CSA
Question de :
M. Claude Goasguen
Paris (14e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Claude Goasguen attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la diffusion de la chaîne Al Manar en France. Le ministre libanais de la culture a effectué une visite dans notre pays le 7 octobre dernier. Il était accompagné d'une délégation de députés parmi laquelle se trouvaient deux députés appartenant au Hezbollah. Une de ces personnes est également l'ancien directeur de l'information de la chaîne Al Manar. L'hypothèse que la chaîne Al Manar puisse émettre en France a créé il y a quelques mois une polémique dont la conséquence immédiate fut le refus d'agrément par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Or lors de la visite du ministre libanais de la culture, la réouverture des négociations pour la diffusion d'Al Manar a été évoquée dans le cadre d'entretiens, avec le président du CSA notamment. Il est inenvisageable que cette chaîne, dont le contenu des émissions appelle à l'antisémitisme et à la haine, soit diffusée dans des millions de foyers français. Cependant bien que l'agrément ait été refusé à Al Manar, celle-ci a vendu certains de ses programmes à une chaîne saoudienne et une jordanienne qui émettent en France. L'interdiction de diffusion d'Al Manar est de fait contournée par un vide juridique. C'est pourquoi il souhaiterait qu'il lui assure de nouveau de la ferme position du Gouvernement s'agissant du refus de diffusion de la chaîne Al Manar dans le paysage audiovisuel français, et mette en place des dispositifs juridiques empêchant purement et simplement la diffusion de programmes créés par cette chaîne.
Réponse publiée le 7 mars 2006
À la suite de la diffusion en novembre 2003 par la chaîne Al Manar d'une série intitulée Diaspora au caractère antisémite marqué, le comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, réuni le 27 janvier 2004 sous la présidence du Premier ministre, a décidé de renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à l'égard des services de télévision diffusés par satellite, ainsi que des opérateurs de réseaux satellitaires. Des amendements du Gouvernement au projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ont été présentés et adoptés le 12 février 2004. La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 a donc prévu des dispositions nouvelles pour répondre à des situations telles que celle créée par la diffusion des chaînes Al Manar et Sahar 1. En premier lieu, au regard des difficultés rencontrées pour identifier les éditeurs des nombreuses chaînes étrangères diffusées par satellite, l'article 19 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit désormais que le CSA peut recueillir « auprès des opérateurs de réseaux satellitaires, toutes les informations nécessaires à l'identification des éditeurs des services de télévision transportés ». En deuxième lieu, les pouvoirs de mise en demeure et de sanction de l'autorité de régulation ont été étendus aux opérateurs de réseaux satellitaires, afin de faire respecter les obligations qui leur sont imposées par la réglementation audiovisuelle (art. 42). Enfin, la faculté lui a été reconnue de saisir en référé le président de la section du contentieux du Conseil d'État pour « faire cesser la diffusion, par un opérateur satellitaire, d'un service de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes portent atteinte à l'un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 (de la loi du 30 septembre 1986) », la décision du président de la section du contentieux pouvant être assortie d'une astreinte afin d'en assurer l'exécution. Mettant en oeuvre ces pouvoirs nouveaux, le CSA a ainsi saisi en référé le président de la section du contentieux du Conseil d'État le 12 juillet 2004 pour lui demander d'ordonner à la société Eutelsat de mettre fin à la diffusion de la chaîne Al Manar. Par ordonnance du 20 août 2004, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a demandé au CSA, préalablement à toute sanction, d'instruire la demande de conventionnement qu'Al Manar avait annoncé vouloir présenter et a fixé, en conséquence, un ensemble de délais à cet effet. Le 19 novembre 2004, le CSA a conclu une convention avec la chaîne Al Manar pour une durée réduite à une année et comportant une série d'obligations destinées à assurer le respect des principes de la loi du 30 septembre 1986. Constatant le 23 novembre 2004 la diffusion de nouvelles émissions à caractère antisémite, il a de nouveau saisi le président de la section du contentieux du Conseil d'État afin que soit ordonné à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion de ce service de télévision. L'ordonnance rendue le 13 décembre 2004 a enjoint l'opérateur satellitaire de faire cesser la diffusion du service de télévision Al Manar dans un délai de 48 heures, sous peine d'une astreinte de 5 000 euros par jour de retard. Cette décision a été exécutée sans délai et la diffusion a cessé dès le 14 décembre 2004. Le CSA a enfin, le 17 décembre 2004, résilié unilatéralement la convention conclue avec ce service, en application de la procédure de sanction prévue dans le cadre de cette convention. Le 6 janvier 2006, le Conseil d'État a rejeté la requête de la société Lebanese Communication, éditrice de la chaîne Al Manar, contre la décision du CSA. Les modifications apportées à la loi du 30 septembre 1986 ont permis de faire interrompre la diffusion d'un service dont la programmation portait atteinte à l'ordre public en France et ainsi montré leur efficacité. Ces dispositions sont susceptibles de trouver application à tout autre service posant les mêmes difficultés. En outre, l'article 22 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a supprimé le conventionnement des services de télévision extracommunautaires, permettant ainsi au CSA, selon ses souhaits, d'améliorer les conditions du contrôle qu'il exerce sur les programmes que ces services proposent. Le caractère transfrontalier des services de télévision par satellite a également conduit le Gouvernement à sensibiliser ses partenaires européens au nécessaire renforcement de la coopération sur ce sujet au plan communautaire. Le Gouvernement en a d'ailleurs fait un point fort de la révision de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 dite Télévision sans frontières. Ainsi, conformément à la proposition française, la Commission européenne propose dans la prochaine directive d'inverser les critères techniques, de manière à faire prévaloir celui de la liaison montante sur celui de la capacité satellitaire. Une telle inversion serait en effet mieux adaptée aux réalités techniques et contractuelles de la diffusion par satellite et permettrait ainsi de lutter plus efficacement, au plan communautaire, contre la diffusion par des chaînes extracommunautaires de programmes incitant à la haine raciale ou religieuse. Au-delà de cet aménagement technique, le Gouvernement français demande également la mise en place d'un mécanisme de concertation systématique et efficace entre les États membres pour que chacun tire rapidement, le cas échéant, les conséquences d'une décision d'interdiction prise par un État membre à l'encontre d'une chaîne extracommunautaire. La proposition de directive doit à présent être adoptée par le Parlement européen et le Conseil suivant la procédure de codécision.
Auteur : M. Claude Goasguen
Type de question : Question écrite
Rubrique : Audiovisuel et communication
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Dates :
Question publiée le 1er novembre 2005
Réponse publiée le 7 mars 2006