Question écrite n° 74111 :
produits pétroliers

12e Législature

Question de : M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie sur les dramatiques répercussions de l'augmentation des prix du pétrole sur nombre d'économies du tiers-monde. En effet, la grave crise pétrolière qui s'est traduite par la flambée continue des prix du brut, qui dépasse désormais 64 dollars le baril, pose des problèmes dramatiques aux économies de nombreux pays sous-développés, qui s'ils sont moins médiatisés, n'en sont pas moins cruciaux pour, notamment, le niveau de vie de leurs populations. Cette situation doit être prise en compte dans notre aide au développement. Il lui demande donc de lui indiquer quelles initiatives elle compte prendre dans ce domaine.

Réponse publiée le 7 février 2006

Comme l'indique l'honorable parlementaire, les pays en développement sont fortement exposés aux augmentations de prix du pétrole. En effet, leurs économies sont très dépendantes des produits pétroliers et consomment plus de pétrole par unité de PIB que les pays industrialisés. Les pays importateurs de pétrole d'Afrique subsaharienne sont plus particulièrement sensibles à ces augmentations de prix : nombre d'entre eux sont hautement endettés et ont peu de marge pour infléchir les impacts des hausses des prix. L'étude des balances commerciales des pays importateurs de pétrole d'Afrique montre qu'entre 1993 et 2003, avant donc l'augmentation substantielle des prix, ces pays ont dépensé en moyenne entre 40 % et 50 % de leurs recettes d'exportation pour importer des produits pétroliers. Ce chiffre s'est accru depuis et s'accroîtra encore vraisemblablement dans les années à venir avec la hausse du prix du pétrole. De plus, leurs économies sont exportatrices de matières premières, dont les cours ont tendance à baisser. La récente remise de dette décidée lors du sommet du G 8 de Gleneagles aura pour conséquence de réduire les remboursements des pays d'Afrique subsaharienne d'environ 1,5 milliard de dollars par an. En comparaison, l'Agence internationale de l'énergie estime que l'augmentation des prix pétroliers pourrait coûter à ces mêmes pays environ 10,5 milliards de dollars par an, soit sept fois plus. L'impact est évidemment différent pour les pays africains exportateurs de pétrole. À court terme, leurs recettes augmentent sensiblement et l'impact de la hausse des cours du pétrole est donc globalement positif. Elle a permis une accélération de la croissance économique dans la zone CEMAC (Cameroun, Centrafrique, Congo Brazzaville, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad) en 2004 (+ 7,6 % après + 4,2 % en 2003), surtout alimentée par le dynamisme des économies équato-guinéenne (+ 30 %) et tchadienne (+ 36 %), résultant de l'expansion des activités pétrolières. La Guinée Équatoriale est devenue le troisième producteur en Afrique subsaharienne, avec 17,6 millions de tonnes par an ; au Tchad, la production a atteint près de 9 millions de tonnes. Les caractéristiques d'économie pétrolière de la zone CEMAC se sont renforcées : cinq des six États membres sont des pays producteurs importants qui assurent 12 % de la production africaine. Mais dans ces pays, des problèmes d'allocation de cette ressource, de gouvernance financière et de transparence des industries extractives limitent probablement l'effet positif pour les populations de ces pays. Par ailleurs, les réserves pétrolières de ces pays sont connues et la fin d'exploitation est parfois proche, comme c'est le cas au Gabon par exemple. Dans certains cas, la hausse du prix du pétrole peut être paradoxalement négative à terme, puisqu'elle risque de reporter les nécessaires mutations économiques de ces pays. Face à cet important enjeu, la coopération française dans le domaine de l'énergie (essentiellement le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'Agence française de développement et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ADEME) a entrepris différentes actions complémentaires, avec comme objectif principal de remédier au problème très important d'accès des populations des pays en développement aux services énergétiques modernes. Notre action porte tant sur la définition des politiques énergétiques de ces pays ou organisations régionales, que sur la mise en place d'infrastructures et de services énergétiques. Elle s'exerce dans le cadre global de l'Initiative énergie de l'Union européenne qui a pour objectif l'accès à l'énergie pour l'éradication de la pauvreté sur les principes suivants : 1) l'amélioration de l'efficacité énergétique des économies de ces pays. Des programmes d'efficacité énergétique sont déjà soutenus depuis de nombreuses années par l'ADEME dans de nombreux pays en développement ; 2) la valorisation des ressources énergétiques locales qui sont renouvelables le plus souvent (biomasse, solaire, éolien, ...) ; la production locale de biocombustibles pour la consommation locale paraît en particulier avoir un grand avenir dans certains pays ; 3) en particulier, l'exploitation du gigantesque potentiel hydro-électrique africain, largement sous-exploité : des investissements importants sont nécessaires. À la demande du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) et de l'Union africaine, la France s'associe à la communauté internationale pour soutenir la plupart des initiatives de gestion des bassins transfrontaliers (Nil, Niger, Sénégal, Volta, Congo, sans doute) car il y deux préalables incontournables à ces investissements : le dialogue politique et la prise en compte des équilibres environnementaux et sociaux ; 4) la diversification des sources d'approvisionnement et la promotion d'un bouquet énergétique varié ; 5) l'intégration régionale : elle permet de mieux utiliser les ressources disponibles dans une région et de moins faire appel à des importations. Le West African Gas Pipeline récemment inauguré représente un bon exemple : le gaz du Nigeria permettra d'alimenter le Bénin, le Togo et le Ghana et de fournir à ces pays de l'électricité à moindre coût. Mais la coopération française dans le domaine économique et financier vise également à limiter les effets négatifs de la hausse du prix du pétrole. Ainsi, la coopération monétaire au sein de la zone franc a permis de maîtriser les tensions inflationnistes, consécutives à la hausse du cours du pétrole. En effet, la hausse des prix dans l'UEMOA a été de 0,5 % en 2004, malgré la persistance de la crise ivoirienne, ce qui marque un recul par rapport à 2003 (1,3 %). Dans la zone CEMAC, la hausse des prix en 2004 a été de 0,3 % en 2004, en retrait par rapport à 2003 (1,2 %). Ces résultats modérés contrastent fortement avec le taux d'inflation moyen observé dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, de 9,3 % en 2004. Ils sont d'abord le résultat de l'ancrage nominal des francs CFA à l'euro, les pays africains de la zone franc réalisant la moitié de leurs échanges extérieurs avec la zone euro. Les pays africains de la zone franc bénéficient ainsi de la modération de l'inflation de la zone euro, qui limite la hausse des prix des importations en provenance de la zone d'ancrage de la monnaie. Dans le cadre multilatéral, certaines dispositions comme l'initiative pour la transparence des industries extractives (EITI) pourraient permettre de répercuter, cette fois favorablement, la hausse du prix du pétrole pour les pays producteurs.

Données clés

Auteur : M. Éric Raoult

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : coopération, développement et francophonie

Ministère répondant : coopération, développement et francophonie

Dates :
Question publiée le 27 septembre 2005
Réponse publiée le 7 février 2006

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