Question écrite n° 96034 :
énergies renouvelables

12e Législature

Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les accords de Kyoto. Plusieurs détracteurs du protocole de Kyoto ont argué du ralentissement économique qui en découlerait pour ne pas l'appliquer. Pourtant, les simulations économiques menées par l'Innovation Modelling Comparison Project (IMCP), un programme international de recherche, laissent à penser qu'un effort mondial coordonné pour diversifier les sources d'énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre n'entraînerait pas forcément un ralentissement économique global. Durant deux ans, les chercheurs se sont attachés à modéliser les conséquences économiques à long terme du changement climatique en intégrant des paramètres complexes, tels que les politiques énergétiques mises en oeuvre par les gouvernements, les investissements dans la recherche, les programme de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) ainsi que les progrès techniques qu'ils peuvent engendrer. Ainsi, sur les onze modèles présentés par l'IMCP dans la revue The Energy Journal, neuf prédisent qu'une stabilisation du taux de CO2 à 450 ppm (parties par millions) en 2100 n'entraînerait pas plus de 0,5 % de réduction de l'activité économique mondiale. Dans ces scénarios, l'obligation de limiter les émissions de CO2 force le secteur privé à investir dans les énergies non polluantes, ce qui finit par rendre ces dernières compétitives avec les sources d'énergie classiques. Certains modèles prévoient même que des investissements industriels massifs et les découvertes de nouvelles technologies pourraient engendrer un gain de croissance de 1,7 % sur cent ans. En conséquence, il la prie de bien vouloir lui donner son sentiment en la matière, et de lui préciser si la France entend encourager le secteur privé à investir dans les énergies non polluantes, et, le cas échéant, de quelle manière.

Réponse publiée le 31 octobre 2006

La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative aux conséquences des politiques de lutte contre le changement climatique sur la croissance économique. Il est parfois reproché aux politiques de protection de l'environnement de constituer un obstacle à la croissance en détournant une partie des ressources de leur utilisation productive. Cette critique repose cependant sur une notion purement quantitative de la croissance et ignore les dommages causés par la dégradation de l'environnement. S'ils sont difficiles à quantifier, ces dommages n'en représentent pas moins des coûts réels pour la collectivité. Il est légitime que les choix de politique publique s'effectuent en mettant dans la balance, en face d'éventuelles pertes de croissance du produit intérieur brut (PIB), les bénéfices tirés de la préservation de l'environnement pour les générations présentes et futures. C'est le sens du concept de développement durable. De plus, il n'est pas prouvé que la mise en oeuvre de politiques environnementales ambitieuses entraîne une détérioration de la croissance, comme l'illustrent les articles cités dans cette question dans le domaine du changement climatique. De nombreux économistes ont mis en avant le rôle de l'innovation induite par les politiques environnementales comme facteur d'atténuation de leurs conséquences sur le niveau de production. Certains soutiennent même l'hypothèse (souvent associée au nom de l'économiste américain Michael Porter) d'une situation « gagnant-gagnant » où une préservation accrue de l'environnement entraînerait davantage de croissance. Les conclusions des articles cités, qui dans leur grande majorité prévoient au pire une perte de croissance marginale au niveau mondial, ne sont donc pas étonnantes. Elles nous invitent à accroître les incitations économiques visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Ces incitations peuvent prendre la forme de marchés de permis, comme celui qui s'applique à l'industrie européenne depuis l'année dernière, de taxés, comme la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) dans le secteur des transports ou de mesures fiscales positives, comme le crédit d'impôt pour les particuliers dans l'habitat. La loi de finances initiale pour 2006 a relevé les taux de ce crédit d'impôt pour les équipements de production d'énergie renouvelable et certains équipements visant à améliorer l'efficacité énergétique des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans. De tels outils incitent les entreprises et les particuliers à la fois à consommer moins d'énergie et à davantage recourir aux énergies renouvelables. Ils suscitent aussi l'émergence et la diffusion d'« éco-technologies ». On peut raisonnablement parier qu'à terme, tous les pays seront contraints de s'engager sur une telle voie de limitation de leurs émissions. Il est donc dans l'intérêt même de la France et de l'Union européenne de développer dès à présent une politique exemplaire en la matière pour bénéficier ensuite d'un avantage souvent décisif dans la compétition internationale. Dans cette perspective, soutenir le développement des énergies renouvelables et des éco-technologies vient en complément des mesures d'incitation à la réduction d'émissions qui créent la demande pour de tels biens. À cet égard, l'Union européenne s'est dotée d'un plan d'action en faveur des éco-technologies (ETAP), dont la feuille de route française pour 2006 a été transmise à la commission. Elle repose principalement sur le renforcement de l'effort et des capacités de recherche et d'innovation, la structuration du partenariat public - privé, la sensibilisation des acteurs et l'amélioration des conditions d'accès au marché pour les éco-technologies innovantes. Le Premier ministre a aussi annoncé plusieurs mesures visant à favoriser l'offre d'énergies renouvelables dans sa déclaration sur la politique énergétique le 15 mai 2006 : une augmentation très sensible des tarifs de rachat de l'énergie solaire et de l'électricité issue du biogaz ; un plan biocarburants visant à porter leur incorporation à 10 % du volume de carburants d'ici à 2015. Ces efforts doivent être poursuivis car ils nous conduisent à un développement durable, où croissance économique et préservation de l'environnement vont de pair et sont les garants d'une cohésion et d'un développement social.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : écologie

Ministère répondant : écologie

Dates :
Question publiée le 6 juin 2006
Réponse publiée le 31 octobre 2006

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