Il convient au préalable de rappeler que les pratiques d'élevage hors sol, de fertilisation et de traitements phytosanitaires ont entraîné la dégradation de la qualité d'une part importante des eaux continentales et littorales. En matière de nitrates, ce constat date de 1980, suite au rapport du professeur Hénin. Le constat de pollution due aux produits phytosanitaires est beaucoup plus récent. La politique de lutte contre la pollution de l'eau par les nitrates d'origine agricole repose sur la combinaison d'un dispositif réglementaire et d'un dispositif d'aides économiques. L'ensemble est largement encadré par des textes communautaires comme la directive « Nitrates » de 1991, la directive de 1975 relative aux eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire et les lignes directrices européennes relative à la concurrence en matière d'aide publique. Ainsi, la transposition de la directive « Nitrates » a conduit à classer environ la moitié de la surface agricole en zones vulnérables et à mettre en oeuvre dans ces zones des programmes d'action applicables à tous les agriculteurs. Les prescriptions de ces programmes visent à atteindre l'équilibre de la fertilisation azotée (la bonne dose au bon moment et au bon endroit). Il en résulte des capacités et des durées de stockage pour les effluents d'élevage. Ces prescriptions sont renforcées, d'une part, dans les zones à fortes concentrations d'élevage où les capacités de recyclage des sols sont insuffisantes pour absorber l'azote organique produit par les animaux (délimitation de cantons en zones d'excédent structurel avec des actions de résorption), d'autre part, dans les bassins versants en dépassement sur le paramètre « Nitrates », au titre de la directive de 1975 (délimitation de zones d'action complémentaires avec couverture hivernale des sols obligatoires et limitation des apports totaux d'azote minéral et organique). Les investissements pour le stockage et l'épandage des effluents d'élevages bénéficient d'aides publiques du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA). Ce programme, qui a démarré en 1994, a été réformé en 2001 en vue d'une meilleure efficacité environnementale et sous la pression de la Commission européenne qui a fait connaître son accord, par courrier du 30 octobre 2001, à sa mise en oeuvre sous réserve de la prise en compte d'un certain nombre de conditions. En effet, la Commission considère que ce dispositif est dérogatoire en zones vulnérables, car il vise à respecter une réglementation existante depuis 1991, au titre de la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite directive « Nitrates ». Compte tenu de l'interdiction faite aux Etats membres d'aider financièrement la mise en oeuvre d'exigences réglementaires, la Commission a bien voulu considérer qu'il s'agissait d'exigences nouvelles jusqu'à quinze ans après la publication de la directive. Elle a fixé un délai impératif d'achèvement de ce programme au 31 décembre 2006, ainsi qu'un certain nombre d'autres conditions à remplir par les éleveurs situés en zones vulnérables. Ces aides financières, représentant 60 à 65 % des investissements éligibles, permettent aux éleveurs de respecter les exigences imposées en 1991 à tous les agriculteurs européens en matière de limitation de la pollution de l'eau par les nitrates. Afin de respecter le délai du 31 décembre 2006 pour l'achèvement du programme dans les zones vulnérables, il a été demandé aux préfets de ne définir des zones prioritaires en dehors des zones vulnérables que dans la mesure où les crédits disponibles permettent déjà de traiter les élevages situés en zones vulnérables et ceux qui sont éligibles au regard de leur taille. Une autre aide financière est accordée aux agriculteurs situés dans les zones d'action complémentaires et est liée à l'obligation de couverture des sols. Cette aide appelée « Indemnité compensatoire de couverture des sols » permet l'implantation de cultures pièges à nitrates en amont des captages d'eau potable. En matière de lutte contre la pollution par les produits phytosanitaires, les actions ont été renforcées depuis la mise en évidence de la gravité de la situation en 1998, faisant suite à une meilleure connaissance de la pollution de l'eau par les produits phytosanitaires. L'action des pouvoirs publics combine : des mesures réglementaires, qui incombent au ministère chargé de l'agriculture, visant à interdire les produits les plus souvent détectés (à commencer par les produits contenant de l'atrazine) et à sévériser les conditions d'autorisation de mise sur le marché des autres produits ; des mesures d'information portant sur la connaissance de la pollution à partir de 1998 ; des mesures incitatives rassemblées dans un programme national, engagé au cours de l'été 2000, lequel conduit à mettre en place des actions préventives visant à protéger la qualité de l'eau, avec des financements provenant du Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) ; la mise en place, à partir de l'année 2000, d'une taxe au taux variable, croissant avec la toxicité des substances, visant à encourager l'utilisation des produits moins toxiques et à dissuader l'emploi des plus toxiques. Le programme pluriannuel se décline en mesures nationales et régionales. Sur le plan national, quatre mesures prévoient la mise en place d'une filière de récupération des emballages et des produits phytosanitaires non utilisés, un renforcement des contrôles de l'utilisation des produits phytosanitaires, la conduite des études préalables en vue de la mise en place d'un dispositif de contrôle obligatoire des pulvérisateurs agricoles, ainsi que le développement des techniques de protection des cultures, alternatives à la lutte chimique. Au plan régional, le programme permet d'intensifier les travaux des groupes régionaux chargés de la lutte contre la pollution des eaux par les produits phytosanitaires, placés sous l'autorité des préfets de région. Les mesures soutenues sont centrées sur des bassins versants prioritaires. Celles-ci comprennent, à l'échelle de chaque bassin, un diagnostic des causes de pollution des ressources en eau, suivi d'un plan d'actions comprenant de la formation et du conseil, la mise en place de zones tampons, ainsi que des investissements collectifs limitant les transferts de pesticides vers les eaux. Une synergie avec les contrats territoriaux d'exploitation et les futurs contrats d'agriculture durable est recherchée. Des actions sont en cours ou prévues sur cent quatre-vingts bassins versants (125 en 2001), concernant environ 51 000 exploitations (26 000 en 2001) et couvrant 3,2 millions d'hectares (2 millions en 2001). Ces cent quatre-vingts bassins versants participent à l'alimentation en eau potable de 6,45 millions d'habitants. Ces actions volontaires sont complétées par l'application du principe pollueur-payeur aux pollutions diffuses d'origine agricole par la création d'une « pollutaxe » sur les produits phytosanitaires dans le cadre de la taxe générale sur les activités polluantes depuis le 1er janvier 2000, dont le taux croit avec la toxicité des produits. Ainsi, les pouvoirs publics se sont dotés de moyens réglementaires et économiques importants pour protéger l'eau des pollutions agricoles. Il convient toutefois d'être conscient que la récupération de certaines masses d'eau fortement dégradées demandera de longues années ; il est même possible que localement la situation continue à se dégrader malgré l'amélioration des pratiques agricoles, du fait par exemple de la migration lente des polluants accumulés dans les sols.
Auteur : M. Jean Tiberi
Type de question : Question écrite
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Dates :
Question publiée le 28 octobre 2002
Réponse publiée le 27 janvier 2003