baux ruraux
Question de :
M. Michel Raison
Haute-Saône (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Michel Raison attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les nécessités tenant à la réforme du statut des baux ruraux applicables aux modalités d'échange de parcelles en jouissance. Un fermier recherche souvent à échanger une parcelle contre une autre afin de regrouper le parcellaire de son exploitation. L'article L. 411-39 du code rural prévoit que le fermier pourra procéder à des échanges « pour assurer une meilleure exploitation ». Cependant, le fermier qui souhaite effectuer cet échange de terres louées avec un autre fermier lui-même titulaire d'un bail rural sur une parcelle de terres intéressant le premier fermier devra avertir son propriétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Son propriétaire peut s'opposer à cet échange, en le contestant dans les deux mois devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Á défaut, son silence vaudra acceptation de l'échange. Or. de nombreux contentieux aboutissent au final à la résiliation des baux ruraux. Dans un contexte de multiplication des échanges en jouissance des parcelles, qui se révèlent être de plus en plus une méthode culturale moderne adaptée aux nouvelles contraintes que connaît l'agriculture, il paraît excessif que toutes les irrégularités en la matière ne connaissent que cette issue qui peut être parfois injuste, dès lors qu'il n'y a pas intention d'induire le bailleur en erreur. Aussi une proposition avait été faite lors de la loi d'orientation agricole visant à mieux encadrer les échanges en jouissance pour éviter tout contentieux. En effet, un amendement 421 rectifié prévoyait que « l'avis adressé au bailleur mentionne les superficies sur lesquelles portent les échanges intervenus ainsi que l'identité du ou des coéchangistes. Si le coéchangiste est une personne morale, l'avis doit indiquer le nom de la société et le tribunal de commerce auprès duquel cette société est immatriculée. Le preneur avise le bailleur dans les mêmes formes de tout changement intervenu dans les éléments ci-dessus énumérés. Cet avis doit être adressé dans les deux mois consécutifs au changement de situation. » Par ailleurs, selon cette proposition, « le bail ne peut être résilié que si le preneur n'a pas communiqué les informations prévues à l'alinéa précédent, dans un délai d'un an après mise en demeure par le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La résiliation n'est toutefois pas encourue si les omissions ou irrégularités constatées n'ont pas été de nature à induire le bailleur en erreur ». Avec le rejet de cette proposition par le Sénat, le statu quo est de mise entérinant désormais la situation précaire d'une grande partie des locataires dont le bail peut aujourd'hui, du jour au lendemain, se trouver résilié sans qu'aucune défense puisse être opposée et surtout qu'aucune régularisation puisse intervenir avant toute procédure. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend s'inspirer, notamment dans le cadre des ordonnances prévues par la loi d'orientation agricole, de la proposition acceptée par l'Assemblée nationale visant à mieux encadrer les échanges en jouissance pratiqués en agriculture.
Réponse publiée le 16 mai 2006
L'objet du statut du fermage est d'établir une relation équilibrée entre le bailleur et le preneur. Ainsi, l'article L. 411-35 du code rural interdit la cession de bail ou la sous-location. Toutefois, pour faciliter la gestion du foncier agricole, trois exceptions à ce principe d'interdiction des sous-locations ont été prévues. La première consiste pour le fermier à pouvoir mettre son bail à disposition de la société dans laquelle il exerce son activité agricole. La seconde exception consiste dans la possibilité pour le preneur d'échanger des parcelles louées avec un autre exploitant pour assurer une meilleure exploitation des biens. La troisième concerne la mise en place d'assolements en commun. Elle a été ouverte par la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005. Le code rural (art. L. 411-39) a encadré plus fortement la mise en oeuvre de la deuxième et de la troisième exception, exigeant que le preneur informe le bailleur au préalable de son projet d'échange. Le bailleur a le droit de s'y opposer en s'adressant au tribunal paritaire des baux ruraux. Par ailleurs, à défaut d'avoir procédé à cette information préalable, le preneur encourt la résiliation de son bail. Cette procédure peut paraître contraignante pour le fermier mais elle est justifiée par le fait que ce dernier, par exception au principe général d'interdiction des sous-locations, cède la jouissance d'une partie des terres louées au profit d'un tiers. Il n'en est pas de même dans le cas de la mise à disposition d'un bail auprès d'une société dans laquelle le fermier est associé. Dans ce cas, en effet, le fermier continue à participer à l'exploitation du bien loué. Ceci explique que le législateur ait prévu une procédure plus souple dans laquelle, en particulier, l'information du propriétaire peut intervenir après la mise à disposition. La proposition d'alignement des procédures recouvre donc en réalité un changement de fond de l'équilibre entre bailleur et preneur. La proposition d'aligner la procédure des échanges sur celle de la mise à disposition auprès d'une société traduirait donc une évolution de fond de l'équilibre actuel entre preneurs et bailleurs. Dans le cadre des débats parlementaires liés au projet de loi d'orientation agricole, ce changement a d'ailleurs été décidé par l'Assemblée nationale puis remis en cause par le Sénat. La commission mixte paritaire a finalement jugé préférable de maintenir en l'état le code rural. Dans ces conditions, il n'est pas possible d'introduire dans un projet d'ordonnance une disposition que le Parlement a explicitement rejetée.
Auteur : M. Michel Raison
Type de question : Question écrite
Rubrique : Baux
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Dates :
Question publiée le 21 mars 2006
Réponse publiée le 16 mai 2006