aide humanitaire
Question de :
M. Jean-Marie Morisset
Deux-Sèvres (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean-Marie Morisset appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'interprétation de la notion d'intérêt local en matière de coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises, et plus particulièrement des départements. Les compétences des collectivités locales dans ce domaine, définies par la loi du 6 février 1992, ont été précisées par une circulaire du ministère de l'intérieur du 20 avril 2001, qui a établi une interprétation de leurs compétences, en tenant compte des évolutions jurisprudentielles et de l'expérience des collectivités engagées dans l'action extérieure (art. L. 1112-1 du CGCT). L'appréciation du critère d'intérêt local retenue par la jurisprudence peut toutefois prêter à controverse. Ainsi, la délibération d'un conseil général approuvant le financement de la construction d'un collège public d'enseignement général au Burkina Faso et une subvention au service départemental d'incendie et de secours pour la réhabilitation d'un service de lutte contre l'incendie par la commune urbaine de Majunga à Madagascar vient d'être annulée par le tribunal administratif au motif que ces opérations, qui présentent un intérêt essentiellement humanitaire, sont dépourvues d'intérêt départemental. Cette décision relance la portée effective de la notion d'intérêt local conditionnant la capacité d'action des collectivités en matière de coopération internationale, et, par extension, pour des actions humanitaires. Aussi, il lui demande de lui préciser sa position quant à cette situation et si la notion d'intérêt local, au sens de la coopération décentralisée, peut englober les actions effectuées dans un but essentiellement humanitaire.
Réponse publiée le 19 avril 2005
Le récent jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de Poitiers (M. Charbonneau c/département des Deux-Sèvres, 18 novembre 2004) annulant deux délibérations du conseil général des Deux-Sèvres, concernant respectivement la construction d'un collège au Burkina-Faso et l'assistance technique à un service d'incendie à Madagascar, peut légitimement conduire à s'interroger sur la portée qu'il convient de donner à la notion d'intérêt local pour l'application des dispositions de l'article L. 1115-1 relatives à la coopération décentralisée des collectivités territoriales et de leurs groupements. A ce sujet et, sous réserve de l'appréciation souveraine du juge éventuellement saisi au contentieux et des circonstances de l'espèce, les remarques suivantes peuvent être faites : tout d'abord, il convient de se référer à l'intention du législateur, telle qu'elle résulte des débats parlementaires et de l'exposé des motifs. A cet égard, les propos tenus par le représentant du Gouvernement (M. Alain Vivien) au cours de la 2e séance du lundi 25 mars 1991 à l'Assemblée nationale soulignent le rôle de la coopération décentralisée comme « gisement de moyens humains et financiers au service du développement du Sud » (JO Débats, Assemblée nationale, p. 32). Il convient également de noter des décisions de jurisprudence intervenues en sens contraire de celle du tribunal de Poitiers. Ainsi, la cour administrative de Douai dans un arrêt M. Eric Delcroix, 13 mai 2004, a reconnu l'intérêt local d'actions de coopération dont le contenu n'était pas fondamentalement différent de celui évoqué plus haut et qui donnaient « l'occasion à un ensemble de partenaires locaux (de la région Picardie) de s'associer à cette démarche » en faveur d'une collectivité territoriale béninoise. Il reste que les contradictions de décisions, qui peuvent se faire jour à l'occasion de l'examen de contentieux semblables ou voisins par des juridictions différentes, sont susceptibles d'inquiéter ou de décourager certaines collectivités territoriales qui souhaitent développer leurs coopérations à l'étranger. Or il s'agit d'un objectif souhaitable, que l'Etat s'emploie à accompagner et à soutenir par des cofinancements. Les actions ainsi entreprises sont en effet spécifiques par leurs caractéristiques mais complémentaires de celles du Gouvernement dans les domaines de l'aide au développement, de la lutte contre la pauvreté, de la francophonie et plus généralement de la présence de la France dans le monde. C'est dans cet esprit d'ailleurs qu'a été entrepris depuis 2004 un recensement systématique de la contribution des collectivités territoriales françaises à l'Aide publique au développement (APD). Il y aurait un paradoxe à encourager des actions dont le cadre légal demeurerait incertain. C'est pourquoi le Gouvernement étudie les possibilités de clarifier la législation en ce domaine, sachant le légitime souci des élus de mener leurs actions de coopération décentralisée dans un climat de sécurité juridique, et aussi pour éviter que les projets à l'étranger ne soient retardés ou compromis, au détriment des populations concernées et de l'image de la France. Il a saisi dès l'été 2004 la section des études et du rapport du Conseil d'Etat afin de disposer d'analyses complètes sur ce sujet, les conclusions du rapport devant être disponibles autour de mai 2005. Le Gouvernement se préoccupe aussi de donner un cadre clair aux interventions ou contributions de caractère humanitaire des collectivités territoriales. On sait la générosité qu'elles ont encore récemment manifesté par solidarité avec les victimes du raz-de-marée du 26 décembre 2004 en Asie, à la fois dans la phase d'urgence et maintenant dans les opérations de reconstruction.
Auteur : M. Jean-Marie Morisset
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 1er février 2005
Réponse publiée le 19 avril 2005