avocats
Question de :
Mme Patricia Adam
Finistère (2e circonscription) - Socialiste
Mme Patricia Adam attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les oppositions manifestées au sein de la profession d'avocat au projet d'intégration des juristes d'entreprise à cette profession. Plusieurs barreaux ainsi que par la plupart des organisations syndicales représentatives de la profession d'avocat ont à ce jour exprimé leur opposition à ce projet. Les arguments développés au sein de la profession d'avocat en faveur du rejet de ce projet tiennent tout d'abord aux conditions d'accès à cette profession qui demeure subordonnée à la réussite à un examen ou à une procédure de validation d'acquis. Elles se rapportent également aux obligations déontologiques ou professionnelles s'imposant aux avocats telles l'indépendance, le secret professionnel, la confidentialité, la soumission au pouvoir disciplinaire des ordres et des bâtonniers, les modalités de représentation des clients ou d'assistance en justice, etc. En effet, celles-ci risqueraient de s'avérer incompatibles avec l'exercice d'une activité de juriste d'entreprise non libérale et impliquant, dès lors, un lien de subordination du salarié à l'employeur. En outre, le nombre réel des juristes d'entreprise demeurant insuffisamment déterminé en France comme en Europe, une telle intégration pourrait rendre plus difficile l'organisation de la profession à plusieurs titres. Enfin, la grande diversité des domaines d'exercice de la profession d'avocat dans sa forme actuelle tranche avec la concentration des juristes d'entreprise dans certains domaines particuliers du droit tels le droit des affaires, le droit boursier ou le droit fiscal, une donnée risquant d'entraîner un certain déséquilibre au sein de la profession au détriment des branches les moins représentées. Ces arguments reflètent donc dans leur ensemble différents motifs d'opposition d'une partie de la profession au projet d'intégration des juristes d'entreprise à la profession d'avocat. Aussi, face à ce scepticisme manifestant une réelle opposition à ce projet, elle lui demande quelle attitude il envisage d'adopter aux fins d'entériner, d'aménager ou d'abandonner ce projet.
Réponse publiée le 18 juillet 2006
Le garde des sceaux, ministre de la justice, confirme à l'honorable parlementaire que le rapport remis le 27 janvier dernier par le groupe de travail relatif au rapprochement des professions d'avocat et de juriste d'entreprise propose la création d'un nouveau mode d'exercice de la profession d'avocat : « avocat en entreprise ». Une telle réforme n'entraînerait pas de modifications profondes des conditions d'accès à la profession. Elle permettrait d'offrir un débouché professionnel à de jeunes titulaires du CAPA qui pourraient exercer leur profession en entreprise sans avoir, comme actuellement, à demander leur omission du tableau. Elle encouragerait une plus grande fluidité des carrières, qui pourraient se développer successivement en entreprise puis en cabinet, et contribuerait à renforcer une profession actuellement encore trop orientée vers une activité purement judiciaire. Il convient de souligner que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, l'avocat salarié est un professionnel libéral dont l'indépendance est reconnue et garantie par des dispositions législatives et réglementaires (cf. notamment les articles 136 à 153 du décret n° 91-1127 du 27 novembre 1991). Le groupe de travail a estimé que l'exemple de professions médicales (médecins, pharmaciens) démontrait la compatibilité de l'indépendance technique avec la subordination juridique qui découle du salariat, à condition que les relations contractuelles soient soumises au contrôle de l'autorité ordinale. C'est ainsi que le contrat de travail de l'avocat exerçant en entreprise serait régi par le code du travail, sauf dérogations expresses, prévues par la loi ou le règlement, justifiées par le respect de l'indépendance technique et de la déontologie professionnelle. Les clauses susceptibles de porter atteinte à l'indépendance que comporte le serment de l'avocat seraient prohibées. En revanche, la clause de conscience, permettant à l'avocat salarié d'une entreprise de demander à son employeur d'être déchargé d'une affaire qu'il estimerait contraire à sa conscience, serait obligatoire. L'avocat exerçant en entreprise serait donc soumis à une double autorité : s'agissant de la relation de travail, il relèverait du pouvoir hiérarchique du chef d'entreprise ; au plan professionnel, déontologique et disciplinaire, il relèverait du bâtonnier et du conseil de l'ordre compétents. Il respecterait les mêmes règles ou principes déontologiques que ses confrères ayant une activité purement libérale. C'est ainsi notamment qu'il serait, comme ses confrères, soumis aux règles du secret professionnel et de la confidentialité des correspondances entre avocats prévues par la loi du 31 décembre 1971. Les manquements aux principes essentiels et les contraventions aux règles professionnelles seraient susceptibles d'entraîner des poursuites disciplinaires. I1 serait jugé devant le conseil de discipline des avocats de la cour d'appel selon la même procédure que ses confrères ayant choisi un autre mode d'exercice. Les mêmes peines disciplinaires seraient encourues. Les débats auxquels le groupe de travail a procédé démontrent qu'il n'existe pas d'obstacle dirimant à une réforme. Le rapport remis le 27 janvier dernier suscite des réactions nombreuses et diverses, qui montrent l'intérêt et l'actualité du sujet. La publication de ce document a ouvert une nouvelle phase de dialogue et de concertation qui doit se dérouler, au cours de l'année 2006, sous l'égide de la chancellerie et qui porte notamment sur les critères d'intégration des actuels juristes d'entreprise ou encore sur le statut social et le régime de retraite de l'« avocat exerçant en entreprise ». Pour aboutir, le rapprochement doit être perçu comme avantageux pour les deux communautés professionnelles. Encore une fois, il n'y aura pas de réforme ni de rapprochement sans adhésion des professionnels du droit de ce pays à un projet clair et consensuel.
Auteur : Mme Patricia Adam
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 6 juin 2006
Réponse publiée le 18 juillet 2006