Question écrite n° 98486 :
questions écrites

12e Législature

Question de : Mme Martine Lignières-Cassou
Pyrénées-Atlantiques (1re circonscription) - Socialiste

Mme Martine Lignières-Cassou appelle à nouveau M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le problème de la rétention administrative des parents étrangers de jeunes enfants, n'ayant pas obtenu de réponse à sa question n° 49654. Deux époux de nationalités indienne et mauricienne ont fait récemment l'objet dans les Pyrénées-Atlantiques d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'un placement en centre de rétention administrative. Or ils sont les parents d'un enfant de quatre mois, né sur le territoire français, que la mère allaite toujours. Le préfet n'a pas tenu compte de cet élément ; il a tout de même maintenu la mère dans un centre de rétention et placé l'enfant auprès d'une assistante maternelle. Le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bayonne a pourtant finalement rejeté la demande de maintien en détention émise par le préfet au motif qu'elle correspond à un traitement inhumain incompatible avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, et en ce que cette décision méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale compte tenu des relations affectives liant une mère et son enfant dans les premiers mois de sa vie. Quelle que soit la nationalité des parents ou l'infraction commise, un enfant n'a pas à subir un tel préjudice. L'acharnement de la préfecture à maintenir les parents en rétention alors que la loi n'en fait nullement une obligation est pour le moins surprenante et choquante. En conséquence, elle l'alerte sur le caractère inacceptable de ce type de comportement et elle lui demande de prendre les mesures qui s'imposent afin que de telles pratiques ne se reproduisent plus.

Réponse publiée le 5 septembre 2006

L'honorable parlementaire attire l'attention du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur le placement en rétention administrative des parents étrangers de jeunes enfants. Les articles L. 511-4 et L. 521-4 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile protègent les mineurs contre les décisions d'expulsion susceptibles d'être prononcées, à leur encontre, à titre personnel. Toutefois, s'agissant des mineurs accompagnés, leur éloignement peut intervenir dans le même temps que celui de leur(s) parent(s) sans qu'il soit besoin de prendre de mesure à leur encontre. En effet, la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990, prévoit en son article 9 que « les États veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré », ce qui est interprété comme signifiant que les enfants ont vocation à rester avec leurs parents, y compris lorsque ceux-ci font l'objet d'une mesure d'éloignement, et qu'ils ne doivent être séparés que si les parents le souhaitent expressément ou qu'il y va de leur intérêt (décision de justice). Il est donc de règle que les enfants mineurs accompagnent leurs parents lorsque ceux-ci font l'objet d'une mesure d'éloignement. C'est aussi ce que retient la jurisprudence du Conseil d'État (YESIL, du 29 juin 1992, et AMDOUNI, du 28 juillet 1995), qui estime qu'il n'y a pas d'atteinte à la vie familiale lorsque rien ne s'oppose à ce que les parents emmènent leurs enfants. Le juge judiciaire considère pour sa part qu'il peut être dérogé à l'interdiction de reconduire des mineurs dans le cas où des mesures d'éloignement sont prises à l'encontre de leur mère, en vertu du principe de valeur constitutionnelle du droit à mener une vie familiale normale (cour d'Appel de Lyon, 4 juillet 1996, DIALLO). L'accompagnement, par leurs enfants, des parents qui font l'objet d'une procédure d'éloignement du territoire français, implique que, lors d'un placement en rétention des parents, les enfants suivent ces derniers, dans la mesure où le centre de rétention dispose d'une zone distincte de celle des autres retenus, aménagée spécialement pour recevoir des femmes et des enfants ou des familles (dispositif prévu par le décret n° 2005-617 du 30 mai 2005), présentant des garanties d'hygiène et de sécurité acceptables ainsi que du matériel de puériculture adapté. Dans le cas contraire, la famille est hébergée dans une chambre d'hôtel louée à cet effet et surveillée par les services de police. Si aucune des deux solutions n'est sérieusement envisageable, le procureur de la République est saisi. Dans l'affaire citée par l'honorable parlementaire, le procureur de la République avait placé l'enfant dans une famille d'accueil, tandis que la mère bénéficiait de conditions de rétention aménagées lui permettant de se rendre régulièrement auprès de son enfant, qui n'a de ce fait subit aucun préjudice. Il ne peut donc être question « d'acharnement » de la préfecture mais de la volonté légitime de l'administration d'appliquer strictement la loi sur le séjour des étrangers, sans atteinte excessive à la vie privée et familiale de ceux-ci et sans les exposer à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est dans cet esprit que l'administration procède et continuera de procéder à la reconduite à la frontière des familles d'étrangers en situation irrégulière.

Données clés

Auteur : Mme Martine Lignières-Cassou

Type de question : Question écrite

Rubrique : Parlement

Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire

Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire

Dates :
Question publiée le 27 juin 2006
Réponse publiée le 5 septembre 2006

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