Question écrite n° 79632 :
établissements

12e Législature

Question de : M. Pascal Terrasse
Ardèche (1re circonscription) - Socialiste

M. Pascal Terrasse appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conclusions du rapport de l'observatoire international des prisons (OIP) sur les conditions de détention en France, rendu public le 20 octobre 2005. En effet, ces conclusions sont alarmantes et remettent profondément en cause la politique pénale du Gouvernement, qui se traduit par un recours croissant à l'enfermement et un allongement des peines. Or, faute d'une véritable politique socio-éducative et des moyens nécessaires pour les préparer à leur sortie, le rôle de la prison dans la réinsertion des détenus est totalement illusoire. L'OIP pointe notamment avec acuité des conditions déplorables d'hygiène et d'accès à la santé, qui touchent principalement les détenus âgés, handicapés ou gravement malades. Le taux de suicide dans les prisons françaises est dénoncé comme étant l'un des plus hauts d'Europe, et il atteint un niveau six fois plus élevé que dans le reste de la population. Quant à l'inégalité persistante dans l'accès au travail, loin de se résorber, elle progresse pour atteindre le niveau accablant de 72 % de détenus qui n'ont accès à aucune forme de travail. Dans ces conditions, la préparation à la sortie est totalement déficiente et pose de lourdes questions sur la prévention de la récidive. Outre que cette situation est difficilement tolérable dans un pays comme la France, qui aspire à porter un message universel d'émancipation et de droits des hommes, elle conduit jusque dans les rangs de la majorité les parlementaires à s'interroger ouvertement sur les conséquences de la politique pénale du Gouvernement. Ainsi, dans son rapport sur l'application de la loi dite Perben 2, le député des Ardennes, Jean-Luc Warsmann, pointait-il du doigt la situation dramatique de sous-effectifs qui frappe les services socio-éducatifs dans les prisons, chiffrant à 3 000 le nombre de postes à créer dans ce secteur. Aussi, il lui demande quelles réponses il entend apporter aux questions soulevées par le rapport de l'OIP et si le Gouvernement est prêt à engager les efforts nécessaires au renforcement de la politique de prévention dans les prisons françaises.

Réponse publiée le 31 octobre 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire qu'il porte une attention toute particulière à l'amélioration des conditions de détention. Les conclusions du rapport de l'Observatoire international des prisons (OIP) rendu public le 20 octobre 2005 soulignent, certes, que les efforts sont à poursuivre en matière de conditions de détention. Il convient toutefois de souligner également les progrès qui ont été accomplis. En ce qui concerne les conditions de détention, le principe de l'encellulement individuel est posé par l'article 716 du code de procédure pénale. Le législateur, par la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, s'est donné pour objectif de réaliser en cinq ans l'encellulement individuel pour l'ensemble des prévenus. Par ailleurs, la loi d'orientation et de programmation pour la justice n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 (LOPJ) a fixé pour objectif la création de 13 200 places de détention. Ce programme prévoit que chaque cellule (10 mètres carrés) est équipée de sanitaires et douche. Il en est de même pour les établissements pour mineurs. Ces investissements permettront de disposer à partir de 2008-2009 du nombre de places adapté aux besoins de notre société. En ce qui concerne le suicide en détention, les différentes actions conduites par l'administration pénitentiaire ont permis une régression du taux de suicide de 24,4 pour 10 000 personnes détenues en 1996, à 20,4 en 2005. La prévention du suicide est en effet une préoccupation constante de l'administration pénitentiaire. Le dispositif actuel de prévention du suicide fait l'objet d'une évaluation pilotée notamment par le professeur Terra, auteur d'un premier rapport en 2003 et dont découleront de nouvelles mesures pour la fin de l'année. L'accès au travail en prison est essentiel pour la réinsertion future du condamné mais aussi pour améliorer son quotidien en détention, aider sa famille et indemniser les victimes. En 2005, 21 642 détenus en moyenne exerçaient une activité rémunérée (travail ou formation professionnelle rémunérée) pour une population écrouée de 55 724 détenus en moyenne, soit un taux d'activité rémunérée de 38,8 %. Plusieurs dispositions sont actuellement à l'étude pour rendre l'offre pénitentiaire plus attractive, notamment par l'amélioration des infrastructures dédiées au travail ou l'assouplissement des horaires de fonctionnement des ateliers ou encore l'amélioration du taux d'encadrement technique dans les ateliers du parc public afin de garantir la qualité des produits et un niveau de productivité du travail évoluant parallèlement aux standards extérieurs. La loi d'orientation et de programmation pour la justice précitée prévoit la création d'unités hospitalières psychiatriques sécurisées (UHSA) en établissement de santé pour permettre la prise en charge des détenus dont les facultés mentales sont altérées. Ces structures hospitalières accueilleront les détenus sous la surveillance des personnels pénitentiaires. Les premières d'entre elles devraient ouvrir en 2008. Ces nouvelles unités sont au carrefour de deux impératifs : l'humanisation, avec une prise en charge adaptée sur le plan médical, et la sécurité, afin d'éviter les évasions de détenus depuis les hôpitaux psychiatriques. Pour les soins somatiques, huit unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) sont prévues dans le cadre de la LOPJ. Quatre sont à ce jour opérationnelles. L'administration pénitentiaire participe à leur fonctionnement avec le concours des personnels sanitaires et des forces de l'ordre sans que l'impératif de sécurité ne heurte celui de la qualité des soins. Afin de mieux préparer la sortie de prison, la LOPJ prévoit de renforcer les effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation qui assurent le suivi et le contrôle des condamnés, notamment en milieu ouvert. Depuis 2003, 794 postes ont été créés en renfort des 1 800 postes existants en 2002, soit une augmentation de 44 % des agents affectés à cette mission. Le concours de conseiller d'insertion et de probation (CIP) organisé en 2005 a permis un recrutement supplémentaire de 290 élèves fonctionnaires, sachant qu'avec les dispositions contenues dans « l'amendement Warsmann » les perspectives pour 2006 sont à la même hauteur. Parallèlement, la prison ne pouvant constituer la seule réponse pénale à la délinquance, le ministère de la justice s'est résolument engagé dans une politique de dynamisation des aménagements de peine. La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a réformé en profondeur le régime de l'application des peines et introduit des dispositions de nature à encourager ces mesures. Entre 1993 et 2003, 15 000 aménagements de peine étaient en moyenne régulièrement prononcés. La politique volontariste développée par l'administration pénitentiaire auprès des magistrats a permis de constater une augmentation de 16 % entre l'année 2003 et l'année 2004, puis à nouveau une nouvelle augmentation de 6 % entre l'année 2004 et l'année 2005 (19 141 aménagements de peines ont été accordés en 2005).

Données clés

Auteur : M. Pascal Terrasse

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 29 novembre 2005
Réponse publiée le 31 octobre 2006

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