Question écrite n° 80816 :
justice

12e Législature

Question de : M. Patrick Beaudouin
Val-de-Marne (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Patrick Beaudouin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la récente décision du tribunal de grande instance de Reims en faveur de l'indemnisation des frères d'une jeune fille atteinte de la trisomie 21 du préjudice d'avoir une soeur handicapée. Cette décision invoque notamment le temps important consacré à cet enfant handicapé par la mère de famille, au détriment de ses frères. Comme l'a souligné récemment l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), et sans prendre parti sur ce cas particulier, il y a tout lieu cependant de s'inquiéter d'une telle judiciarisation des rapports sociaux et familiaux que cette décision révèle. Selon l'UNAPEI, poussée à l'extrême, une telle logique pourrait contraindre les parents, et plus particulièrement les parents d'enfants handicapés, à être comptable auprès de leurs enfants du temps qu'ils leur consacrent au détriment de toute idée de solidarité et d'unité familiale. De plus, cette logique revêt un caractère discriminant à l'égard des personnes handicapées, alors même que la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en cours d'application, entend promouvoir leur dignité. Il apparaît de plus que ce jugement semble vouloir contourner la loi Kouchner du 4 mars 2002. Or le 6 octobre 2005, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), si elle a remis en cause la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002, a néanmoins admis que cette loi « servait une cause d'utilité publique » et a pris acte de la volonté du législateur français de « modifier le droit en matière de responsabilité médicale ». Selon la CEDH, « ce régime était le résultat de débats parlementaires approfondis, au cours desquels il a été tenu compte de considérations d'ordre juridique, éthique, social, ainsi que de raisons liées à la bonne organisation du système de santé et au traitement équitable de l'ensemble des personnes handicapées. Comme l'a indiqué le Conseil d'État, le législateur s'est prononcé sur la base de motifs d'intérêt général, dont la validité ne saurait être remise en cause par la Cour ». La CEDH a également précisé qu'« on ne peut raisonnablement prétendre que le législateur français, en décidant de réorganiser le régime de compensation du handicap en France, a outrepassé la marge d'appréciation importante dont il dispose en la matière ou rompu le juste équilibre à ménager ». Il lui demande si, étant donné cet avis de la CEDH, qui ne remet en cause que la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter de la judiciarisation des rapports intra-familiaux ainsi que de la discrimination induite à l'égard des personnes handicapées qu'un tel contournement de la loi du 4 mars 2002 peut susciter.

Réponse publiée le 28 février 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la Cour de cassation n'a pas été appelée à se prononcer sur le principe de l'indemnisation du préjudice moral allégué par une victime par ricochet dans le cadre d'une affaire de handicap de naissance. En l'absence, sur ce point particulier, de principe consacré par la jurisprudence, la juridiction rémoise a procédé à l'appréciation d'une situation de fait et en a tiré des conséquences d'espèce. Confrontées à des affaires comparables mais impliquant des situations de fait différentes, d'autres juridictions ont rendu des décisions écartant toute indemnisation des membres de la fratrie de l'enfant handicapé. Il n'appartient pas au garde des sceaux de formuler des appréciations sur les décisions de justice rendues.

Données clés

Auteur : M. Patrick Beaudouin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Handicapés

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 13 décembre 2005
Réponse publiée le 28 février 2006

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