Question écrite n° 87252 :
agressions sexuelles

12e Législature

Question de : M. Franck Gilard
Eure (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Franck Gilard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le droit de prescription qui interdit de porter plainte pour abus sexuel au-delà de vingt ans après l'âge de la majorité, alors qu'il faut parfois des décennies pour que la parole de la victime se libère. Ainsi, certaines victimes mineures ne peuvent dénoncer leur agresseur, les années écoulées ayant entraîné la prescription. Car il est essentiel, « pour guérir », d'être reconnu(e) victime de tout ce que l'on a subi. C'est pour adapter la loi à cette réalité terrifiante (20 % des femmes et 7 % des hommes ont été victimes d'agression sexuelle avant leur majorité selon l'Association internationale des victimes d'inceste) qu'il faudrait que les crimes sexuels commis contre les mineurs soient reconnus comme des crimes imprescriptibles. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser si le Gouvernement compte, sur ce grave sujet, poursuivre le mouvement engagé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Réponse publiée le 18 juillet 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, rappelle à l'honorable parlementaire que le régime de prescription mis en oeuvre au bénéfice des victimes des infractions de nature sexuelle est d'ores et déjà particulièrement dérogatoire du droit commun et permet à ces victimes de déposer plainte, suivant le type de faits commis à leur préjudice de déposer plainte soit jusqu'à leur trente-huit ou vingt-huit ans. Ainsi, depuis la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le délai de prescription des crimes de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédés ou accompagnés d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ainsi que de viols est de vingt ans à compter de la date à laquelle les victimes auraient été majeures (au lieu de dix ans antérieurement). Le délai de prescription est également de vingt ans à compter de la majorité au lieu pour : 1° les délits d'agressions sexuelles sur mineur de quinze ans commis avec une ou plusieurs des circonstances aggravantes suivantes : avec blessures ou lésion, par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, avec usage ou menace d'une arme, en raison de l'orientation sexuelle de la victime ; 2° les délits d'atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans commis avec une ou plusieurs des circonstances aggravantes suivantes : par un ascendant ou tout autre personne ayant autorité sur la victime, par une personne qui abuse de l'autorité que lui confère ses fonctions, par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, lorsque la mise en contact avec le mineur a été rendue possible par l'utilisation d'un réseau de télécommunication. Enfin, le délai de prescription est porté à dix ans s'agissant des délits d'agressions sexuelles et d'atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans sans circonstances aggravantes ainsi que le recours à la prostitution d'un mineur et la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique susceptible d'être vu par un mineur. Le garde des sceaux estime que le système tient compte ainsi de la spécificité des infractions de nature sexuelle, en accordant le temps nécessaire pour permettre aux victimes d'acquérir la maturité et la force suffisante pour déposer plainte. Il estime toutefois que la notion d'imprescriptibilité, par nature exceptionnelle, doit être réservée aux seuls crimes contre l'humanité en raison de l'irréductible spécificité de ces actes et ne saurait être étendue à d'autres infractions.

Données clés

Auteur : M. Franck Gilard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 28 février 2006
Réponse publiée le 18 juillet 2006

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