Question écrite n° 7247 :
détenus

12e Législature

Question de : M. Jean Gaubert
Côtes-d'Armor (2e circonscription) - Socialiste

M. Jean Gaubert souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la récente condamnation de la France prononcée le 14 novembre 2002 par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour traitements inhumains et dégradants. La CEDH a en effet estimé que la justice française n'avait pas assuré une prise en charge adéquate de l'état de santé d'un détenu atteint d'une leucémie, ceci en violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pourtant la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice prévoit bien que les personnes détenues doivent pouvoir bénéficier du même accès aux soins que celui qui est donné à la population générale. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour améliorer la prise en charge en milieu carcéral des détenus atteints de graves maladies, et notamment pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, afin qu'une telle condamnation de la France ne se renouvelle plus. Il souhaite également qu'il informe la représentation nationale de l'état d'avancement et du calendrier d'adoption de 1a loi d'orientation pénitentiaire, prévue par la loi du 9 septembre 2002.

Réponse publiée le 29 décembre 2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice informe l'honorable parlementaire qu'il est attaché à ce que la prise en charge sanitaire des personnes détenues s'effectue dans des conditions respectant la dignité de la personne telles que prévues à l'article L. 1110-2 du code de la santé publique (loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) et en conformité avec le principe posé par l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Comme le précise l'honorable parlementaire, la France a été récemment condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour traitements inhumains et dégradants en raison du maintien en détention d'une personne nécessitant un traitement médical lourd et éprouvant dispensé en hôpital de jour, impliquant donc plusieurs séjours, chaque semaine, en établissement de santé. Une telle situation devrait à l'avenir pouvoir trouver une solution dans le cadre des dispositions prévues par l'article 10 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. En effet, les personnes condamnées atteintes d'une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d'hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux, peuvent bénéficier d'une mesure de suspension de peine, quelle que soit leur situation pénale. Afin de rendre effective cette disposition, le ministère de la santé et le ministère de la justice ont conjointement donné des instructions précises à leurs services, afin que soient repérées les personnes détenues susceptibles de bénéficier d'une suspension de peine pour raison médicale et que les procédures médicales et judiciaires soient mises en oeuvre dans les meilleurs délais (circulaire Santé/Justice du 24 juillet 2003 relative au rôle des médecins intervenant auprès des personnes détenues dans le cadre de la procédure de suspension de peine pour raison médicale). De plus, l'honorable parlementaire souhaite que le garde des sceaux, ministre de la justice informe la représentation nationale de l'état d'avancement et du calendrier d'adoption de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation de la justice. Cette loi a prévu de favoriser l'accès des détenus aux soins médicaux et psychologiques. Tout d'abord, elle pose le principe que « les personnes détenues doivent pouvoir bénéficier du même accès aux soins, que celui offert à la population générale tout en respectant les règles de sécurité liées à leur condition de détenus ». Pour les hospitalisations d'urgence et de très courte durée, les personnes détenues doivent être hospitalisées dans les hôpitaux de rattachement dotés des équipements de sécurité nécessaires. Dans cette perspective, il a été décidé en coordination étroite avec la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), la direction générale de la police nationale (DGPN), la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) d'aménager ou de construire cinquante et une chambres sécurisées dès maintenant, de lancer très rapidement une deuxième tranche à hauteur de soixante-sept chambres et de poursuivre ce programme en fonction des crédits budgétaires attribués en 2004 ; l'administration pénitentiaire finançant les travaux de sécurisation de ces chambres. L'ensemble de ce programme sera réalisé entre 2003 et 2005, en fonction des programmations des hôpitaux. Pour les hospitalisations programmées de plus de 48 heures, les personnes détenues seront hospitalisées à terme dans une des huit unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) au sein des centres hospitaliers universitaires (CHU) retenus par l'arrêté interministériel du 24 août 2000. Le programme de construction arrêté par la DHOS prévoit la réalisation de ces nouvelles unités de 2004 à 2006. La première unité, en l'occurrence celle du CHU de Nancy, entrera en fonction le 15 janvier 2004. En matière d'hospitalisation psychiatrique, les personnes détenues seront hospitalisées au sein des hôpitaux psychiatriques dans des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). La DHOS et la DAP mettent en place actuellement le programme de réalisation d'unités de ce type. La lutte contre la toxicomanie en établissements pénitentiaires fait également partie des priorités du ministère de la Justice. Un programme spécifique sera intégré au futur plan quinquennal de la Mission Interministérielle de Lutte contre la toxicomanie (MILT). Les grandes orientations de ce programme seront connues d'ici la fin de l'année 2003. Le ministère de la justice poursuit l'effort entrepris pour permettre à des personnes détenues handicapées ou dépendantes de bénéficier de meilleures conditions d'incarcération. Il s'agit de créer des cellules spécialement aménagées pour ce type de personne à raison d'une cellule par tranche de 150 places, de faciliter leurs déplacements, de leur faire bénéficier des dispositifs de droit commun tels que les soins à domicile assurés par des associations, l'allocation d'adulte handicapé, etc. Ce programme est mis en place tant dans le cadre de la rénovation des établissements que dans celui de la construction des nouveaux établissements pénitentiaires. L'autre point capital dans l'accès aux soins est d'assurer dans de bonnes conditions et sans délai le transfert des personnes détenues vers les lieux de soins et d'hospitalisation. Une réflexion est sur le point d'aboutir permettant de clarifier les missions et les attributions respectives des personnels pénitentiaires et des agents des forces de l'ordre.

Données clés

Auteur : M. Jean Gaubert

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 25 novembre 2002
Réponse publiée le 29 décembre 2003

partager