allocations
Question de :
M. Dominique Tian
Bouches-du-Rhône (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Dominique Tian alerte M. le Premier ministre sur la multiplication d'affaires de fraude aux ASSEDIC. Une dépêche d'agence de presse du 25 avril dernier vient encore récemment de révéler qu'une information judiciaire a été ouverte fin mars par le parquet de Marseille sur un vaste réseau de fraude aux ASSEDIC mis en place depuis plusieurs années dans le sud-est de la France. Près de 2 000 faux chômeurs auraient ainsi été recensés, et le préjudice porterait sur quelque 30 millions d'euros. Révélée initialement dans la région de Valence, l'affaire a ensuite été transmise au pôle économique et financier du parquet de Marseille, qui a diligenté à son tour des investigations. Les sections de recherches de la gendarmerie de Marseille (Bouches-du-Rhône) et de Grenoble (Isère) ont été saisies de plusieurs commissions rogatoires. Ce type d'affaires ne cesse de se multiplier, et plusieurs enquêtes journalistiques, notamment un reportage de l'émission « Zone interdite » diffusée le 29 janvier 2006, s'en sont fait l'écho. Une rapide revue de presse montre ainsi qu'en mars 2005, trois personnes sont écrouées pour avoir mis en place un réseau de 600 faux chômeurs touchant plus de 900 euros d'indemnité mensuelle, dont le coût est estimé à 2 millions d'euros. En avril 2005, vingt-sept personnes, originaires d'Alsace et de Moselle, sont mises en examen pour « escroquerie en bande organisée » à l'encontre des ASSEDIC pour un montant de 500 000 euros. En août 2005 à Créteil, dix personnes sont arrêtées pour avoir soustrait 40 000 euros aux ASSEDIC en se présentant au guichet munis de faux bulletins de salaire. En décembre 2005, des contrôleurs des ASSEDIC démantèlent une filière similaire de 807 sociétés écrans à Paris et en Seine-Saint-Denis dirigées par vingt gérants. En février 2006, un vaste réseau de fraude aux indemnisations chômage a été démantelé, dont l'ampleur a été évaluée à plusieurs centaines de millions d'euros sur les deux ou trois dernières années. À l'origine de ce détournement figuraient 6 000 à 7 000 sociétés fantômes ayant permis l'émission de bulletins de paye fictifs, facilitant l'ouverture de droits aux indemnités de chômage. Cette liste n'est malheureusement pas exhaustive. Cette forte hausse d'escroqueries aux ASSEDIC s'explique par le fait que ces détournements ne nécessitent pas une forte logistique et qu'ils produisent des résultats rapides et substantiels. Le mécanisme utilisé passe par la déclaration de sociétés fictives, déclarations pour lesquelles les formalités administratives ont été allégées ces dernières années dans le but louable d'encourager l'initiative individuelle. Les faux entrepreneurs, le plus souvent dans des secteurs où la main-d'oeuvre est très mobile et difficile à contrôler (confection, restauration rapide, bâtiment...), se prémunissent ensuite contre d'éventuels contrôles en effectuant quelques démarches matérielles destinées à justifier l'existence de leur société, telle l'ouverture d'un compte bancaire. Après un délai d'environ six mois, les salariés imaginaires de la société fictive font valoir leurs droits aux prestations d'assurance chômage, en arguant du fait qu'ils ont été licenciés ou ne sont plus payés. En outre, ces escroqueries profitent le plus souvent à des réseaux mafieux. Á cet égard, l'article deL'Expansion du 1er novembre 2005 intitulé « Les caïds pointent aux ASSEDIC » est édifiant : « Un séminaire interne, au Novotel d'Évry, le 10 février 2005. Tout le gratin des ASSEDIC est là. Au programme, la lutte contre la fraude. Depuis deux heures, sur l'écran, les transparents s'enchaînent. Quand le consultant maison finit sa présentation, le silence s'installe. Lourd. Dans l'assistance, les visages sont défaits. Et les conclusions, implacables : lucrative, peu risquée sur le plan pénal, la chasse aux allocs est devenue un sport très prisé chez les escrocs. Fini les magouilleurs à la petite semaine. Les artisans ont laissé la place aux industriels de la fraude, organisés comme de véritables mafias. On parle d'une filière turque, d'un réseau pakistanais, on évoque la pègre parisienne. Souvent, ces bandes opèrent depuis l'étranger, observe le chef adjoint de la plate-forme d'identification des avoirs criminels. Pour elles, les services sociaux français sont des marchés juteux. » Une dépêche Reuters du 15 février 2006 confirme le fait que « la justice [est] débordée par les enquêtes visant des fraudes à l'assurance chômage, commises par des groupes organisés qui déclarent des sociétés fictives ». Face à ce phénomène, l'UNEDIC, dans un communiqué du 21 février 2006, a divulgué des données se voulant rassurantes : « Les cas de fraudes constatés s'élèvent à ce