directives
Question de :
M. Kléber Mesquida
Hérault (5e circonscription) - Socialiste
M. Kléber Mesquida souhaite attirer l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur la directive concernant le temps de travail qui fait suite à la directive dite « Bolkestein ». La directive sur le temps de travail remet en question une directive de 1993. Cette dernière fixait des règles communes minimales en matière de durée de travail en Europe. L'objectif étant de préserver la sécurité et la santé des travailleurs. Elle établissait une durée maximale de travail hebdomadaire à 48 heures, y compris les heures supplémentaires et quatre semaines minimum de congés payés par année. Par ailleurs elle spécifiait que le travail de nuit ne devait pas excéder 8 heures consécutives. La directive sur la temps de travail semble accumuler de nombreuses régressions donnant au marché du travail une flexibilité extraordinaire. La durée de temps de travail reste fixée à 48 heures, mais sur une base de temps de référence de 12 mois au lieu de 4 mois. La pratique de « l'opting out » ou « renonciation individuelle » (déjà pratiquée par la Grande-Bretagne), est consacrée. Elle permettra d'allonger sans limite la durée du temps de travail dont le contrepoids se résumerait à 5 conditions. Mais la négociation ou « liberté de choix » entre le salarié et son employeur, auquel il est juridiquement subordonné, pour établir le nombre d'heures de travail, paraît relever du mythe. La directive a une vision restrictive du temps de travail. Elle fait écho à la loi Borloo où le temps de transport du siège au chantier est exclu du temps de travail, comme le temps de garde des personnels soignants ! La civilisation voulue par les Européens impliquait, contrairement aux pays où le temps de travail est peu réglementé, que les progrès techniques et économiques avaient aussi comme générateur le temps libre, et l'expérience 1997-2002 l'a démontré. Au plus fort de l'application des trente-cinq heures, ce sont 500 000 emplois supplémentaires créés par an pendant quatre années. Aussi, il lui demande quelles sont les mesures qu'il compte mettre en place pour obtenir le retrait de cette directive qui désagrège le droit du travail, et qui est à contresens de la lutte contre le chômage, la qualité de vie et tout simplement du progrès.
Réponse publiée le 18 octobre 2005
L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention de la ministre déléguée aux affaires européennes au sujet de la proposition de directive communautaire concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. La France est favorable à une modification de l'actuelle directive pour tenir compte de l'apport jurisprudentiel, même si elle n'est pas pour l'essentiel d'application directe effective sur notre droit. En France, le droit social est en effet très développé en comparaison avec celui de certains autres Ëtats membres. Cependant, le Gouvernement français est très attentif à ce que les règles en vigueur dans les autres Ëtats membres de l'Union favorisent une meilleure protection des salariés européens. C'est pourquoi la France est favorable à plusieurs modifications du texte, notamment la disposition concernant la clause de « renonciation individuelle » et sa suppression, afin de renforcer les garanties des salariés et de lutter contre les risques de concurrence déloyale. La première directive concernant le temps de travail date de 1993. Comme tout texte de droit social communautaire, cette directive ne fixe que des prescriptions minimales à respecter. Ainsi, les Ëtats membres peuvent garder leur législation sociale si celle-ci est plus protectrice. L'objet de cette directive, tout comme celui de l'actuelle proposition de la Commission, est la protection de la santé et de la sécurité du travailleur. Suite aux arrêts de la cour de justice sur la définition du temps de garde dans le milieu hospitalier (arrêts SIMAP et Jaeger), la Commission a élaboré une proposition prenant en compte les nouveaux éléments jurisprudentiels. La proposition de directive ne revient pas sur les aspects concernant la durée de travail hebdomadaire (toujours fixée à quarante-huit heures et comprenant les heures supplémentaires), les quatre semaines de congés annuels, la durée de travail de nuit est toujours fixée à huit heures par période de vingt-quatre heures. L'actuelle directive 2003188/CE (codifiant celle de 1993 et celle de 2000) fixe une période de référence de quatre mois pour la durée maximale hebdomadaire de travail, c'est-à-dire que cette durée doit être en moyenne de quarante-huit heures par semaine sur ces quatre mois. Ce texte prévoit la possibilité de déroger à la période de référence de quatre mois, qui peut passer à six mois, voire à douze mois (par le biais de conventions collectives ou accords sociaux dans ce cas-là) pour la durée hebdomadaire de travail. Par conséquent, la période de référence de douze mois existe déjà dans l'actuelle directive. Pour mettre en place la période de référence de douze mois, la proposition de la Commission de septembre 2004 prévoit le respect d'une double condition (à savoir respecter les principes généraux concernant