déficits publics
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 7 avril 2004
SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, la France est en état de dépôt de bilan. (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En deux ans, les déficits publics ont été multipliés par trois, celui de la sécurité sociale par cinq. L'endettement dépasse désormais le plafond record de 1 000 milliards d'euros. S'il n'y avait pas la monnaie unique, votre gouvernement aurait déjà dû dévaluer plusieurs fois. (« C'est votre bilan ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, je vous le demande, épargnez-nous votre sempiternel refrain de l'héritage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce qui est en cause, c'est votre gestion - que vous aviez qualifiée de bon père de famille -, incapable de fédérer les énergies et de stimuler la croissance.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les 35 heures !
M. Jean-Marc Ayrault. Sauf expansion miraculeuse, vous ne serez pas en mesure de tenir les objectifs de la loi de finances et les engagements pris devant nos partenaires européens.
Ne voyez dans ce propos aucune caricature. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les données que j'évoque émanent de la direction du budget. (Même mouvement.) Et comme l'a avoué votre ministre des finances, M. Sarkozy, Jacques Chirac vous a placé dans l'obligation de résoudre la quadrature du cercle. Vous devez concilier l'inconciliable : baisser les impôts, distribuer les aides clientélistes (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), financer de nouvelles promesses sociales, tout en réduisant les déficits et sans casser la croissance. L'équation est insoluble, tout simplement parce qu'elle est fondée sur le mensonge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, l'intérêt national vous commande de répondre sans détour à quatre questions. Et si je vous les pose, c'est parce que les leçons de l'ancien ministre du budget d'Edouard Balladur ne sont pas de nature à nous rassurer.
M. Yves Fromion. Provocateur !
M. Jean-Marc Ayrault. Les quatre questions sont les suivantes.
Allez-vous confirmer le programme d'annulations de crédits préparé avant les élections, qui n'est rien d'autre qu'un plan d'austérité ?
Dans quels domaines allez-vous faire ces économies dont vous parlez, et, surtout, qui paiera la note ?
A quel niveau de déficit allez-vous renoncer aux baisses d'impôt, que M. Mer lui-même jugeait inefficaces ?
Enfin, les députés socialistes vous le demandent solennellement, comme l'a fait hier François Hollande, êtes-vous prêt à un audit impartial des finances publiques, sous le contrôle du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), qui permettra enfin d'établir la vérité des comptes ? Cette vérité-là, monsieur le Premier ministre, est la première condition d'un retour de la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, un tel manque de courage est affligeant ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Manque de courage pour regarder en face le problème des déficits de la France. Dès qu'on parle de mesures permettant de revenir à l'équilibre, vous parlez d'austérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous êtes incapables d'assumer la politique que vous voulez défendre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous avez été, pendant la campagne électorale, caricaturaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous êtes aujourd'hui sans courage ! Vous n'êtes pas, monsieur Ayrault, innocents des déficits de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous n'êtes pas innocents des dettes et des factures. Tous les jours, arrivent à Matignon et à Bercy des factures qui portent la signature socialiste ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Quand nous versons une prime de Noël pour les demandeurs d'emploi, il faut en payer deux que vous avez accordées sans les financer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Et il faut donc payer en une fois trois primes de Noël.
Quand je regarde la situation qui résulte de vos décisions, quand je vois La Poste en difficulté, quand je vois RFF endetté, quand je vois France Télécom par nous sauvé, je constate combien votre gestion a été désastreuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Alors, les leçons de morale appellent un peu de modestie !
Nous avons, avec l'ensemble de la représentation nationale, vraiment tenu la dépense en 2003.
Vous vous souvenez du chiffre : 273,8 milliards d'euros de dépenses.
M. Didier Migaud. Bravo !
M. le Premier ministre. Et malgré toutes vos demandes, malgré toutes vos critiques, la dépense a été tenue. Elle a été absolument respectée telle que le Parlement l'avait autorisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Didier Migaud. Bravo !
M. le Premier ministre. Nous continuerons cette politique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vos cris ne m'impressionnent pas, messieurs ! J'ai à faire face à vos erreurs, et ce ne sont pas vos vociférations qui me feront changer de cap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons été capables de tenir la dépense en faisant les efforts nécessaires, qui ne sont pas ceux du groupe socialiste, mais ceux des Françaises et des Français.
Un député du groupe socialiste. Pitoyable !
M. le Premier ministre. Dès lors que la dépense est maîtrisée, les recettes pour combler notre déficit viendront du retour de la croissance. Vous êtes responsables de la rupture de la croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) 4 % en 2000, 1 % en 2001. Le résultat de la politique socialiste, c'est l'effondrement de la croissance ! (Mêmes mouvements.) Vous voulez la vérité, la voilà !
Des dépenses maîtrisées d'un côté, le retour de la croissance de l'autre, c'est de cette façon que nous limiterons nos déficits budgétaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Ce retour à la croissance est fondé sur deux éléments que vous n'avez jamais voulu utiliser : d'une part, l'augmentation du SMIC - que vous avez refusée - avec 3,7 % au 1er juillet, ce qui permettra à la croissance par la consommation de repartir ; d'autre part, la réforme de la taxe professionnelle, mesure incitative à l'investissement.
Cette politique est cohérente. Vous, vous avez cassé le moteur de la croissance dans ce pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations et sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous pouvez en sourire. Vous pouvez vous montrer satisfaits des difficultés des Français. Mais nous y répondrons avec courage, avec lucidité et sans faiblesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, dont de nombreux membres se lèvent. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Nos collègues britanniques ont pu voir combien notre Parlement est turbulent !
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Finances publiques
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 avril 2004