maintien
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie sur le problème des réseaux de prostitution venant d'Afrique, et notamment du Nigeria vers l'Europe, et plus particulièrement vers l'Italie et la France. En effet, différentes enquêtes journalistiques ont révélé l'existence de véritables filières de départs de jeunes filles africaines et plus particulièrement nigérianes, appâtées par de fallacieuses offres d'emploi, vers des passeurs italiens, voire français. Ces jeunes femmes trompées à leur arrivée en Europe se retrouvent alors en prise à des souteneurs, fréquemment leurs propres compatriotes, qui les obligent à se prostituer souvent dans des conditions dégradantes. Ces réseaux sont connus en Afrique et plus particulièrement dans des pays comme le Nigeria, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, où existent des communautés chrétiennes importantes. Ces réseaux ne semblent pas susciter de réactions ou d'actions groupées de la part des pays européens. Il lui demande ce qu'elle compte entreprendre, avec son collègue chargé de l'intérieur, pour endiguer et combattre cette situation.
Réponse publiée le 10 octobre 2006
I. - La menace en France : dans la majorité des cas, les victimes de la traite des êtres humains sont d'origine étrangère (72 % en 2005) avec, selon les villes, une prédominance des pays d'Europe de l'Est et des Balkans (Roumanie, Moldavie, Bulgarie, Ukraine, Albanie) et d'Afrique noire (Cameroun, Sierra Leone, Nigeria). Les chiffres 2003-2004 : en 2003, 900 victimes de proxénétisme ont été identifiées dans les procédures de police et de gendarmerie (194 Françaises, 706 étrangères). En 2004, elles étaient 999 victimes identifiées par ces mêmes services (253 Françaises, 746 étrangères). Les cinq premiers pays sources en France pour les victimes de la traite sont, dans l'ordre : la Roumanie, la Bulgarie, le Nigeria/la Sierra Leone, le Cameroun, l'Albanie. Les tendances en 2005 : le rapport de la direction centrale de la police judiciaire pour l'année 2005, publié récemment, montre que l'activité des réseaux de proxénétisme en provenance des pays de l'Est et des Balkans ne s'est pas réduite de même que l'implantation, sur notre territoire, de filières africaines. Ainsi, 557 procédures pour proxénétisme ont été rédigées (548 en 2004) mettant en cause 1 053 personnes. Parmi elles, 515 sont étrangères soit 48,91 % de l'ensemble. Toutefois, parmi la quarantaine de réseaux démantelés en 2005, la majorité ne trouve pas ses racines en Afrique mais en Europe de l'Est. Parmi eux, on trouve en effet 13 Bulgares, 6 Roumains et seulement 7 Nigerians. En outre, depuis l'application de la nouvelle incrimination de racolage, on constate une évolution géographique de la prostitution, avec un essaimage de celle-ci sur l'ensemble du territoire, une plus grande mobilité des prostituées et un changement dans leur façon d'exercer leur activité. Ainsi, la prostitution de voie publique s'exerce de plus en plus dans les zones suburbaines. Ces évolutions expliquent, en partie, l'impression d'un accroissement du phénomène. En outre, la prostitution s'organise de façon massive, en utilisant le réseau internet (7 réseaux démantelés en 2005), moyen usité également par les filières africaines. II. - La politique française en matière de lutte contre la traite des êtres humains : la France est très active dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains. a) Au niveau international : elle a signé et ratifié la Convention des Nations unies contre le crime organisé transnational ainsi que le Protocole additionnel visant à prévenir, supprimer et punir la traite des êtres humains. La France est également très active dans les différentes enceintes diplomatiques traitant de la lutte contre la traite des êtres humains. La France s'est étroitement associée aux travaux du Conseil de l'Europe sur la convention contre la traite des êtres humains, ouverte à la signature des États membres lors du sommet des chefs d'État et de Gouvernement qui s'est tenu à Varsovie les 16 et 17 mai 2005. Elle s'est également impliquée récemment dans la rédaction du plan d'action de l'Union européenne contre la traite des êtres humains. Sur le continent africain, la France est également très active. Elle a cofinancé l'année dernière, la table ronde d'Abuja, destinée à lutter contre la criminalité organisée en Afrique. Elle suit les travaux de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC) sur le sujet de la traite des êtres humains. Elle était notamment présente à Libreville à la réunion des experts sur ce sujet, du 9 au 11 mai dernier et a participé les 6 et 7 juillet dernier à la conférence d'Abuja où a été présenté le plan d'action conjoint CEDEAO/CEEAC destiné à lutter contre ce phénomène. En outre, la France soutient financièrement plusieurs programmes de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur ce sujet. Actuellement, elle cofinance à hauteur de 275 000 euros, le programme RAF/R 92 de l'ONUDC visant à combattre la traite des humains au Bénin, Burkina Faso, Ghana, Niger, Nigeria et Togo. Enfin, la majorité de nos postes diplomatiques déployés en Afrique dispose d'un attaché de sécurité intérieure qui veille, au travers d'actions de coopération institutionnelles et techniques, à la standardisation des méthodes de lutte contre la traite des êtres humains. Son action vise également à faciliter le déroulement d'enquêtes judiciaires sur les trafics pouvant lier le pays de résidence à la France. b) Au plan national : au niveau national, la lutte contre la traite des êtres humains fait l'objet d'une véritable stratégie d'ensemble. Transposés en droit interne après l'adhésion de la France aux principaux textes internationaux luttant contre ce fléau, les instruments juridiques qui permettent de poursuivre les infractions liées à ce type de trafic ont été adoptés. Citons, entre autres dispositions du code pénal, celles relatives à la traite des êtres humains (articles 225-4-1 et suivants), au proxénétisme et aux infractions qui en résultent (articles 225-5 et suivants), au recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables (articles 225-12-1 et suivants) et au trafic d'éléments et de produits du corps humain, de foetus, d'embryons et de cellules embryonnaires (articles 511-2 à 511-25). D'autre part, il existe en France un comité de coordination interministérielle qui réunit les ministères concernés (intérieur, défense, justice, affaires étrangères, éducation nationale, affaires sociales, transport, santé, ville) sous la présidence du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle et ce qui concerne la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle. Le 25 novembre 2002, ce comité a élaboré un programme de lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle des êtres humains. Par ailleurs, le ministère de l'intérieur, à travers l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) et l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST), suit les directives du Gouvernement français et l'action de la police et de la gendarmerie nationales s'inscrit dans les priorités du gouvernement. Sur le plan opérationnel, l'OCRTEH centralise tous les renseignements pouvant faciliter la recherche et la répression de ces trafics sur l'ensemble du territoire en contact étroit avec les services de police et de gendarmerie.
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : coopération, développement et francophonie
Ministère répondant : coopération, développement et francophonie
Dates :
Question publiée le 13 juin 2006
Réponse publiée le 10 octobre 2006