ordre du jour
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 5 mai 2004
PROJET DE LOI RELATIF À L'AUTONOMIE
DES PERSONNES ÂGÉES
ET DES PERSONNES HANDICAPÉES
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, dans la lutte contre l'antisémitisme et contre le racisme, vous venez d'en appeler au rassemblement. Je m'en félicite. Les propos polémiques tenus la semaine dernière dans cet hémicycle par un membre de votre gouvernement n'en sont que plus regrettables. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La vigueur du débat démocratique ne saurait justifier de tels dérapages. Personne, au sein de cet hémicycle, ne peut être accusé de faiblesse devant l'antisémitisme et le racisme. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, vous l'avez rappelé la semaine dernière, c'est le combat de tous les républicains. La récente profanation du cimetière juif d'Herrlisheim, en Alsace, appelle une réaction ferme et unanime contre tous les actes antisémites ou racistes, quel que soit le gouvernement sous lequel ils ont lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La dignité de cette assemblée impose que nous refusions les effets de tribune. (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Votre devoir est de faire respecter cette règle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le crois - je l'espère, du moins -, tous, nous pouvons nous retrouver sur le principe suivant : face à l'antisémitisme et au racisme, le rassemblement est la force des démocraties, toute division les affaiblit.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ne provoquez pas, alors !
M. Jean-Marc Ayrault. C'est dans cet esprit, monsieur le Premier ministre, et dans le cadre d'un débat clair, ferme et déterminé, que je souhaite vous interroger sur l'avenir de notre système d'assurance maladie. (Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oui !
Monsieur le président, une telle réaction est étonnante !
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Ayrault terminer.
M. Jean-Marc Ayrault. La majorité, semble-t-il, préfère la polémique au débat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Après un rappel qui m'apparaissait nécessaire, compte tenu des incidents de la semaine dernière, j'ouvre le débat par la question suivante.
Monsieur le Premier ministre, je vous interpelle sur votre projet de loi relatif à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Comment, en effet, ne pas souligner la contradiction qui consiste à créer une assurance maladie à part pour la dépendance alors que nous ne connaissons pas encore l'architecture de la réforme actuellement en préparation ? Ce ne sont pas les propos de M. Douste-Blazy devant la mission d'information parlementaire qui sont susceptibles de nous éclairer.
Votre texte, monsieur le Premier ministre, comporte de graves défauts. Ces défauts concernent en premier lieu son principe, à savoir la création d'une caisse spécifique qui crée un régime à deux vitesses. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le risque est grand que la prise en charge, par nature plus coûteuse, des personnes âgées et des personnes handicapées ne soit restreinte. C'est l'égalité des soins qui est mise en cause.
La seconde carence est d'ordre financier : en choisissant de faire travailler un jour de plus, non payé, vous commettez la même erreur que dans le dossier des retraites : vous faites supporter l'effort de solidarité aux seuls salariés et vous allez jusqu'à remettre en cause la durée légale du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour toutes ces raisons, monsieur le Premier ministre, je vous demande de surseoir à l'examen, prévu ce soir, de ce texte, tant que la réforme globale de l'assurance maladie n'aura pas été présentée. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Vous le savez, cette question se pose au sein même de votre majorité. Si vous ne souhaitez pas écouter l'opposition, monsieur le Premier ministre, écoutez du moins votre majorité. J'attends, dans tous les cas, une réponse claire sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. le Premier ministre. Monsieur Ayrault, je répondrai à vos deux questions.
La première concerne l'antisémitisme : pour moi le débat est clos. Le chef de l'Etat s'est exprimé. L'antisémitisme est pour la société française un sujet suffisamment grave : il ne saurait nourrir aucune polémique supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
En ce qui concerne votre seconde question, permettez-moi de vous rappeler que vous avez souhaité, comme d'autres sur les bancs de cette assemblée, que l'assurance maladie et la dépendance ne soient pas traitées par voie d'ordonnances mais donnent lieu, sur les questions de santé, à un débat parlementaire ouvert. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. Les Français aussi !
M. le Premier ministre. Qui souhaite un débat parlementaire ouvert ne peut exiger un calendrier précis. Néanmoins, soyez-en certain, je ne serai pas le Premier ministre qui, après les événements de l'été dernier, n'aura pas demandé à l'Assemblée nationale de prendre à temps les décisions qui s'imposent pour nous permettre de faire face à la gravité de la situation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Alain Néri et M. Augustin Bonrepaux. Vous en avez mis du temps !
M. le Premier ministre. Vous cherchez à me conduire à l'absence de décision - je le vois bien - alors qu'il est nécessaire d'agir face à une situation dont nous avons tous mesuré la gravité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous le savions déjà depuis un certain temps, mais tout s'est passé comme si nous l'ignorions : le vieillissement de la population a contraint notre pays à relever deux défis.
D'une part, il aura fallu que nous fassions la réforme des retraites pour que l'on regarde en face cette réalité auparavant ignorée et que l'on prenne conscience qu'il y avait de moins en moins de cotisants et de plus en plus de retraités.
D'autre part, cette évolution s'accompagne de l'aspiration à vivre plus longtemps et plus heureux.
Que ce soit pour les personnes âgées ou pour les personnes dépendantes, je souhaite véritablement qu'une action nationale forte puisse être engagée. Il nous faut 9 milliards d'euros d'ici à 2008 pour être à la hauteur de leurs attentes. Or je me refuse à demander à la représentation nationale de dire oui à des prestations et de se taire sur les financements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La responsabilité de mon gouvernement est de dire oui aux prestations, mais également de dire oui aux efforts nécessaires.
Après une discussion ouverte où le Gouvernement s'est montré attentif à la représentation nationale, nous avons accepté de tenir compte des idées des uns et des autres. Le jour national de solidarité est assuré par le travail de tous. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il procède de la fraternité véritable, qui n'est pas dans les mots ou les slogans, ni sur les pancartes, mais dans l'effort de tous au service de nos aînés et de toutes les personnes qui ont besoin de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il s'agit non pas d'en appeler à l'effort des autres, mais de s'engager individuellement pour la solidarité.
Oui à la journée nationale de solidarité, choisie librement selon les entreprises ou les services publics, sachant qu'il existe évidemment une solution de repli : quand il n'y a pas d'accord possible, ce sera le lundi de Pentecôte. Mais nous souhaitons qu'il y ait un accord.
Dois-je vous rappeler, monsieur Ayrault, que vous faites partie de ceux qui ont signé une pétition nationale lancée par le journal La Vie pour demander qu'une journée de solidarité par le travail assure un tel financement ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Accoyer et M. René Couanau. C'est vrai !
M. le Premier ministre. Je tiens à votre disposition le document que vous avez signé, vous et un certain nombre de vos amis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous vous êtes engagé dans cette voie mais aujourd'hui, du seul fait que cette proposition émane du Gouvernement, vous dites non ! Franchement, tenons-nous-en à des attitudes constructives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La solidarité avec les personnes âgées et les personnes dépendantes devrait vous inciter à faire preuve d'un peu plus de continuité dans vos convictions. (Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Parlement
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mai 2004