Question au Gouvernement n° 1119 :
DOM : transports aériens

12e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2004

DESSERTE AÉRIENNE DES ANTILLES

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Air France et Corsair pratiquent l'entente et l'abus de position dominante pour la desserte des Antilles. Ces deux compagnies alignent leurs prix à toute période de l'année. Et cela pour un motif qui n'est pas économique puisqu'elles n'ont pas le même point mort. Corsair atteint la rentabilité à partir de 300 euros par personne aller-retour contre 450 euros pour Air France.
Or pendant les périodes de congés, les vols en classe économique sont vendus 1 200 à 1 500 euros alors que, pour ces mêmes vols, un billet assorti d'une réservation d'hôtel ne coûte que 500 euros. La compagnie Nouvelles Frontières propose 585 euros pour aller à New York et 1 205 euros aux Antilles alors que les distances sont analogues.
Pourtant, les appareils qu'Air France affrète pour les Antilles sont amortis depuis plus de vingt ans alors que, pour les Etats-Unis, ils sont plus récents - quatre à huit ans d'âge -, plus confortables, transportent deux fois moins de passagers et offrent un bien meilleur service à bord.
Le plus choquant, c'est que l'Etat semble couvrir ces excès. Un rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - DGCCRF - datant de 2002 a mis en lumière, selon les termes de son directeur général, « des comportements tarifaires mis en oeuvre par Air France et Air Lib tendant à supprimer la concurrence par les prix sur les marchés de chacune des lignes concernées, notamment en classe économique ». Ce même rapport préconisait de saisir la DGCCRF afin qu'il puisse y avoir une sanction contre ces compagnies.
Vos services ont indiqué au « Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais » qu'ils allaient saisir le Conseil de la concurrence. Or nous avons appris que celui-ci mettrait un an avant de rendre son rapport.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. Jean-Christophe Lagarde. Avec mon ami André Santini, nous nous investissons depuis plusieurs mois pour que soit enfin reconnu le droit à la continuité territoriale et, sur les bancs de cette assemblée, d'autres se battent en ce sens.
Le drame humain que constitue pour les domiens la séparation avec leur région d'origine et leur famille ne semble pas peser face à l'intérêt suprême de la privatisation d'Air France qui doit demeurer rentable pour assurer des rentrées d'argent dans les caisses de l'Etat.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. Jean-Christophe Lagarde. Le résultat de ce laissez-faire est flagrant : le nombre de passagers a diminué de façon significative,...
M. le président. Monsieur Lagarde, veuillez poser votre question !
M. Jean-Christophe Lagarde ... l'économie touristique est sinistrée, la facture est pour tout le monde très élevée.
Aussi vous demanderai-je, monsieur le ministre, pourquoi ce rapport n'est pas rendu public puisqu'il a été transmis à la direction de la concurrence.
M. le président. Monsieur Lagarde, posez votre question !
M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez peut-être remarqué, monsieur le président, que c'est ce que je suis en train de faire.
M. le président. Continuez alors !
M. Jean-Christophe Lagarde. Quelles mesures entendez-vous prendre pour obliger ces compagnies à respecter la législation et mettre fin à cet abus de position dominante, rendant ainsi à nos concitoyens qui vivent en outre-mer ou qui en sont originaires le droit à une vie de famille normale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de vous rappeler que le prix de vente d'une prestation ou d'un service n'a pas de rapport avec son coût. Le prix de vente est lié à l'état de l'offre et de la demande sur le marché et le coût doit être en général inférieur.
M. Christian Paul. Ah, voilà Monsieur Economie !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas parce que certains avions sont déjà amortis sur certaines lignes et pas sur d'autres que l'on doit en tirer des conséquences sur le prix de vente.
Après cette mise au point économique (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je ferai quelques remarques concernant le sujet que vous évoquez.
Premièrement, c'est la justice, saisie par des plaignants, qui a demandé à la DGCCRF de faire un rapport. Ce rapport lui a été remis. Il présente donc un caractère confidentiel, vous le savez aussi bien que moi. C'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas rendu public.
Deuxièmement, la justice a classé le dossier. Ce qui ne m'a pas empêché, sur proposition de la DGCCRF, de saisir il y a trois mois le Conseil de la concurrence, autorité totalement indépendante, pour qu'il porte un jugement sur les pratiques - loyales, déloyales, concurrentielles, anticoncurrentielles - des différentes entreprises de transport aérien sur les lignes que vous évoquez.
Cela dit, c'est la démonstration qu'Air France est une entreprise comme une autre.
M. Christian Paul. Ce n'est pas la question !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle a droit au respect des procédures lorsqu'elle a à se défendre, en l'occurrence devant le Conseil de la concurrence.
Par ailleurs, l'Etat doit se comporter avec cette entreprise comme avec toutes celles du secteur, abstraction faite de sa qualité d'actionnaire de la compagnie.
Cela nous permettra de donner à tous les consommateurs de France, et pas seulement ceux d'Ile-de-France, la possibilité de bénéficier d'éventuelles conclusions en faveur de la continuité territoriale...
M. Christian Paul. Désastreux !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ... et du rapprochement monétaire entre les îles et la métropole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2004

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