Question écrite n° 61069 :
fonctionnement

12e Législature

Question de : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont
Haute-Vienne (3e circonscription) - Socialiste

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme des juridictions de proximité. L'accroissement du périmètre d'action des juges de proximité, qui voient leur domaine de compétence accru tant en matière civile que pénale, soulève plusieurs inquiétudes auprès des milieux judiciaires et des organisations de consommateurs. Au civil, désormais, ils pourront juger des litiges pouvant atteindre jusqu'à 4 000 euros et pourront être saisis par des personnes morales. Certes, le texte exclut les crédits à la consommation, les expulsions locatives et les conflits de copropriété, mais le crédit à la consommation n'est qu'une partie du droit à la consommation. De grands champs tels que la vente, le démarchage à domicile, la vente par correspondance, la conformité des produits et l'information du consommateur restent des matières très techniques, produisant une jurisprudence abondante et nécessitant une connaissance accrue de la législation. Face à la complexité de ces matières, seuls des juges professionnels sont en capacité d'apporter une réponse conforme aux attentes et aux arguments des justiciables. Formés en 5 jours à l'École supérieure de la magistrature et bénéficiant d'un stage de 20 jours en juridiction, les juges de proximité risquent d'être confrontés à d'énormes lacunes et difficultés. Cela pourrait fortement nuire à la bonne réalisation de leur mission. Se pose également la question de leur indépendance et de leur déontologie. Certains juges de proximité sont parfois huissiers ou juristes d'entreprises en activité il est à craindre qu'ils ne soient en contact avec des créanciers en demande devant le tribunal. Au pénal, ils peuvent désormais siéger en qualité d'assesseurs devant les tribunaux correctionnels. La contestation de l'ensemble des élus socialistes repose sur la constitutionnalité même de ce dispositif. En effet, les juridictions ne peuvent être composées de manière différente pour juger les mêmes délits sans compromettre le principe d'égalité de tout citoyen devant la loi. De plus, dans une décision de décembre 2002, le conseil constitutionnel n'avait autorisé les compétences pénales des juges de proximité qu'à la seule condition que ces derniers ne jouissent pas du pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. Ce ne sera plus le cas s'ils participent à des jugements correctionnels. Aussi, face à toutes ces inquiétudes et inconstitutionnalités, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement entend revenir sur ce texte et réduire le champ d'action des juges de proximité.

Réponse publiée le 2 août 2005

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les dispositions de la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005, en modifiant celles de la loi du 9 septembre 2002, ont étendu les compétences des juges de proximité. Ces deux textes ont été, préalablement à leur adoption, soumis au Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 20 janvier 2005, la haute instance a rappelé, sans contredire les termes de sa précédente décision, que les juges de proximité pouvaient siéger dans les formations collégiales du tribunal correctionnel à la condition que les magistrats professionnels demeurent majoritaires, pour respecter l'article 66 de la Constitution. Cette nouvelle disposition permettra alors aux juges professionnels, souvent appelés pour compléter une formation correctionnelle, de se recentrer sur leurs missions premières. Cette nouvelle disposition n'entraîne aucune rupture d'égalité devant la loi ; il est rappelé à cet égard que l'article L. 311-9 du code de l'organisation judiciaire autorise les avocats à suppléer les juges pour compléter le tribunal de grande instance et, de la même manière, des magistrats recrutés à titre temporaire peuvent siéger dans les formations collégiales. En fixant les exigences du recrutement tout en autorisant le cumul des fonctions de juge de proximité avec d'autres activités professionnelles, le législateur a, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, particulièrement veillé à ce que soient garantis les principes d'indépendance et d'impartialité. Le régime des incompatibilités géographiques ou fonctionnelles édictées au regard de l'exercice de certaines professions contribue encore au renforcement de ces principes. Dans la pratique, tant la chancellerie que le Conseil supérieur de la magistrature sont particulièrement vigilants à l'occasion de l'affectation géographique des candidats, notamment pour celle des auxiliaires de justice. À cet égard, un membre d'une profession judiciaire ou juridique réglementée ne peut, en aucune manière, être nommé juge de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où il a sa résidence professionnelle ; il ne pourra, de même, accomplir aucun acte de sa profession dans le ressort de la juridiction de proximité où il exerce. Enfin, le recrutement de ces juges s'effectue dans des conditions d'exigence offrant les garanties nécessaires quant à leur compétence et à leur valeur professionnelle, assurant ainsi la sécurité juridique due au justiciable. À la suite de la récente extension des compétences, un groupe de réflexion animé par deux chefs de cour et auquel est étroitement associée l'École nationale de la magistrature a été mis en place. La mission de ce groupe consiste à réfléchir au contenu et aux modalités de la formation dispensée ainsi qu'à établir un suivi de la mise en place de ces nouvelles juridictions.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 22 mars 2005
Réponse publiée le 2 août 2005

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