Question écrite n° 93334 :
droit d'ester

12e Législature

Question de : M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste

M. Joël Giraud attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le problème rencontré par certaines familles dont la réputation est directement touché par diverses publications. En effet, des ouvrages à prétentions historiques sont amenés à porter des jugements sur des personnes récemment décédées. Des familles ont vécu ces publications comme une injustice qui a parfois été lourde de conséquence, sans qu'elles aient pu en obtenir réparation. Dans l'état actuel de la législation, le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée puisqu'elle est seule titulaire de ce droit que l'on considère non transmissible aux héritiers. Une publication peut donc divulguer certains éléments de la vie privée d'une famille et porter atteinte à l'honneur familial sans que les descendants puissent agir en justice. Cependant, pour les tiers, les amalgames et associations d'images sont souvent faits et il parait anormal que la famille ne puisse agir pour l'honneur de ceux qui ne sont plus là pour se défendre. Outre l'intérêt des familles il est manifeste que de leur permettre d'ester contribuerait à une meilleure recherche de la vérité. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire part de ses intentions quant à une modification de la législation en ce domaine.

Réponse publiée le 27 juin 2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, si la protection de la vie privée découlant de l'article 9 du code civil présente un caractère personnel et ne peut être défendue que par les titulaires de ce droit, sans que celui-ci soit transmissible à leurs héritiers, les proches du défunt n'en sont pas pour autant privés des moyens juridiques pour défendre leur vie privée familiale ainsi que leur honneur. D'une part, dans l'hypothèse d'un décès récent, les atteintes portées à la vie privée du défunt peuvent également constituer pour ses proches soit une violation de leur droit au respect de leur propre vie privée, distincte de celle de leur auteur, soit une atteinte caractérisée à leurs sentiments d'affliction, s'analysant elle-même comme une atteinte à l'intimité de leur vie privée ou comme la création d'un préjudice qui leur est personnel. D'autre part, la jurisprudence admet que les héritiers sont recevables à défendre la mémoire du défunt contre les atteintes que lui porte une relation de faits erronés ou déformés, publiés de mauvaise foi ou encore avec une excessive légèreté. Par ailleurs, l'appréciation des atteintes imputées à la réalisation d'ouvrages à visée historique, portant sur des faits récents concernant une personne disparue, rend nécessaire la recherche au cas par cas par le juge d'un équilibre entre les intérêts fondamentaux en conflit que sont d'une part, la protection de la vie privée, et d'autre part, la liberté d'expression et de communication. C'est pourquoi la protection requise dans des situations de cette nature peut difficilement être assurée par une norme de portée générale relative aux droits spécifiques des héritiers du défunt. En définitive, la protection nuancée, assurée par la jurisprudence sur le double fondement de l'article 9 du code civil et de ses articles 1382 et suivants, paraît seule de nature à opérer la conciliation qui s'impose entre les deux droits fondamentaux en présence et conduit à considérer qu'il n'est pas opportun de modifier la législation en ce domaine.

Données clés

Auteur : M. Joël Giraud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 2 mai 2006
Réponse publiée le 27 juin 2006

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