Question écrite n° 60866 :
Soudan

12e Législature

Question de : M. Claude Goasguen
Paris (14e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Claude Goasguen attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les transferts d'armements vers le Soudan. La région du Darfour est le lieu de graves violations des droits de l'homme commises par les forces gouvernementales soudanaises et les milices alliées. L'Union européenne a adopté une position commune le 16 mars 1994 instaurant un embargo sur les ventes d'armes vers ce pays, dans le but de promouvoir une paix et une réconciliation durables au Soudan. Or un rapport d'Amnesty International publié le 16 novembre 2004 révèle que la France a effectué des transferts d'armes entre 2000 et 2002 vers le Soudan. Ces affirmations s'appuient sur des documents de l'Organisation des Nations unies. Il s'agirait de grenades, de fusils, des pistolets, des munitions ainsi que d'autres armes légères et de petit calibre. La France mène une politique internationale de promotion de la paix, que cela soit au Proche-Orient ou en Afrique notamment. Il est donc difficilement pensable que les autorités françaises aient sciemment permis la livraison d'armes vers le Soudan, instruments de tortures et de mort de centaines de milliers de civils. C'est pourquoi il souhaiterait qu'il réponde aux affirmations avancées par Amnesty International afin que les actions menées par la France pour promouvoir la paix ne soient pas remises en cause.

Réponse publiée le 15 novembre 2005

La persistance de la crise du Darfour est au coeur des préoccupations de la France. La situation dans le Darfour demeure en effet très mauvaise, comme en témoignent la poursuite des violations des droits de l'homme et la précarité des conditions de vie des déplacés et des réfugiés : sur une population totale de six millions d'habitants, plus de deux millions de personnes ont été contraintes de quitter leurs foyers. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le conflit du Darfour est un facteur de déstabilisation pour les pays voisins, notamment le Tchad et la République centrafricaine. La France, qui a rapidement pris conscience de la gravité de cette crise, s'est très tôt impliquée dans la résolution du conflit. La France a répondu tout d'abord à l'urgence humanitaire afin de secourir les personnes en détresse. Son aide humanitaire bilatérale et via l'Union européenne et les agences spécialisées des Nations unies s'élève à 55 MEUR. Au total, elle a engagé pour le Darfour près de 81 millions d'euros d'aide humanitaire et politique (soutien à la force de l'Union africaine ainsi qu'aux négociations de paix). En outre, pendant la dernière saison des pluies (août-septembre 2004), la France a mis à disposition ses moyens militaires au Tchad pour acheminer plus de 700 tonnes de fret (équipement, médicaments, compléments alimentaires) de Ndjamena vers les camps de réfugiés situés près de la frontière avec le Soudan, au profit de différents opérateurs humanitaires (Nations unies, ONG). Parallèlement à ces actions, la France continue, sur le plan politique, à agir auprès de toutes les parties au conflit, afin de faire respecter durablement le cessez-le-feu, qui est aujourd'hui assez largement respecté, d'assurer la sécurité des populations civiles et des personnels humanitaires, de neutraliser les milices janjaouites et de convaincre les parties de négocier un accord de paix durable et définitif. La France mène pour cela une action diplomatique à différents niveaux. À titre bilatéral, elle a multiplié les échanges avec les autorités soudanaises. Ainsi, dès février 2004, M. Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, s'était rendu au Tchad (à Ndjamena et dans le camp de Forchana), puis au Soudan. M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, s'est rendu pour sa part en mai 2004 à Ndjamena, tandis que le secrétaire d'État aux affaires étrangères, M. Renaud Muselier, est allé en juin 2004 à Khartoum puis dans le Darfour, dans les camps de déplacés d'El Geneina et de Mornei. M. Michel Barnier s'est, pour sa part, rendu au Tchad le 27 juillet 2004, puis dans le Darfour, à El Fasher, où il a visité le camp de personnes déplacées d'Abou Shok. Le ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, était à son tour le 6 août 2004 à Abéché, au Tchad. La France agit également dans le cadre de l'Union européenne, à l'occasion des nombreuses consultations (conseils affaires générales, comité politique et sécurité) qui sont consacrées à la crise du Darfour. La France participe par ailleurs à la mobilisation du conseil de sécurité sur ce dossier et a activement oeuvré à l'adoption de la résolution 1591 qui prévoit, d'une part, l'extension à toutes les parties, y compris les forces gouvernementales, de l'embargo sur les armes dans le Darfour instauré par la résolution 1556, et, d'autre part, l'instauration de mécanismes pour en surveiller l'application (des sanctions individuelles sont prévues contre les personnes qui feraient obstacle au processus de paix). Un comité des sanctions a déjà été mis en place. En outre, la France, qui ne saurait tolérer que les auteurs des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre rapportés par la Commission internationale d'enquête mise en place par la résolution 1564 ne soient pas poursuivis pour les exactions dont ils se sont rendus coupables, a fait pression au Conseil de sécurité pour que celui-ci défère devant la Cour pénale internationale (CPI) les crimes commis dans le Darfour (résolution 1593 du 31 mars 2005). La fin de l'impunité est, en effet, un préalable au retour durable de la paix. La poursuite de l'insécurité et des violations des droits de l'homme sur le terrain montre, par ailleurs, qu'il est plus que jamais essentiel de faire respecter l'accord de cessez-le-feu conclu à Ndjamena le 8 avril 2004. Cet accord a été renforcé, le 9 novembre 2004, par la signature à Abuja de deux protocoles portant sur les questions humanitaire et sécuritaire. Dans cette perspective, nous appuyons l'action de l'Union africaine, qui a déployé dans le Darfour une importante mission d'observation et de sécurisation (près de 3 000 hommes sont actuellement sur le terrain). Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine a décidé, le 28 avril dernier, de renforcer les effectifs de la force africaine pour les porter, dès septembre 2005, à 7 700 hommes. Un nouveau renforcement de la mission (jusqu'à 12 000 hommes au total) pourrait être décidé par la suite. La France, qui apporte à cette mission un soutien logistique (à partir de nos installations militaires au Tchad), a mis à disposition un général français qui exerce les fonctions de vice-président de la Commission d'observation du cessez-le-feu. Nous avons également mis à la disposition de l'Union africaine un officier spécialiste de la planification. Enfin, pour compléter le dispositif de l'UA, les forces françaises présentes au Tchad mènent des actions d'observation et de sécurisation à la frontière avec le Soudan, ce qui a permis une stabilisation de la situation dans cette zone particulièrement fragile. Cette mission de l'UA est très largement financée par l'Union européenne qui a débloqué, en sus des 12 millions qu'elle avait déjà alloués en juin 2004, 80 millions d'euros. La France encourage ce partenariat entre l'Union européenne et l'Union africaine, qui va encore se développer dans les mois prochains, l'Union européenne ayant décidé d'aider l'Union africaine pour faire face à l'augmentation de ses effectifs sur le terrain. Pour sortir définitivement de cette crise, il est essentiel de conclure les négociations de paix qui ont repris le 10 juin à Abuja (Nigeria). Seul un règlement négocié, de fond, est en effet de nature à mettre un terme au conflit du Darfour. La clé du retour à la stabilité du Darfour, mais aussi de la région, demeure entre les mains des autorités soudanaises. Le règlement de la crise, humanitaire d'abord, politique ensuite, ne se fera pas sans le Soudan, et encore moins contre le Soudan. Il se fera avec lui et en prenant en considération les intérêts prioritaires des populations aujourd'hui directement menacées.

Données clés

Auteur : M. Claude Goasguen

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 22 mars 2005
Réponse publiée le 15 novembre 2005

partager