Question écrite n° 79658 :
commerce international

12e Législature

Question de : M. William Dumas
Gard (5e circonscription) - Socialiste

M. William Dumas attire l'attention de M. le Premier ministre sur la négociation accélérée de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). La sixième conférence ministérielle de l'OMC se tiendra à Hong-kong en décembre prochain, et les discussions en cours laissent peser de graves dangers sur les services publics et bien d'autres éléments du modèle social français. Jusqu'ici, la règle de négociation voulait que les États consentent à des « listes positives » de secteurs à libéraliser. La formule proposée par l'Union européenne en juillet 2005 exige des minima concernant le nombre de secteurs et de sous-secteurs « offerts ». Ainsi, les pays développés devraient s'engager dans au moins dix secteurs sur douze et 139 sous-secteurs sur 165 ; les pays en développement dans au moins 93 sous-secteurs. Seuls les pays « moins développés » seraient libres de choisir le nombre de secteurs, qu'ils souhaitent ouvrir. Si cette nouvelle approche des négociations de la Commission européenne est retenue, il est évident que la libéralisation de nombreux secteurs, notamment l'éducation, la santé et les services sociaux et la culture, ne pourrait plus être évitée. Le gouvernement français soutien, la position de la Commission, sans que les élus, locaux ou nationaux, n'en soient informés. En conséquence, il lui demande ses intentions quant à l'organisation d'un débat parlementaire sur ces questions essentielles. - Question transmise à M. le ministre délégué au commerce extérieur.

