droit d'ester
Question de :
M. Marc Francina
Haute-Savoie (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Marc Francina souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'existence de certaines insuffisances relatives à la procédure de cessation des clauses abusives. L'article L. 421-6 du code de la consommation transposant les directives communautaires sur les clauses abusives, dispose que les associations de consommateurs agréées peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1er de la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des consommateurs. Le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur. Dans trois arrêts du 1er février 2005, la première chambre civile de la Cour de cassation a qualifié l'action précitée de « préventive ». Plus clairement, la Cour considère que dès lors que les clauses litigieuses auront été supprimées des contrats types proposés aux consommateurs, seuls pourront agir les particuliers dont les contrats, déjà conclus au moment de l'introduction de l'instance, comprendront toujours des clauses abusives. En cantonnant le rôle des associations à un rôle exclusivement préventif, la Cour de Cassation a condamné par là même toute approche curative permettant d'éradiquer les clauses abusives présentes dans les contrats. Cette approche semblait pourtant ouverte par un précédent arrêt de la Cour du 5 octobre 1999. Cette jurisprudence engendre une iniquité inacceptable entre les consommateurs selon la date de l'introduction de l'instance. Elle fait profiter les consommateurs sur le point de conclure avec un même professionnel un contrat comprenant des clauses litigieuses de la protection judiciaire des associations de consommateurs pour obtenir la purge des contrats incriminés alors qu'elle prive les consommateurs ayant déjà conclu, à la date de l'introduction de l'instance, des contrats comprenant des clauses abusives mais dont la réédition ne les contient plus de ce bénéfice. Une interprétation téléologique de la directive de 1993 commande pourtant l'inclusion de l'action curative dans les modalités de cessation des clauses abusives, En effet, la finalité de l'action en suppression des clauses abusives est autant d'éviter le retour de clauses abusives dans de nouveaux contrats que d'en sanctionner l'utilisation avérée. La combinaison des articles 6 et 7 est particulièrement explicite comme l'a relevé la Cour de justice des Communautés européennes à travers l'arrêt « Cofidis SA c/J.-L. Fredout 3 du 21 novembre 2002) en affirmant que ces articles ont pour objectif « d'empêcher qu'un consommateur individuel ne soit lié par une clause abusive ». Alors que la rareté des actions individuelles des consommateurs est notoirement connue, les trois arrêts de la Cour de cassation limitent la protection des consommateurs contrairement à l'objectif de la directive européenne et la jurisprudence de la cour de justice. Il lui demande en conséquence les mesures que le Gouvernement compte prendre afin d'intégrer l'action curative au sein de l'action en suppression des clauses abusives intentée par les associations de consommateurs afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre de telles clauses. - Question transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Réponse publiée le 26 décembre 2006
L'efficacité de l'action des associations de consommateurs dans la lutte contre les clauses abusives dans les contrats de consommation est inscrite dans la directive communautaire du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives. La directive impose dans son article 7, alinéa 1, « aux États membres de veiller à ce que dans l'intérêt des consommateurs, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives ». Ces principes ont été expressément étendus aux actions des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs (article 7, alinéa 2). En droit national, ces moyens recouvrent les actions en suppression des clauses illicites ou abusives ouvertes aux associations de consommateurs agréées par les articles L. 421-2 et L. 421-6 du code de la consommation et à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation par l'article L. 141-1 du même code. Aux termes de ces dispositions, l'action en suppression des clauses illicites ou abusives vise tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur, c'est-à-dire utilisé ou devant être utilisé par le professionnel pour les besoins de son activité au moment de l'introduction de l'instance. Cependant, la Cour de cassation par une interprétation stricte et littérale du texte de l'article L. 421-6 a limité la portée de cette action. En effet, dans deux arrêts rendus le 1er février 2005, la première chambre civile a estimé que l'action en suppression des clauses abusives est sans objet lorsque les clauses ou les contrats contestés ne sont plus proposés au consommateur au moment où l'action est introduite en justice. Compte tenu de cette interprétation, il apparaît que le texte de l'article L. 421-6 ne prend qu'imparfaitement en compte l'objectif fixé par l'article 6.1 de la directive 93/13/CEE qui dispose que les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs. En effet, le consommateur qui aura eu la malchance de contracter antérieurement à l'introduction de l'instance et de posséder un contrat qui n'est plus proposé par le professionnel mais qui contient néanmoins toujours une clause abusive, n'est pas concerné par l'action en suppression de clauses abusives. Or c'est pour atteindre les objectifs d'efficacité et de protection fixés dans la directive 93/13/CEE que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans un arrêt du 24 janvier 2002 (CJCE, 24 janvier 2002, aff. C 372/99) tend clairement à indiquer, en ses points 14 et 15, que la protection effective des consommateurs contre les clauses abusives recouvre, pour ce qui concerne les actions en suppression de telles clauses, aussi bien l'aspect préventif que curatif. Se fondant sur ce constat et afin d'assurer une meilleure protection des consommateurs contre les clauses abusives dans les contrats, le Gouvernement a proposé dans son projet de loi en faveur des consommateurs, présenté en conseil des ministres du 8 novembre, de modifier et compléter le dispositif relatif aux clauses abusives afin de donner la possibilité au juge de soulever d'office le caractère abusif d'une clause dans tout contrat qui lui sera soumis et d'étendre l'action en suppression de clauses abusives aux contrats déjà conclus. Le projet de loi est ainsi rédigé : « En cas de litige entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, le juge peut soulever d'office le caractère abusif d'une clause. Il peut déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des non-professionnels ou des consommateurs et lui ordonner d'en informer ceux-ci à ses frais par tout moyen approprié ».
Auteur : M. Marc Francina
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : économie
Dates :
Question publiée le 27 décembre 2005
Réponse publiée le 26 décembre 2006