jour à 19 affaires concernant 6 400 personnes pour environ 80 millions d'euros. » À l'heure où le déficit cumulé de l'assurance chômage avoisine les 14 milliards d'euros, il n'est toutefois pas concevable que les gestionnaires du régime d'assurance chômage et les pouvoirs publics admettent plus longtemps que des prestations puissent être versées, sans que les cotisants et ayants droit aient la certitude qu'elles sont pleinement justifiées. Il est temps que l'assurance chômage s'inspire de l'effort salutaire de lutte contre les fraudes menée par l'assurance maladie, sans lequel la légitimité de l'actuel système d'indemnisation des demandeurs d'emploi risque d'être fortement affectée. Les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC sont notoirement insuffisants. La Cour des comptes, qui avait déjà alerté les pouvoirs publics sur ce point dans son rapport public de 1999, l'a encore très récemment rappelé dans son rapport de mars 2006 intitulé « L'évolution de l'assurance chômage : de l'indemnisation à l'aide au retour à l'emploi ». C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir lui indiquer si son gouvernement entend réagir dans les meilleurs délais face à cette situation de plus en plus préoccupante. - Question transmise à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Réponse publiée le 21 novembre 2006
Le comportement frauduleux est susceptible d'être réprimé, devant le juge judiciaire, sur la base de l'article L. 365-1 du code du travail qui institue un délit spécifique de « fraude ou de fausse déclaration » aux régimes d'indemnisation des salariés privés d'emploi. Cet article permet au juge répressif de sanctionner aussi bien celui qui a effectivement obtenu le versement indu d'allocations par fraude ou fausse déclaration, que ce soit pour son propre compte ou pour le compte d'un tiers, que celui qui a tenté, sans y parvenir en pratique, d'obtenir un tel versement, que ce soit pour son propre compte ou le compte d'un tiers. Il permet également de réprimer l'infraction commise mais aussi d'ordonner la restitution des sommes indûment perçues. En outre, le juge peut faire application de l'article 313-1 du code pénal, qui sanctionne le délit général d' « escroquerie », et l'article 313-3, alinéa 1er, qui réprime la « tentative » d'escroquerie. L'acte de poursuite peut viser plusieurs incriminations possibles mais le juge répressif opte nécessairement pour l'une d'entre elles, une personne ne pouvant être sanctionnée deux fois pour les mêmes faits. En signant l'attestation destinée à l'ASSEDIC, l'employeur certifie que les renseignements indiqués sont exacts, notamment le motif de la rupture. L'employeur, par sa signature, est donc responsable du contenu de l'attestation et engage sa responsabilité sauf à invoquer l'erreur matérielle ou le dol. L'employeur peut également saisir les services compétents de l'assurance chômage en vue de faire contrôler les conditions d'attribution de l'allocation d'assurance chômage. Afin de permettre la mise en oeuvre de ce dispositif complet de répression des comportements frauduleux, des efforts ont été menés par les différents acteurs concernés. Le Gouvernement a pris des dispositions afin de faciliter la lutte contre la fraude par le régime d'assurance chômage. D'une part, le décret du 7 mai 2004 modifiant l'article R. 351-3 du code du travail permet désormais au régime d'assurance chômage de recevoir des employeurs des informations nominatives relatives aux périodes d'activité de leurs salariés, ce qui permet le croisement de ces données avec celles fournies par le demandeur d'emploi au moment de son ouverture de droits à l'assurance chômage. D'autre part, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 renforce les échanges et la coopération entre les organismes de sécurité sociale et d'autres organismes ou administrations. Elle prévoit notamment la communication entre les organismes de sécurité sociale et les organismes d'assurance chômage des renseignements qu'ils détiennent lorsque ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation des droits. Surtout, elle prévoit également une transmission d'information aux organismes d'assurance chômage lorsqu'un contrôle a permis de mettre en évidence une fraude. Enfin, le régime d'assurance chômage a également pris des dispositions. Il s'agit notamment de la centralisation des dossiers : une banque nationale des individus a été mise en place. Ce système qui relie les ASSEDIC entre elles permet désormais de repérer les doubles inscriptions dans des ASSEDIC de différentes régions.
Auteur : M. Dominique Tian
Type de question : Question écrite
Rubrique : Chômage : indemnisation
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Dates :
Question publiée le 9 mai 2006
Réponse publiée le 21 novembre 2006