POM : Polynésie française
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
Question posée en séance, et publiée le 15 avril 2004
POLYNÉSIE FRANÇAISE
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.
M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En janvier dernier, le groupe UDF dénonçait les dérives antidémocratiques de deux dispositions du nouveau statut de la Polynésie française : la loi électorale et le mode de désignation de son président. En effet, la nouvelle loi régissant le mode de scrutin vise à laisser le parti majoritaire et le parti indépendantiste seuls face à face, et donc à priver d'expression tous ceux qui refusent l'indépendance mais qui voudraient tout de même une alternance. Cette exclusion est lourde de dangers pour l'avenir. Ainsi, en application de ce nouveau système majoritaire, avec seulement 46 % des voix, le parti de M. Gaston Flosse pourrait obtenir 80 % des sièges ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C'est une manoeuvre que nous avons dénoncée dès le début, aux côtés du Fetia/Api, le parti autonomiste d'opposition au gouvernement Flosse. Lors de l'examen du projet de loi, nous craignions à juste titre que ces dispositions législatives de circonstance, pour ne pas dire de connivence, n'aboutissent à un charcutage et à un tripatouillage électoral, puis à une dissolution pour convenances partisanes. Aussi, ni l'UDF, ni le Fetia/Api, n'ont été surpris que dès le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement Raffarin - comme s'il n'y avait pas d'autres priorités ! - vous ayez décidé de dissoudre l'assemblée de la Polynésie française, élue portant il y a moins de trois ans.
M. Christian Paul. C'est scandaleux !
M. Jean-Christophe Lagarde. Y avait-il urgence à agir ? Pouvez-vous nous expliquer quel serait le problème de gouvernance locale qui justifierait une telle décision ? Depuis trente ans, y a-t-il eu vacance du pouvoir ? Existe-t-il un risque d'instabilité institutionnelle ? Bien sûr que non. Et vous le savez bien, monsieur le Premier ministre. Force est de constater que cette assemblée aurait dû pouvoir continuer son travail jusqu'à son terme légal : elle fonctionnait, délibérait, des majorités s'en dégageaient sans difficulté.
L'accroissement des pouvoirs de cette assemblée ne peut pas non plus justifier sa dissolution puisque, lors du débat parlementaire, Mme la ministre de l'outre-mer nous avait expliqué qu'il n'était pas significatif.
M. le président. Venez-en à votre question, monsieur Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je la pose, monsieur le président.
Sans en informer le Parlement et avant même que la motion de censure ait été votée par l'assemblée de Polynésie, le Gouvernement a pris la grave décision de dissoudre. Faute d'une raison valable, pouvez-vous au moins, monsieur le Premier ministre, nous dire quel en est le prétexte officiel ?
Monsieur le président, vous qui êtes attaché à l'outre-mer, vous savez que c'est une question importante, car elle concerne 245 000 citoyens français. Avec de telles méthodes, ils se demandent, à 20 000 kilomètres de Paris, s'ils appartiennent encore à la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Arnaud Montebourg. C'est une république bananière !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, je tiens tout d'abord à vous rappeler qu'il vaut mieux respecter les principes démocratiques sans avoir en tête un respect à géométrie variable desdits principes, en fonction de celui qui les applique. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
La dissolution de l'assemblée territoriale n'est en rien une dissolution de convenance, puisque je vous rappelle que le président François Mitterrand avait procédé dans les mêmes circonstances à une dissolution, en 1985, à la suite du nouveau statut de 1984. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Chaque modification importante du statut de la Polynésie française a coïncidé avec une nouvelle assemblée, dotée de nouveaux pouvoirs et de nouvelles responsabilités.
M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas vrai !
Mme la ministre de l'outre-mer. C'est le respect de la démocratie et l'honneur du gouvernement polynésien que d'avoir demandé à aller à nouveau devant les électeurs pour légitimer la mise en oeuvre de ce nouveau statut. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Messieurs les députés du groupe socialiste, je ne vois pas pourquoi ce qui était bon en 1985 serait mauvais en 2004 !
M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas le même cas !
Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Lagarde, vous avez également évoqué la réforme du mode de scrutin. Je vous rappelle que nous avons créé une nouvelle circonscription pour tenir compte de l'étendue du territoire polynésien. De plus, le scrutin proportionnel, qui a été choisi, permet la représentation des partis non majoritaires. En outre, nous avons suivi l'avis du Conseil d'Etat en prévoyant une prime d'un tiers pour des circonscriptions qui ne disposaient que de trois sièges.
Enfin, vous avez évoqué la motion de censure déposée par le parti indépendantiste Tavini : cette motion n'a pas été examinée, mais - désolée ! - je n'y suis pour rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. Magouilleuse !
Mme la ministre de l'outre-mer. Le Tavini n'a pas été capable d'atteindre le quorum de vingt-cinq membres nécessaire à l'examen d'une telle motion ! Je tiens à souligner que nous avons accompli, avec ce nouveau statut, une grande avancée démocratique puisque, désormais, le Tavini est en mesure de déposer une motion de censure alors qu'il n'aurait pu le faire sous le précédent statut : avec dix membres seulement, il ne disposait pas du nombre de sièges nécessaire.
Très franchement, je crois que nous n'avons pas de leçons de démocratie à recevoir de vous. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La décision du 2 avril est tout à fait conforme à la procédure qui a déjà été suivie chaque fois que le statut de la Polynésie a changé. (Mêmes mouvements.)
M. Henri Emmanuelli. Vous êtes une magouilleuse !
M. le président. Monsieur Emmanuelli, ne forcez pas votre talent. (Sourires.)
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 avril 2004