la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et consulter les partenaires sociaux intéressés). Le Parlement européen est allé, par le biais des amendements le 11 mai 2005, dans le sens d'un encadrement plus strict de la possibilité de recourir à cette période de référence de douze mois. La Commission a accepté cet amendement. Quant à la France, elle ne demande pas cette annualisation. Cependant, il convient de rappeler que le principe est que la durée hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures sur une période de référence de quatre mois (article 1er, paragraphe 3, 1er alinéa de la proposition de la Commission). L'assouplissement pour déroger au droit commun a été justifié par les parlementaires européens par leur volonté de supprimer une disposition encore plus défavorable pour les salariés : la clause de « renonciation individuelle ». En ce qui concerne cette clause (qui permet à un Ëtat membre de ne pas appliquer l'article relatif à la durée maximale hebdomadaire de travail), elle existe depuis 1993. La proposition de directive de la Commission de septembre 2004 vise à mieux encadrer le recours à cette clause. En effet, la proposition prévoit que les Ëtats membres doivent respecter les principes de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs (tout comme dans l'actuelle directive). De plus, la mise en oeuvre de cette clause doit être expressément prévue par une convention collective ou un accord entre les partenaires sociaux (ce qui est un grand progrès par rapport à l'actuel texte qui évoque uniquement l'accord individuel du travailleur). Un autre point important concernant le recours à cette clause est le plafond d'heures que le travailleur ne peut dépasser. Ainsi, il est prévu à l'article 1er, paragraphe 8, al. b), point c) « qu'aucun travailleur ne peut rester plus de 65 heures dans une semaine quelconque ». En conséquence, la proposition de directive de la Commission n'envisage pas la suppression de la clause, mais l'encadre de façon plus stricte par rapport à la situation actuelle. Le Parlement européen est allé plus loin que la Commission et a soutenu la position française demandant la suppression progressive de cette clause dérogatoire au droit commun. Un amendement prévoit que la clause serait supprimée trois ans après l'entrée en vigueur de la future directive. La position des parlementaires européens, tout comme celle de la France, vise, dès lors, à mieux protéger les salariés tout en laissant aux Ëtats membres qui l'utilisent le temps de s'adapter à ce changement pendant une période transitoire. La Commission a pris acte de la volonté du Parlement européen de supprimer cette clause le 31 mai 2005. Elle envisage désormais sa suppression trois ans après l'entrée en vigueur de la directive, tout en permettant son maintien « pour des raisons ayant trait aux modalités du marché du travail des Ëtats membres ». La France souhaite sa suppression totale, comme le Parlement européen. En ce qui concerne la définition du temps de travail, la Commission a pris en considération la jurisprudence de la Cour. Elle opère une distinction entre deux notions : le temps de garde et la période inactive du temps de garde. La première expression est définie comme « la période pendant laquelle le travailleur a l'obligation d'être disponible sur son lieu de travail afin d'intervenir, à la demande de l'employeur, pour exercer son activité ou ses fonctions ». La deuxième expression est définie comme « la période pendant laquelle le travailleur est de garde, mais n'est pas appelé par son employeur à exercer son activité ou ses fonctions ». De plus, la période inactive du temps de garde n'est pas considérée comme du temps de travail, à moins que la loi nationale ou une convention collective n'en dispose autrement. Pour tenir compte de la position du Parlement européen du 11 mai 2005, la Commission a prévu la possibilité d'établir un forfait temps de garde actif/inactif. La période pendant laquelle le travailleur exerce effectivement ses activités ou ses fonctions pendant le temps de garde est toujours considérée comme du temps de travail. Pour la France, ce projet de texte ne présente pas de risques directs puisqu'elle ne modifie pas notre réglementation et ne nous oblige pas à le faire, étant donné qu'il ne s'agit d'une part que de prescriptions minimales en matière de droit social communautaire et, d'autre part, qu'il existe dans ce même droit une clause de non régression, qui impose aux Ëtats membres de ne pas utiliser la transposition d'une directive pour introduire des dispositions nationales moins protectrices que l'état du droit précédemment en vigueur. Le Gouvernement souhaite, néanmoins, améliorer encore la proposition de la Commission, en particulier sur la clause de « renonciation individuelle ». Les parlementaires européens vont d'ailleurs dans le même sens : une meilleure protection des salariés au niveau communautaire pour éviter, par conséquent, tout risque de concurrence déloyale.
Auteur : M. Kléber Mesquida
Type de question : Question écrite
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Dates :
Question publiée le 22 mars 2005
Réponse publiée le 18 octobre 2005