DOM et TOM : État
Question de :
Mme Marcelle Ramonet
Finistère (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Marcelle Ramonet appelle l'attention de Mme la ministre de l'outre-mer sur la révision éventuelle de la Constitution s'agissant de son titre XII, et notamment s'agissant des départements et territoires d'outre-mer, des articles 73 et 74. Elle lui rappelle que le chef de l'Etat comme la ministre elle-même ont indiqué vouloir permettre l'évolution du cadre institutionnel des DOM-TOM, dès lors que les collectivités d'outre-mer le souhaiteraient, mais dans le strict respect de la l'unité de la République. Elle lui demande quel type d'évolution peut être envisagé et si des départements ou territoires d'outre-mer ont émis le voeu d'une modification du cadre institutionnel.
Réponse publiée le 21 septembre 2004
La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République réforme profondément le cadre constitutionnel de la France d'outre-mer en y inscrivant notamment des garanties nouvelles. Les nouveaux articles 72-3, 72-4, 73 et 74 ouvrent et encadrent les possibilités d'évolution institutionnelle. Le passage du régime de l'identité législative de l'article 73 (régime des départements et régions d'outre-mer) vers le régime de spécialité législative modulée prévu par l'article 74, avec possibilité pour l'assemblée de réglementer dans des matières qui relèvent du domaine de la loi, comme l'hypothèse inverse, doit désormais recueillir l'assentiment des électeurs inscrits au sein des collectivités territoriales. C'est ainsi que par deux décrets signés le 29 octobre 2003, le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, lui-même saisi des propositions des conseils municipaux de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, a décidé d'organiser le 7 décembre 2003 une consultation des électeurs de ces deux îles. La question posée portait sur la création d'une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution et ces consultations ont été organisées sur le fondement de l'article 72-4 de la Constitution. Les électeurs ayant répondu par l'affirmative (76,17 % des suffrages exprimés à Saint-Martin et 95,51 % à Saint-Barthélemy), le Gouvernement prépare actuellement le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire nécessaires à l'organisation des nouvelles collectivités, qui seront soumises aux règles et principes posés par le titre XII de la Constitution : elles seront dotées d'une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct, dont procédera un exécutif collégial responsable devant l'assemblée. Dans le même esprit, dans les départements et régions d'outre-mer, la création d'une « assemblée unique » n'est pas possible sans une consultation préalable des populations : là encore, cette concentration potentielle dans une seule assemblée, et donc dans un seul exécutif, des compétences régionales et départementales a paru d'une importance suffisante au Constituant pour nécessiter l'assentiment préalable des électeurs. Deux décrets du Président de la République, également signés le 29 octobre 2003, ont ainsi prévu la consultation le 7 décembre 2003 des électeurs de la Martinique et de la Guadeloupe sur la question de la création, dans chacune de ces deux régions monodépartementales, d'une collectivité territoriale unique demeurant régie par l'article 73 de la Constitution et se substituant au département et à la région. La réponse a été, dans les deux cas, négative (72,98 % en Guadeloupe et 50,48 % en Martinique). Le Conseil d'État a rejeté les recours contentieux dirigés contre ces décrets. Dans tous les cas, la consultation est organisée par le chef de l'État, et le Parlement reste maître, ensuite, d'adopter la loi déterminant le contenu de la réforme dont le principe aura été approuvé par la population. Une loi qui irait à l'encontre de la décision clairement exprimée par les électeurs serait inconstitutionnelle. Pour passer du régime de l'article 73 vers celui de l'article 74, ou l'inverse, une loi organique est, en outre, requise, ce qui constitue une garantie supplémentaire. Par ailleurs, la révision constitutionnelle consacre solennellement l'appartenance de l'outre-mer à la République, en inscrivant dans le texte même de la Constitution le nom de chacune des collectivités territoriales d'outre-mer. Il en résulte qu'aucune évolution vers l'indépendance n'est possible sans une révision de