institutions communautaires
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur les conséquences de l'arrêt rendu le 13 septembre 2005 sur la compétence pénale des institutions européennes. En effet, cet arrêt dans une affaire (C-176/03) où en dépit des traités actuels, la Cour de Luxembourg vient de donner tort au Conseil de l'Union européenne (les États membres) contre la Commission de Bruxelles qui obtient rien de moins que le transfert de compétence de la législation pénale à son profit. Admettant « qu'en principe, la législation pénale, tout comme les règles de la procédure pénale ne relèvent pas de la compétence de la Communauté », la Cour autorise pourtant « le législateur communautaire à prendre des mesures en relation avec le droit pénal des États membres pour garantir la pleine effectivité des normes qu'il édicte (attendus n°s 47 et 48). Rendu au sujet d'une proposition de directive environnementale initiée par la Commission en 2004, cet arrêt crée un incroyable précédent qui suscite une vive émotion au sien de plusieurs parlements nationaux refusant de se laisser dépouiller par une simple décision de justice de la compétence pénale, élément essentiel de la souveraineté des États. Non seulement la communautarisation jurisprudentielle du droit pénal est déjà considérée comme destinée à s'étendre à l'infini (immigration, concurrence, emploi social, transports, etc.) mais l'interprétation théologique (« la fin justifie les moyens ») de la Cour de la Commission permet, sous traité régulièrement ratifié, l'absorption continuelle des compétences nationales, au profit d'une Europe sans fond et sans fin. Cet arrêt de la Cour de Luxembourg peut donc paraître contestable. Cette décision sur le droit pénal laisse craindre une extension au droit civil. La Commission a, en effet, déjà lancé sans mandat et sans base légale, un projet de « code civil européen » que prépare un certain groupe « Von Bar » subventionné à hauteur de 5 millions d'euros, dans le cadre du programme « Cordis ». Là où il est sans doute utile d'établir un cadre indicatif de référence pour faciliter la comparaison des droits nationaux (à l'instar des « Restatements » aux États-Unis) ce projet d'unification pourrait préparer au contraire la remise en cause des différentes législations civiles nationales (droit des contrats de la responsabilité, de la famille, des sûretés...). Cette dérive cherche visiblement à faire émerger une société européenne unique. Seule une réunion extraordinaire des chefs d'État et de gouvernement pourrait prendre les mesures qui s'imposent pour contrer cette jurisprudence et tenter ainsi d'enrayer cet engrenage juridique infernal. Il lui demande donc quelle est la position de la France sur cette question.
Réponse publiée le 26 septembre 2006
Par son arrêt rendu le 13 septembre 2005 dans l'affaire C-176/03 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal, la Cour de justice des communautés européennes a conclu à l'existence d'une compétence communautaire en matière pénale. Cet arrêt a créé une certaine surprise au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne, dont la plupart des États membres considérait jusque-là que le droit pénal relevait exclusivement des relations intergouvernementales, sur le fondement du traité sur l'Union européenne. Il a également suscité un certain trouble, dans la mesure où il n'apportait pas de réponse explicite à plusieurs des questions qu'il soulevait. C'est la raison pour laquelle le garde des sceaux avait exprimé le souhait que les ministres européens de la justice débattent de cette question. Ce débat a eu lieu le 13 janvier 2006 à Vienne, dans le cadre d'une réunion informelle du conseil pour la justice et les affaires intérieures de l'Union européenne. Il est ressorti de ce premier débat un large accord en faveur d'une interprétation restrictive de la portée de cet arrêt : aux termes de l'arrêt du 13 septembre, le législateur communautaire a le pouvoir de prendre les mesures législatives qui sont en relation avec le droit pénal des États membres « qu'il estime nécessaires pour garantir la pleine efficacité des normes qu'il édicte » ; mais cette compétence communautaire reste exceptionnelle, la législation pénale relevant en principe de la compétence intergouvernementale, et n'inclut pas la définition des sanctions applicables ; il conviendra donc, à l'avenir, de procéder à un examen au cas par cas des propositions législatives comportant des dispositions en matière pénale afin de déterminer la base juridique adéquate, en veillant en tout état de cause à garantir une implication du conseil « Justice et affaires intérieures ». Cette position, confortée par l'avis exprimé par le service juridique du conseil lors de la réunion de Vienne, devrait fonder l'approche du conseil, en attendant que de nouvelles décisions jurisprudentielles ne viennent, le cas échéant, préciser la portée de ce premier arrêt. Il reste d'autre part entendu que cet arrêt n'emporte par lui-même aucune conséquence sur la détermination des règles de procédure pénale, ni a fortiori dans le domaine du droit civil.
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question écrite
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : affaires européennes
Ministère répondant : affaires européennes
Dates :
Question publiée le 8 novembre 2005
Réponse publiée le 26 septembre 2006