Azerbaïdjan
Question de :
M. René Rouquet
Val-de-Marne (9e circonscription) - Socialiste
M. René Rouquet demande à M. le ministre des affaires étrangères quelle position compte prendre le gouvernement français face à la destruction organisée depuis le 10 décembre 2005 par l'armée azérie du cimetière médiéval arménien de Djoulfa dans le sud de l'Azerbaïdjan (Nakhitchevan), qui vise à éliminer toute trace de la civilisation arménienne plusieurs fois millénaire dans cette région. Ces croix de pierre, appelées khatchkars, inestimables témoignages du passé chrétien de cette zone du Sud-Caucase, sont considérées par l'Unesco comme des éléments d'une valeur artistique et historique inestimable appartenant au patrimoine culturel mondial. De nombreuses organisations comme le Comité de défense de la cause arménienne (CDCA), le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), ainsi que les représentants de la République d'Arménie, le Conseil international des monuments et sites, attendent de la France, comme elle l'avait fait, à juste titre, au moment de la destruction inacceptable par les talibans afghans des statues de Bamiyan, qu'elle réagisse face à cet acte de la même teneur qui agresse la mémoire du peuple arménien et qui illustre, une nouvelle fois, la volonté de l'État azerbaïdjanais d'effacer toute trace arménienne d'Azerbaïdjan, après les pogroms de Soumgaït, de Bakou, de Chouchi et de Kirovabad, jusqu'à la guerre contre le Kharabagh. À l'heure où la France prépare activement l'année de l'Arménie, et fort du rôle important que joue notre pays dans la Convention mondiale Héritage de l'Unesco, nombreux sont ceux qui attendent du Gouvernement qu'il exprime une position officielle auprès des autorités de la République d'Azerbaïdjan, pour que cessent ces outrages faits à la nation arménienne, à sa culture et à son histoire et pour que soit réhabilité le site de Djoulfa. Alors que cette zone du Sud-Caucase se dirigeait vers la paix sous l'action conjointe de la France, de la Russie et des États-Unis sous les hospices de l'OSCE, de tels gestes sont de nature à briser les efforts actuels entre les peuples arménien et azéri. Au moment où, le mardi 28 février 2006, en France, les trois partis politiques arméniens, la FRA Dachnaktsoutioun, l'ADL Ramgavar, le PSD Hentchak, organisent, avec le soutien du CCAF, une manifestation devant l'ambassade d'Azerbaïdjan, la France s'honorerait de condamner officiellement une telle agression et de s'associer ainsi à la campagne d'information et de mobilisation des opinions publiques que les Arméniens organisent à la même date dans le monde entier pour sensibiliser les instances européennes et internationales à la politique de l'Azerbaïdjan. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser, d'une part, quelle position entend prendre la France face à la politique de profanation systématique et organisée par les autorités d'Azerbaïdjan des cimetières arméniens du Nakhitchevan et, d'autre part, si le gouvernement français envisage d'envoyer une mission d'enquête afin de constater ces actes inadmissibles et demander des réparations à l'Azerbaïdjan pour ces destructions.
Réponse publiée le 12 décembre 2006
Les déprédations affectant le cimetière arménien de Djoulfa, en Azerbaïdjan, acquièrent une sensibilité particulière à l'heure où les négociations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan connaissent de nouveaux développements. La France, en tant que coprésidente, aux côtés de la Russie et des États-Unis, du groupe de Minsk de l'OSCE, chargé de la médiation sur ce conflit, a une responsabilité particulière dans ce processus de négociation et se doit d'encourager l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur la voie du dialogue et de la réconciliation. L'émotion que suscitent ces événements, à l'instar de celle suscitée en Azerbaïdjan par les destructions alléguées de sites azéris dans les territoires occupés par l'Arménie, est légitime dans la mesure où il y va de la mémoire de ces deux peuples et de ce qu'ils ont de plus sacré. La dimension symbolique de ces profanations dépasse les événements en cause et vise plus généralement à supprimer toute trace de la cohabitation historique de ces deux communautés sur un même territoire. Dans ces conditions, il convient à ce stade de prendre note sans autre commentaire des accusations réciproques qu'ont échangées Arméniens et Azerbaïdjanais au sujet de la conservation de leurs patrimoines culturels respectifs. Cette région est l'héritière de traditions culturelles riches de leur diversité. Cette diversité doit, à nos yeux, être conservée dans un souci de respect de l'autre et non devenir l'enjeu de nouvelles batailles. La France est favorable à la mise en place d'une mission d'enquête internationale, dans un cadre à définir, afin de constater sur place l'état de ces sites et d'envisager les conditions de leur préservation et de leur mise en valeur. C'est le sens de la résolution adoptée par le Parlement européen le 16 février dernier. Une telle mission pourrait être élargie à l'ensemble des lieux de mémoire des différentes communautés du Sud-Caucase, qui est historiquement une terre de cohabitation et de partage entre différents peuples et différentes religions.
Auteur : M. René Rouquet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 7 mars 2006
Réponse publiée le 12 décembre 2006