lutte contre l'exclusion
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Éric Raoult attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réglementation de la prostitution dans certains pays européens. En effet, les Allemands, les Belges, les Néerlandais ont décidé depuis plusieurs années de légaliser et de réglementer la prostitution. À l'occasion de la Coupe du monde de football, l'actualité s'est portée sur ce dossier, du fait notamment de l'afflux de nombreuses prostituées de l'Est aux abords des sites sportifs du Mondial. Cette question de l'éventuelle ouverture de « maisons » ou « eros centers » s'est posée, car elle permettrait d'éviter la progression des maladies sexuellement transmissibles. Ainsi, les prostituées seraient recensées, contrôlées, soumises à l'impôt, ce qui permettrait d'endiguer les réseaux mafieux des filles de l'Est, qui augmentent dans l'Union européenne. Il lui demande donc de lui préciser sa position sur ce dossier.
Réponse publiée le 16 janvier 2007
Le garde des sceaux rappelle à l'honorable parlementaire que, traditionnellement et à l'inverse des États cités, qui ont adopté une démarche dite réglementariste, la France s'inscrit dans une optique abolitionniste en ce qui concerne la prostitution. Ce terme « abolitionniste » désigne la volonté d'abroger toute règle susceptible de légaliser la prostitution et de la reconnaître comme une activité parmi d'autres. Si la prostitution volontaire est admise en droit français, il n'en reste pas moins que certaines de ses manifestations sont réprimées. Ainsi, le racolage (à savoir toute attitude, y compris passive, qui consiste à proposer des relations sexuelles rémunérées) est sanctionné à l'article 225-10-1 du code pénal par une peine maximale de deux mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende. Par ailleurs, les personnes qui tirent avantage de la prostitution selon diverses modalités (art. 225-5 du code pénal) sont passibles des peines prévues pour les faits de proxénétisme, qui vont de sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende à la réclusion criminelle à perpétuité et 4 500 000 euros d'amende. Le législateur a entendu fermement réprimer ceux qui favorisent ou profitent de la prostitution. C'est d'ailleurs à ce titre que les textes punissent la tenue d'établissements de prostitution depuis leur interdiction sur l'ensemble du territoire par la loi du 13 avril 1946. L'article 225-10, alinéa 1, du code pénal, qui contient les dispositions interdisant la constitution ou la reconstitution de ces établissements, prévoit une peine de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende. Enfin, il convient de rappeler que la traite des êtres humains est aussi sévèrement réprimée dans notre droit pénal. Ainsi, le fait de faire venir des personnes pour les soumettre à la prostitution est sanctionné par des peines de sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende à la réclusion criminelle à perpétuité et 4 500 000 euros d'amende. La forte mobilisation de l'ensemble des services de police et de gendarmerie en matière de lutte contre les réseaux de proxénétisme a conduit à une hausse des faits constatés en 2005 : selon les statistiques de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), 880 personnes ont en effet été mises en cause l'an dernier contre 717 en 2004, 709 en 2003 et 643 en 2002. Quarante et une filières internationales, liées à la criminalité organisée, ont également été démantelées à la suite d'enquêtes difficiles. Six autres réseaux, déjà démasqués en 2004, ont pour leur part été définitivement défaits en 2005 à la suite d'investigations et d'interpellations supplémentaires. Une forte représentation des réseaux est-européens est observée en France puisque vingt-sept de ces filières avaient leur origine en Europe de l'Est et dans les Balkans, dont quatorze en Bulgarie et sept en Roumanie. Par ailleurs, huit autres filières avaient leur source en Afrique, dont sept au Nigeria, et deux au Brésil. Au total, 30 % des personnes mises en cause pour des faits de proxénétisme et 36 % des femmes prostituées étrangères provenaient de ce secteur géographique européen. L'ensemble des services de police et unités de gendarmerie est mobilisé pour mener des opérations ciblées dont la coordination relève de l'OCRTEH. Cet office apporte en tant que de besoin son expertise et assure une mission opérationnelle plus particulièrement dirigée contre les réseaux les plus organisés. Il a mis en place un « bureau liaison » qui se réunit périodiquement afin d'assurer au mieux le pilotage des actions nationales de lutte contre les réseaux de proxénétisme. Les opérations police-gendarmerie, menées sur l'ensemble du territoire en mars, juin et octobre 2005 ont permis, lors de 157 interventions, d'interpeller 493 personnes suspectées de participer à l'exploitation de la prostitution, dont 153 ont été écrouées, 68 placées sous contrôle judiciaire et 49 ont fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière. Près de 215 000 euros ont également été saisis ainsi qu'un immeuble, douze véhicules, de nombreux faux documents administratifs et plusieurs armes. La mobilisation des pouvoirs publics s'exprime encore dans le volet de la coopération internationale. La signature d'accords de coopération bilatérale avec certains pays sources (Roumanie en 2002 et Bulgarie en 2003) puis les opérations engagées à leur suite contribuent à tarir les filières de prostitution originaires de ces pays et à faciliter les investigations sur les réseaux qui y sont installés. De manière générale, il n'est pas envisagé de légaliser la tenue d'établissements de prostitution, qui sont interdits dans notre pays depuis soixante ans.
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 11 juillet 2006
Réponse publiée le 16 janvier 2007