Liberia
Question de :
Mme Marie-Renée Oget
Côtes-d'Armor (4e circonscription) - Socialiste
Mme Marie-Renée Oget attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation d'impunité dont continue de jouir aujourd'hui M. Charles Taylor, ancien président du Liberia actuellement réfugié au Nigeria. En effet, celui-ci continue de se soustraire à la justice internationale, bien que faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international pour crimes contre l'humanité et d'une réquisition de la part du Tribunal spécial pour la Sierra Leone en vue d'être jugé pour son rôle durant la guerre civile et sa responsabilité présumée dans les massacres et mutilations de civils au Liberia et en Sierra Leone, principalement motivés par les bénéfices tirés du trafic de diamants produits dans les mines de cette région d'Afrique. De plus, M. Charles Taylor, selon les organisations de défense des droits de l'homme, continuerait de poursuivre une partie de ses activités dans le trafic de diamant, sans que les milices demeurées sous son commandement n'aient été désarmées. Cette situation est aujourd'hui dénoncée par l'ensemble des grandes organisations de défense des droits de l'homme, dont notamment l'ACAT - l'Alliance des chrétiens contre la torture, qui demande à la France d'agir en direction du gouvernement du Nigeria et de son président, M. Olosegun Obasanjo, en faveur de la livraison de M. Taylor au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Aussi, face à la nécessité de faire juger l'ensemble des responsables de ces agissements qualifiés de crimes contre l'humanité afin d'assurer le respect des droits de l'homme et de prévenir toute réitération de ces crimes, elle lui demande s'il envisage de prendre quelque initiative diplomatique au nom de la France en vue d'interpeller le gouvernement du Nigeria et son président pour assurer la livraison de M. Charles Taylor à la justice internationale.
Réponse publiée le 6 juin 2006
La France entend ne pas laisser impunies les violations massives des droits de l'homme qui ont été commises en Sierra Leone durant la période de la guerre civile. C'est dans cet esprit que la France a soutenu la création puis les travaux du tribunal spécial. Cet engagement politique fort s'est doublé d'un effort financier important : la France a versé l'an passé une contribution volontaire de 500 000 EUR au bénéfice de ce tribunal. S'agissant du cas particulier de Charles Taylor, le Gouvernement estime qu'il devra répondre des crimes qui lui sont reprochés et qui ont donné lieu à sa mise en examen par le procureur près le tribunal spécial pour 11 chefs d'inculpations, et à un mandat d'arrêt international émis par le tribunal. L'arrestation de M. Taylor et sa remise au tribunal spécial, intervenues à la fin du mois de mars 2006, constituent une étape importante de ce travail de justice. La France a salué l'action conjointe de la présidente du Liberia et du président du Nigeria qui a permis l'extradition de M. Taylor et son déferrement devant le tribunal spécial. À l'automne dernier, la France avait activement soutenu l'adoption au Conseil de sécurité des deux décisions qui ont créé les conditions du transfert rapide de Charles Taylor au tribunal spécial après son arrestation par les autorités nigérianes. La résolution 1626 avait permis le maintien d'une présence militaire internationale pour assurer la sécurité du tribunal spécial après le retrait de la mission des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL) intervenu le 31 décembre 2005. La résolution 1638 a donné à la mission des Nations unies au Liberia (MINUL) un mandat lui permettant d'arrêter Charles Taylor, dans l'hypothèse où celui-ci tenterait de rentrer au Liberia. L'initiative du président nigérian consistant à accueillir Charles Taylor en exil a été déterminante dans le processus de sortie de crise au Liberia. Elle a en effet permis la signature de l'accord de paix global à Accra, en août 2003, qui a constitué le point de départ du processus de transition, ayant abouti à l'investiture de Mme Ellen Johnson-Sirleaf comme présidente du Liberia le 16 janvier dernier. Le Gouvernement français a considéré que les modalités de l'extradition de M. Taylor devaient par conséquent être définies en plein accord avec le Nigeria. Le président Obasanjo, lors de sa visite à Paris en mai dernier, avait confirmé qu'il suivait personnellement cette affaire et avait précisé que Charles Taylor était sous haute surveillance dans sa résidence. Par la suite, le président nigérian a fait savoir qu'il ne remettrait M. Taylor qu'à des autorités légitimes libériennes si celles-ci en faisaient la demande. Or la présidente du Liberia a confirmé le 17 mars aux autorités nigérianes sa demande d'extradition de Charles Taylor. Après avoir consulté ses pairs de la sous-région (UA et CEDEAO) et de la communauté internationale, le président Obasanjo a accepté le 25 mars de répondre favorablement à la demande de Mme Johnson-Sirleaf. Trois jours plus tard, Charles Taylor a tenté de prendre la fuite mais a été arrêté par les autorités nigérianes alors qu'il cherchait à passer la frontière camerounaise. Il a été remis à la MINUL, qui est chargée de la sécurité du tribunal spécial pour la Sierra Leone, où Charles Taylor se trouve actuellement en détention. Le tribunal spécial a demandé la délocalisation du procès à La Haye pour des raisons de sécurité. Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies relative au transfert est en cours d'élaboration. Nous participons à présent aux discussions en cours au Conseil de sécurité, à la demande du tribunal et en accord avec les membres africains du Conseil, en vue de permettre le jugement de Charles Taylor en dehors de l'Afrique de l'Ouest. L'objectif reste de concilier l'intérêt des victimes et l'appropriation locale de la lutte contre l'impunité, en même temps que la sécurité et la sérénité du procès et la préservation du fragile retour à la paix dans la région. Les autorités françaises continueront à oeuvrer pour que progressent parallèlement, en Afrique de l'Ouest comme ailleurs, la consolidation de la paix et l'indispensable lutte contre l'impunité.
Auteur : Mme Marie-Renée Oget
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 4 avril 2006
Réponse publiée le 6 juin 2006