la Constitution. La nouvelle rédaction de l'article 73 reprend une rédaction très proche de celle de l'article 299-2 du traité de Rome issu du traité d'Amsterdam et ouvre davantage de possibilités d'adaptation à la réalité des départements et régions d'outre-mer (« caractéristiques et contraintes particulières » au lieu de : « situation particulière »). La possibilité d'adaptation peut désormais être décentralisée : les assemblées locales peuvent être habilitées à décider elles-mêmes de ces adaptations dans les matières où s'exercent leurs compétences et dans les conditions prévues par une loi organique. De même, et toujours dans le but de donner plus de souplesse au régime des départements et régions d'outre-mer, ces collectivités peuvent prendre des actes réglementaires dans un nombre limité de matières qui sont de la compétence des pouvoirs législatif et réglementaire nationaux, à l'exception toutefois des matières « régaliennes ». Ainsi, dans des matières qui, non régaliennes, ont des incidences directes sur la vie des ultramarins et sur le développement économique, les élus bénéficient d'une plus grande liberté d'action, par exemple en matière d'environnement ou de transports. Il s'agit donc d'une faculté de réglementer notamment dans le domaine de la loi qui, par son caractère limité et dérogatoire, ne remet pas en cause le principe d'identité. Si un autre choix devait être fait, il faudrait alors franchir le pas du changement de régime législatif et opter pour l'article 74. Cette faculté n'est toutefois pas ouverte au département et à la région de la Réunion, conformément à l'article 73, alinéa 5 de la Constitution. S'agissant des collectivités d'outre-mer (la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte), le nouvel article 74 permet de mieux prendre en compte les particularités de chacune d'elles. Il met d'abord fin à l'incertitude qui affecte le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, lesquelles disposaient d'une organisation empruntant partiellement à celle des anciens territoires d'outre-mer, sans base constitutionnelle claire. Il ouvre également toutes les possibilités en matière de modulation de la spécialité législative, d'organisation institutionnelle et de répartition des compétences entre l'État et chaque collectivité et, prochainement, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Des situations aussi différentes que celles de la Polynésie française, de Mayotte, de Wallis-et-Futuna ou de Saint-Pierre-et-Miquelon y trouvent leur place. Tous ces territoires sont désormais qualifiés par la Constitution de « collectivités d'outre-mer », l'expression de « territoire d'outre-mer » étant, en conséquence, à proscrire. L'obligation de consulter ces collectivités sur les projets de textes législatifs et réglementaires qui comportent des dispositions particulières les concernant et sur la ratification des accords internationaux conclus dans des matières relevant de leur compétence et désormais inscrits dans la Constitution. Le nouvel article 74 de la Constitution permet de doter les collectivités qu'il régit d'un statut adapté à leur spécificité. Il prévoit en outre que certaines collectivités peuvent accéder à « l'autonomie », qui est ainsi consacrée par le texte constitutionnel et qui offre des possibilités étendues de protection des compétences locales ou de prendre certaines mesures en faveur des populations concernées (préservation de l'emploi local, régime spécifique en matière foncière). La Polynésie française, déjà dotée par la loi organique du 12 avril 1996 d'un statut d'autonomie, bénéficie ainsi, par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, d'un nouveau statut qui conforte les acquis des précédentes lois statutaires et lui permet d'affirmer sa personnalité et ses intérêts propres au sein de la République. Ainsi, la révision du 28 mars 2003, en transcrivant dans le texte de la Constitution les engagements solennels du Président de la République, a-t-elle renforcé les garanties juridiques et démocratiques offertes aux populations d'outre-mer. Elle leur offre des possibilités d'évolution adaptées à la situation propre à chacune de ces collectivités dans le respect de l'unité et de l'indivisibilité de la République.
Auteur : Mme Marcelle Ramonet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Dates :
Question publiée le 4 novembre 2002
Réponse publiée le 21 septembre 2004