Réponse publiée le 18 avril 2006

La négociation multilatérale relative à la libéralisation des échanges de services a débuté en 2000 et a été intégrée à l'agenda global du cycle de Doha un an plus tard. Six ans après son lancement, elle manque très nettement de dynamisme et peine encore à trouver son rythme, comme en témoigne l'insuffisance des offres conditionnelles de libéralisation déposées, tant en quantité qu'en qualité. Sur les 148 membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), seulement 93 membres ont en effet présenté leur offre initiale de libéralisation des échanges de services : si l'on exclut les pays les moins avancés, cela signifie que 23 membres ne sont pas encore entrés dans la négociation. Ces offres sont par ailleurs généralement décevantes et présentent peu de nouveaux engagements par rapport à ceux qui ont été consolidés à l'issue du cycle de l'Uruguay. Même parmi les 54 membres qui ont déposé une offre révisée à l'été 2005, peu nombreux sont ceux qui ont proposé des concessions substantielles en termes d'accès au marché. Pour la France et pour l'Union européenne, cette situation est très préoccupante. Tout d'abord, ce décrochage de la négociation services pourrait rompre l'équilibre entre les différents volets du cycle (agriculture, NAMA, services), auquel la France est très attachée pour des raisons systémiques. Ensuite, elle ne nous permet pas d'obtenir des résultats satisfaisants en termes d'accès aux marchés alors que nous avons d'importants intérêts offensifs à promouvoir dans le secteur des services : dans les services bancaires ou d'assurance, les services de télécommunications, de distribution ou les services environnementaux, les entreprises françaises comptent en effet parmi les leaders mondiaux et ont une activité très importante à l'international. Leur développement et leur expansion sur les grands marchés émergents correspondent donc à des intérêts commerciaux majeurs pour notre pays et constituent le socle de notre croissance future et du développement de l'emploi dans les services. Or il apparaît aujourd'hui manifeste que la poursuite des négociations à leur rythme actuel ne nous permettra pas d'obtenir des concessions substantielles de nos partenaires. C'est pourquoi l'Union européenne a proposé au cours du second semestre 2005 que la négociation services s'organise sur de nouvelles bases, comprenant notamment des objectifs chiffrés ambitieux en termes de nombre de secteurs à couvrir dans les offres. Ces propositions, qui consistaient en fait à mettre en oeuvre les méthodes de négociation dites « multilatérales » et « plurilatérales » que prévoit l'article XIX de l'Accord général sur le commerce des services, devaient en effet permettre de dynamiser la négociation et d'amener l'ensemble de nos partenaires à s'y investir réellement. Elles maintenaient toutefois une certaine flexibilité en faveur des pays en développement' puisque les objectifs chiffrés étaient différenciés en fonction du niveau de développement des membres. En outre, elles ne remettaient pas en cause le principe de la négociation par « listes positives », puisque les membres restaient souverains dans le choix des secteurs à ouvrir, ainsi que dans la portée qu'ils souhaitaient donner aux engagements (maintien de certaines limitations à l'accès au marché ou au traitement national, maintien des exemptions à la clause de la nation la plus favorisée qu'ils estimaient nécessaires). Ces propositions n'avaient donc pas pour effet de pousser automatiquement les membres à ouvrir l'accès à leurs marchés dans les secteurs de services assimilés à des services publics, tels que les services d'éducation ou les services de santé. L'Union européenne a d'ailleurs pour doctrine de ne pas adresser de demandes de libéralisation de l'accès au marché dans ces secteurs, et il est clair que la France n'aurait pas autorisé la Commission à présenter des approches de négociation qui auraient rompu cette ligne de conduite. Quant aux implications de ces propositions de l'Union européenne sur l'offre communautaire elle-même, elles avaient bien entendu été préalablement évaluées, et la France s'était assurée que les objectifs chiffrés proposés pour les pays développés n'auraient pas pour effet de pousser l'Union européenne à prendre de nouveaux engagements dans les services publics ou dans les secteurs sensibles comme les services audiovisuels. L'objectif proposé par l'Union européenne était en effet que les pays développés présentent une offre améliorée par rapport aux engagements consolidés à l'issue du cycle de l'Uruguay dans au moins 139 sous-secteurs sur les 165 que compte la nomenclature des services utilisée dans la négociation ; or l'offre communautaire révisée en juillet 2005 contient déjà des engagements améliorés dans plus de 100 sous-secteurs, sans que les engagements consolidés dans les secteurs sensibles n'aient été modifiés depuis 1994. Le chemin qui restait à couvrir était donc raisonnable, d'autant plus qu'il était à répartir entre les 25 États membres de l'Union européenne puisque l'offre communautaire est considérée comme un tout à l'OMC. Au total, l'approche et les objectifs chiffrés proposés par l'Union européenne, auraient représenté un effort très modéré pour la France ; en aucun cas, ils n'auraient nécessité que nous améliorions notre offre dans les secteurs considérés en France comme des services publics ou dans le secteur audiovisuel. En tout état de cause, les propositions de l'Union européenne n'ont pas été retenues à l'issue de la Conférence ministérielle de Hongkong. Elles se sont heurtées à une forte opposition des pays en développement et des pays les moins avancés (G 90 notamment), en partie pour des raisons tactiques. La négociation services n'a donc pas bénéficié de l'impulsion que nous cherchions à lui donner, ce qui renforce les préoccupations de l'Union européenne. Le résultat positif acquis dans la Déclaration ministérielle en matière de services concerne le lancement de négociations plurilatérales à partir du mois de février 2006. Ces négociations doivent réunir une masse critique de membres et viseront à négocier une amélioration des offres dans quelques secteurs clefs. La négociation est donc entrée ces dernières semaines dans une démarche beaucoup plus fine et plus spécifique, consistant à obtenir des améliorations ciblées de l'accès à certains marchés particulièrement significatifs (grands pays émergents, économies développées de l'OCDE). Dans ce contexte, les secteurs peu significatifs sur le plan commercial, tels que les services d'éducation ou les services de santé, seront vraisemblablement laissés de côté. Si toutefois certains membres adressaient des demandes à l'Union européenne dans ces secteurs, ce qui ne peut être exclu, il est clair que la France s'opposerait à ce qu'une réponse positive y soit donnée, conformément à la doctrine suivie jusqu'à présent.

Données clés

Auteur : M. William Dumas

Type de question : Question écrite

Rubrique : Relations internationales

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : commerce extérieur

Dates :
Question publiée le 29 novembre 2005
Réponse publiée le 18 avril 2006

partager