obligation alimentaire
Question de :
M. Pascal Terrasse
Ardèche (1re circonscription) - Socialiste
M. Pascal Terrasse appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application, en matière de contentieux lié à l'obligation alimentaire, de la règle prétorienne (et non législative) « aliments ne s'arréragent pas ». Au début du XIXe siècle, cette règle avait une justification. L'obligation alimentaire était le plus souvent versée en nature, par des aliments matériels : l'obligation alimentaire à l'égard de ses ascendants, c'était leur fournir la nourriture nécessaire à leur survie. Dans le cadre de l'aide sociale, depuis le tournant du dernier siècle, l'obligation alimentaire est devenue de facto une forme d'obligation de secours. Or, il ne fait aujourd'hui guère de doute que les prix de journées pratiqués dans les établissements d'accueil de personnes âgées ne sont pas principalement composés « du gîte et du couvert ». Pour autant, et malgré les tentatives faites par quelques cours d'appel, la Cour de cassation a maintenu la règle, qui a portée de présomption, « aliments ne s'arréragent pas ». Ce maintien pose des problèmes tant aux collectivités débitrices de l'aide sociale qu'aux établissements d'hébergement, puisqu'elle leur impose de faire la preuve qu'elles ont entrepris toutes les démarches pour mettre en jeu l'obligation alimentaire (saisine du juge ou engagement des poursuites) ce qui, eu égard à la lourdeur de ces démarches, avantage manifestement les mauvais payeurs. En outre, cette règle peut donner un sentiment de sécurité aux débiteurs ne payant pas, sentiment erroné puisque la règle a une portée de présomption non irréfragable et que le juge doit en conséquence l'écarter dès lors que la collectivité débitrice ou l'établissement démontre avoir entrepris des démarches visant au paiement. Aussi il lui demande si, au regard des éléments qui précèdent, une réforme ne lui paraît pas nécessaire en matière d'obligation alimentaire qui permette de dépasser les difficultés nées de l'application de la règle « aliments ne s'arréragent pas ».
Réponse publiée le 7 novembre 2006
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il partage sa préoccupation de ne pas faire peser sur la collectivité publique une charge financière qui relève de la solidarité intrafamiliale et incombe à ce titre aux débiteurs d'aliments désignés par les articles 205 et suivants du code civil. Dans ce cadre, l'article L. 6145-11 du code la santé publique prévoit que les établissements publics de santé disposent d'un recours contre les obligés alimentaires d'une personne afin d'obtenir le paiement des frais d'hospitalisation qu'ils ont avancés. De même, en vertu de l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles, les collectivités publiques chargées du versement de l'aide sociale peuvent, en cas de carence du bénéficiaire de cette prestation, se retourner contre les proches tenus de participer à son entretien en leur qualité de débiteurs d'aliments. À défaut d'accord amiable avec les obligés alimentaires, ces organismes ont la faculté de saisir le juge aux affaires familiales aux fins d'obtenir la fixation par le juge de leur créance. La procédure est simplifiée par rapport au droit commun des actions devant le tribunal de grand instance. En effet, le juge peut être saisi par simple requête, les parties ne sont pas tenues de constituer avocat et peuvent même se dispenser de comparaître en exposant leurs moyens par lettre adressée au juge dans les conditions définies à l'article 1141 du nouveau code de procédure civile. Surtout, les décisions rendues en cette matière sont exécutoires dès leur signification, puisqu'elles bénéficient de l'exécution provisoire de droit (art. 1074-1 du code précité), ce qui permet un recouvrement de la créance dans les meilleurs délais par la collectivité. Etant fondées sur l'obligation alimentaire, ces actions ne peuvent excéder la mesure des sommes dues à ce titre par le ou les débiteurs poursuivis. Il s'ensuit qu'il doit être tenu compte, dans la détermination des fonds à recouvrer, de l'ensemble des règles applicables aux créances de cette nature, et notamment du principe selon lequel « aliments ne s'arréragent pas ». En vertu de cet adage, qui repose sur une double présomption d'absence de besoin et de renonciation tacite du créancier, la dette alimentaire ne peut être fixée qu'à compter de la date de la demande en justice, ce qui a pour effet d'éviter l'accumulation d'une dette trop lourde pour le débiteur d'aliments, parfois à son insu. Cette double présomption est toutefois susceptible de céder devant la preuve contraire. Dès lors que l'établissement de santé ou la collectivité publique justifie ne pas être resté inactif, en établissant avoir fait des réclamations amiables auprès du débiteur ou s'être trouvé dans l'impossibilité d'agir, il peut obtenir le versement d'aliments dès la date de la première diligence accomplie, dans la limite, cependant, d'une période de cinq ans, qui constitue le délai de prescription de toutes les actions en paiement de pensions alimentaires (art. 2277 du code civil).
Auteur : M. Pascal Terrasse
Type de question : Question écrite
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 12 juillet 2005
Réponse publiée le 7 novembre 2006