Question écrite n° 83538 :
juridictions civiles

12e Législature

Question de : M. Pierre Bourguignon
Seine-Maritime (3e circonscription) - Socialiste

M. Pierre Bourguignon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'avant-projet de décret portant réforme de la procédure civile. Cet avant-projet suscite de vives inquiétudes parmi un très grand nombre de professionnels, notamment les avoués près de la cour d'appel, les avocats et les huissiers. Ces professionnels s'interrogent sur les conséquences que cette réforme ferait peser sur les justiciables les plus modestes : la perte de la maîtrise du procès puisque seul le juge de la mise en état décidera du calendrier de la procédure et du nombre des conclusions ; la disparition programmée de la plaidoirie, « vécue souvent comme un exercice aussi rituel qu'inutile » selon les termes même du rapport au Premier ministre, alors qu'elle permet bien souvent au juge d'approcher la réalité humaine des dossiers, au-delà des conclusions écrites ; la confiscation du droit d'appel pour les justiciables les plus modestes puisque la proposition de réforme entend subordonner le droit d'appel à l'exécution du jugement de première instance. De sorte que seuls pourront faire appel ceux qui ont les moyens de payer leur condamnation sans craindre de n'être remboursés en cas d'infirmation du jugement si l'adversaire n'est pas solvable ; l'augmentation des contraintes quant à la communication des actes au justiciable qui ne pourront plus être déposés en mairie. Lorsque l'on sait qu'en cas d'absence d'une des parties parce qu'elle a pu ne pas avoir connaissance de la date de l'audience celle-ci est généralement condamnée par défaut en première instance, on comprend l'émotion suscitée par ce projet de réforme. Aussi, il lui demande quelles dispositions il compte prendre afin de revenir sur cet avant-projet de réforme critiqué vigoureusement par ces professionnels et dont l'application ne manquera pas de porter préjudice aux justiciables les plus modestes.

Réponse publiée le 14 mars 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom a fait l'objet d'une vaste consultation et suscité des contributions enrichissantes qui ont été largement prises en compte. L'essentiel de ses dispositions entreront en vigueur le 1er mars 2006. Ce décret vise à améliorer la célérité et l'efficacité de la justice en s'appuyant sur les pratiques innovantes menées par les juridictions et les barreaux ainsi que sur le rapport Magendie en n'en reprenant toutefois pas toutes les conclusions. Le décret consacre les contrats de procédure qui, parce qu'ils seront issus d'une collaboration choisie par les avocats et avoués avec les juges, permettront de raccourcir les délais de procédure tout en préservant l'examen approfondi des questions de fait et de droit d'une affaire. Le décret ne supprime pas les plaidoiries mais officialise la pratique du dépôt de dossier, à la demande des avocats, pour limiter la durée des audiences. Les dispositions relatives à l'exécution provisoire n'ont pas pour effet de remettre en cause le droit d'appel mais au contraire d'en réaffirmer le caractère essentiel en écartant les appels dilatoires et en renforçant l'effectivité des décisions de première instance, qui est un principe d'une valeur égale à celui de l'accès au juge. Contrairement à ce que préconisait le rapport Magendie, le champ de l'exécution provisoire n'est pas modifié. Le décret prévoit simplement qu'en appel, lorsque l'arrêt de l'exécution provisoire n'a pas été obtenu, une partie, bénéficiaire de l'exécution provisoire, pourra solliciter la radiation de l'affaire du rôle de la cour sous le contrôle du premier président. Un tel dispositif rend effective l'exécution provisoire décidée en première instance. Il garantit également l'équilibre des intérêts en présence, ceux de la partie qui a succombé en lui maintenant la possibilité de faire examiner son affaire en appel malgré la non-exécution de la décision, si elle a de justes motifs, ceux de la partie qui a gagné, en lui permettant de bénéficier de l'exécution du jugement qui lui a été accordé. Dans un souci de protection de la vie privée, la signification par remise de l'acte à mairie est remplacée par la signification par remise de l'acte à l'étude de l'huissier de justice. Le destinataire pourra demander que la copie de l'acte soit adressée à l'étude d'huissier de son choix, ce qui facilitera sa remise. Il pourra ainsi être informé par l'officier public ministériel de ses droits. Ainsi, l'ensemble de ce texte, sans porter atteinte aux grands principes de notre procédure civile, est marqué par le souci de répondre aux objectifs de rapidité et de qualité que la justice se doit de remplir.

Données clés

Auteur : M. Pierre Bourguignon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 17 janvier 2006
Réponse publiée le 14 mars 2006

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