jeunes
Question de :
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont
Haute-Vienne (3e circonscription) - Socialiste
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont souhaiterait attirer l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur la préparation du plan de prévention de la délinquance qu'il envisage et qui prône notamment une détection très précoce des troubles comportementaux chez l'enfant censés évoluer vers la délinquance. Dépister dès l'âge de trois ans les enfants susceptibles d'avoir un parcours les conduisant à la délinquance, créer des carnets de comportements à remplir de la naissance à leur vie d'adulte afin d'avoir une chaîne continue de surveillance et demander aux professionnels de la petite enfance (enseignants, éducateurs, psychologues scolaires, médecins scolaires...) de devenir des « auxiliaires de police » constituent autant de mesures portant lourdement atteinte aux droits des enfants et risquant d'aboutir à une médicalisation à l'extrême de phénomènes d'ordre éducatif, psychologique et social. Le rapport de l'lNSERM demande notamment aux professionnels de la petite enfance de surveiller et dépister dès trente-six mois « l'indocilité, hétéroagressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas » et ce, afin de soumettre les enfants à toute une série de tests élaborés sur la base des théories de neuropsychologie comportementaliste qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie. En sus du caractère subjectif et déplorable de tels critères, on ne peut que s'insurger contre ce projet. en stigmatisant comme pathologique toute manifestation vive d'opposition et en ignorant les parcours individuels de chacun, on nie le développement singulier de l'être humain et on se tourne vers une pensée soignante robotisée. Cette proposition va à l'encontre même du rapport parlementaire de février 2006 « L'enfant d'abord » qui préconisait la nécessité de privilégier la prévention des risques par la médiation et l'accompagnement global et médico-social de la famille. Professionnels et parents s'inquiètent légitimement des risques de dérives des pratiques de soins vers des fins normatives et de contrôle social, refusent la médicalisation ou la psychiatrisation de toute manifestation du mal-être social et attendent un débat démocratique sur la prévention, la protection et les soins prodigués aux enfants. Aussi elle souhaiterait savoir si le Gouvernement entend renoncer à cette inquiétante proposition.
Réponse publiée le 18 juillet 2006
La prévention précoce constitue l'une des dispositions prévues par le plan national de prévention de la délinquance. Elle a pour objectif de permettre la détection, le plus en amont possible, des comportements susceptibles de traduire des fragilités et des risques d'asociabilité. Trop d'enfants souffrent physiquement et moralement ce qui peut les prédisposer à des comportements violents. Il appartient à l'État d'assurer et de garantir l'égalité des chances et la diminution des risques. Il n'y a pas de délinquance précoce prédéterminée mais une action précoce est nécessaire pour éviter que des facteurs propices à la délinquance ne déterminent le devenir d'un enfant. Le rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) met en évidence, quant à lui, une coïncidence, ou au moins un risque très fort, entre certains comportements observés chez de jeunes enfants et leur cheminement vers la délinquance. Il n'y a aucune concordance entre cette étude en matière de santé des populations et le projet de loi de prévention de la délinquance. L'une est « un bilan des connaissances scientifiques et médicales sur les troubles de conduite chez l'enfant et l'adolescent », l'autre a pour objet de permettre une meilleure insertion des enfants dans la société grâce à une nouvelle politique de prévention de la délinquance adaptée au plus près du terrain et des réalités. Il appartient aux institutions responsables d'être attentives à ce qui pourrait être les premiers symptômes d'un comportement asocial afin d'assurer à l'enfant et sa famille l'aide et le soutien qui doivent permettre d'éloigner le risque. Il ne s'agit ni d'une médicalisation des enfants, qui relève exclusivement de la compétence des autorités médicales, ni d'un repérage qui les stigmatiserait, mais de la prise en compte, par les professionnels du monde éducatif, médical et social, d'un risque pour mieux encadrer le mineur et sa famille. Il s'agit là tout naturellement du rôle dévolu à la protection maternelle et infantile (PMI), à l'aide sociale à l'enfance et à la médecine scolaire. Le dispositif doit être réorganisé afin qu'aucun enfant ne soit plus privé de l'attention et des soins qui lui sont dus et ainsi réduire, par voie de conséquence, la délinquance potentielle de certains mineurs. L'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui sera bientôt transmis au Parlement, permettra à la représentation nationale d'exercer ses prérogatives et ainsi de développer un débat démocratique.
Auteur : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire
Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire
Dates :
Question publiée le 28 mars 2006
Réponse publiée le 18 juillet 2006