Question écrite n° 60918 :
archives

12e Législature

Question de : M. Alfred Marie-Jeanne
Martinique (4e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe

M. Alfred Marie-Jeanne attire l'attention de Mme la ministre de l'outre-mer sur les ventes aux enchères de documents historiques afférents à l'esclavage et à la traite des Noirs. Ces opérations facilitent l'éparpillement de documents pourtant précieux. C'est ainsi que ses services ont été informés de la vente de 240 lettres et pièces concernant l'habitation Reiset de la Guadeloupe. De telles transactions pourraient concerner à l'avenir d'autres régions comme celles de la Guyane, de la Martinique ou encore de la Réunion. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir sensibilisé les pouvoirs publics. Lors des discussions sur le projet de loi visant à la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité, il avait déposé un amendement dont la teneur suit : « Après inventaire, tout document relatif à la traite et à l'esclavage, introuvable dans un département d'outre-mer, sera mis à la disposition des archives départementales et des principales bibliothèques de ce dernier en vue de l'établissement à terme d'un fonds documentaire complet sur le sujet ». Cet amendement a été rejeté notamment au motif qu'on ne pouvait contraindre les propriétaires à mettre ces documents à la disposition des archives départementales ou des principales bibliothèques situées dans ces régions. Aujourd'hui, certaines de ces pièces sont en train d'être vendues à Paris. Or, une solution de nature tant politique que juridique pourrait permettre de remédier à une telle réalité. Il serait opportun que les moyens à mettre en oeuvre répondent aux objectifs suivants : permettre la localisation dans chacune des régions concernées d'ampliations substantielles pour des raisons tant de commodité de la recherche que du développement culturel de chacune d'elles ; garantir l'éviction de dispersions documentaires relatives à l'esclavage et à la traite des Noirs ; préconiser une information préalable et systématique des collectivités territoriales majeures de ces régions afin de leur permettre de pouvoir exercer le cas échéant le droit de préemption dans les meilleures conditions. L'opportunité se présente alors de réitérer une sollicitation comparable, cette fois auprès de son gouvernement, requête qui s'inscrit dans les perspectives conjointes et légitimes du devoir de mémoire et de réparation. Il lui demande de lui faire connaître tant la position du Gouvernement que des mesures qu'il entend prendre, le cas échéant, pour enrayer cette dilapidation palpable du patrimoine historique afférent à la traite transatlantique.

Réponse publiée le 24 mai 2005

L'honorable parlementaire souhaite connaître les dispositions spécifiques que le Gouvernement a pu prendre en faveur des documents se rapportant au thème de l'esclavage. La réglementation relative aux archives, à leur achat et à leur préservation relève exclusivement, pour le sujet concerné, de la compétence du ministère de la culture et de la communication et plus précisément de la direction des archives de France et non du ministère de l'outre-mer. Cependant, les deux ministères se concertent et le ministère de l'outre-mer a participé à l'adaptation à l'ensemble des collectivités d'outre-mer des textes juridiques relatifs au patrimoine dont les archives font partie. La direction des archives de France (DAF) exerce, pour l'ensemble du réseau des archives, une veille systématique du marché des documents anciens afin de faire l'acquisition, en usant si nécessaire du droit de préemption, des pièces susceptibles d'enrichir les collections publiques sur le thème évoqué. C'est ainsi qu'elle a pu préempter, pour les Archives départementales de la Réunion, lors de la vente du 16 mars 2005 à l'hôtel Drouot, deux importants dossiers relatifs à la procédure qui, en 1817 avait opposé Bercy, homme de couleur, à un propriétaire réunionnais, affaire restée célèbre dans l'histoire de la Réunion. On peut encore citer l'exemple des documents se rapportant à l'habitation Rejet (Guadeloupe) que la DAF a acheté sur préemption, le 25 novembre 2004, pour le centre des archives d'outre-mer (CAP) d'Aix-en-Provence. Ils ont été acquis pour la somme de 38 000 euros hors frais pour une estimation haute de départ de 4 000 euros. L'intérêt de ces documents valait cet effort important de l'État. Par ailleurs, les services publics d'archives conservent, notamment au Centre historique des archives nationales et au CAP à Aix-en-Provence, de très importants fonds d'archives relatifs à la traite des noirs et à l'esclavage. Ces fonds sont consultés par de nombreux chercheurs, historiens et généalogistes. Parmi les documents conservés à Aix-en-Provence, on peut notamment citer l'état civil des esclaves, les registres d'affranchissement, les documents notariaux relatifs aux habitations ou encore les procès verbaux de la Commission Schoelcher.Enfin, la direction des archives de France a lancé un guide de recherches sur l'histoire de la traite et de l'esclavage. Ce guide est destiné à recenser toutes les sources conservées dans les archives nationales et territoriales et notamment dans celles des départements, des villes et des grands ports de la façade atlantique. Enfin, dans le cadre du programme « L'histoire par l'image », opération conduite en partenariat avec la Réunion des musées nationaux, un dossier sur la traite des noirs de la Révolution jusqu'à l'abolition est en cours de réalisation. En outre, le comité pour la mémoire de l'esclavage institué par la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité a pour mission de faire un certain nombre de propositions notamment auprès du ministère de la culture.Dans le cadre du rapport qu'il vient de remettre au Premier ministre, le comité a demandé le soutien du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour la création d'un centre national d'histoire et de mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions qui abriterait notamment un centre de documentation et un laboratoire interuniversitaire de recherches comparatives. Il a demandé également au ministère de la culture d'établir un inventaire dans les collections nationales et régionales des objets relatifs à la traite négrière, à l'esclavage et à leurs abolitions ainsi qu'un état présent des lieux, musées et monuments, et d'intensifier le programme national de collecte des archives privées relatives à ce domaine. Le comité pour la mémoire de l'esclavage a rappelé son soutien à l'initiative prise par la direction des archives de France de dresser l'inventaire des archives en la matière afin de publier un guide national.

Données clés

Auteur : M. Alfred Marie-Jeanne

Type de question : Question écrite

Rubrique : Archives et bibliothèques

Ministère interrogé : outre-mer

Ministère répondant : outre-mer

Dates :
Question publiée le 22 mars 2005
Réponse publiée le 24 mai 2005

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