droit du travail
Question de :
M. Henri Emmanuelli
Landes (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 22 janvier 2004
POLITIQUE DE L'EMPLOI
M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, je voudrais d'abord saluer ici celles et ceux qui défendent aujourd'hui le droit de grève, garanti par notre Constitution et vecteur fondamental du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela dit, ma question s'adresse à M. le Premier ministre qui, depuis quelque temps, fait silence, comme d'autres font pénitence. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, vous dirigez un étrange gouvernement, un gouvernement qui proclame avec arrogance son savoir-faire économique alors que le taux de croissance de 0,1 % en 2003 est inférieur à la moyenne européenne. Au cours de la législature précédente, ne vous en déplaise, c'était l'inverse !
M. Bernard Accoyer. Quel sectaire !
M. Henri Emmanuelli. Et tout cela parce que, pour des raisons strictement politiques, vous avez choisi de privilégier l'épargne au détriment de la consommation, par le biais d'une politique fiscale aussi injuste qu'inefficace.
M. Jean Auclair. Conservateur !
M. Henri Emmanuelli. Un gouvernement qui glorifie ses résultats en matière de sécurité alors que les agressions contre les personnes ont progressé de 7 %.
M. Bernard Carayon. Menteur !
M. Jean Auclair. Et ringard !
M. Henri Emmanuelli. Peut-on faire comme si la sécurité des biens était comparable à celle des personnes ?
Un gouvernement qui, en matière d'emploi, affiche 200 000 chômeurs de plus, monsieur le ministre des affaires sociales, avec une augmentation du taux de chômage de 8,5 % chez les jeunes, lequel s'établit désormais dans cette catégorie à 20 %.
Vous avez supprimé 200 000 emplois-jeunes...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Heureusement !
M. Henri Emmanuelli. ... pour mettre en place des contrats jeunes en entreprise, dont seulement deux titulaires sur dix sont recrutés parmi les chômeurs. Et vous ne comptabilisez que 25 000 CIVIS, dispositif dont vous attendiez pourtant beaucoup, à croire que la montagne a accouché d'une souris.
M. Jean Auclair. Attardé !
M. Henri Emmanuelli. Un gouvernement qui prétend réhabiliter le travail mais qui démantèle jour après jour le code du travail pour fluidifier, c'est-à-dire précariser, le marché de l'emploi.
Un gouvernement qui réduit de manière importante la fiscalité sur les plus-values et qui augmente le prix de l'essence pour ceux qui se rendent à leur travail en voiture.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. Henri Emmanuelli. Un gouvernement qui n'a pas de politique industrielle face à la multiplication des plans sociaux.
Etrange gouvernement dont les ministres, séance après séance, semblent considérer que, à défaut de résultats, agresser l'opposition suffira comme l'ont encore fait hier M. Sarkozy et M. Fillon. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Emmanuelli !
M. Henri Emmanuelli. Ma question est la suivante : allez-vous écouter, monsieur le Premier ministre, l'ensemble des syndicats (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
Monsieur le président, les vociférations de la majorité sont une épreuve !
M. le président. Mais vous y êtes habitué !
M. Henri Emmanuelli. Non, monsieur le président, je suis habitué à la démocratie et au respect des principes républicains ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne suis pas habitué à cela et je ne m'y habituerai jamais ! Ce n'est pas parce que vous avez la majorité que vous devez nier l'opposition ! (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. le président. Laissez M. Emmanuelli poser sa question !
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le Premier ministre, allez-vous écouter l'ensemble des syndicats...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
M. Henri Emmanuelli. Je remercie les députés de la majorité pour cette réponse !
Allez-vous donc écouter les syndicats opposés à une nouvelle aggravation de la précarisation du travail que constituerait la mise en place du contrat de mission ou bien allez-vous céder aux exigences du MEDEF ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans cette dernière hypothèse, que votre ministre des affaires sociales ait la décence de laisser reposer en paix le gaullisme social qui, comme chacun le sait, ne se faisait pas, lui, à la corbeille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Emmanuelli, tout le monde ici défend le droit de grève. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Augustin Bonrepaux. Menteur !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et la meilleure façon de le défendre, c'est de faire en sorte qu'il ne soit pas impopulaire aux yeux de la majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
S'agissant maintenant de la politique que nous conduisons, vous ne pouvez pas vous exonérer de vos responsabilités. Vous ne pouvez pas nier que vous n'avez pas préparé notre pays à affronter les conditions du monde d'aujourd'hui. Et ce d'autant moins que tous les gouvernements européens, en particulier ceux qui sont proches de vous - enfin peut-être pas de vous, monsieur Emmanuelli, mais du parti socialiste dans son ensemble (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, pratiquent des politiques qui sont exactement similaires à la nôtre et qui visent à redonner à notre pays les bases d'une croissance durable...
M. François Hollande. Mais où est la croissance ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et en particulier d'une croissance riche en emplois.
S'il a fallu dix-huit mois pour modifier les équilibres et corriger une partie - et une partie seulement - des effets négatifs de la politique que vous avez conduite, ce n'est pas là un délai insupportable, compte tenu de la durée pendant laquelle vous avez gouverné notre pays.
Mais vous me posez une question précise sur le code du travail, monsieur Emmanuelli, et je vais vous répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Le contrat de mission, dont vous avez essayé de faire le symbole d'une attaque contre le contrat à durée indéterminée, n'a rien à voir avec la description que vous en avez fait.
M. Philippe Briand. Rien !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce contrat s'adresse à des cadres très qualifiés (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), pour des projets précis qui seraient soumis à l'accord majoritaire des organisations syndicales, dans le cadre d'un accord de branche. L'un des objectifs de ceux qui préconisent sa création - le Gouvernement, pour le moment, n'a rien décidé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais il étudie cette formule parmi d'autres possibilités - est justement de lutter contre la précarisation qui se développe, et vos dénégations n'y changeront rien : jamais, dans notre pays, on n'a autant recouru aux CDD et à l'intérim que ces dernières années. Et, sur ce plan, nous faisons beaucoup moins bien que les autres pays européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous allons discuter de l'ensemble de ces questions, à partir de la semaine prochaine, avec les partenaires sociaux. Nous mettrons en place avec eux des groupes de travail et nous vous proposerons, dans les prochaines semaines, un texte visant à sécuriser les parcours professionnels...
M. François Hollande. Quand ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et non à accroître la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Henri Emmanuelli
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2004