Question au Gouvernement n° 1386 :
agriculture

12e Législature

Question de : M. Stéphane Demilly
Somme (5e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

Question posée en séance, et publiée le 27 mai 2004

NÉGOCIATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE
ET LE MERCOSUR DANS LE DOMAINE AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe UDF.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Monsieur le ministre, les agriculteurs sont choqués, et même scandalisés, par les initiatives intempestives prises récemment par les commissaires européens Pascal Lamy et Franz Fischler, et je les comprends.
Tout d'abord, nous avons appris avec stupéfaction les grandes lignes des négociations entre l'Union européenne et les pays d'Amérique latine membres du MERCOSUR, dont la perspective n'est rien de moins que d'offrir à ces derniers la possibilité d'inonder l'Europe de nouveaux et massifs contingents de viande bovine, de volaille ou d'éthanol.
Ensuite, nous avons découvert avec incrédulité les propositions des deux commissaires à l'égard de l'OMC, suggérant tout simplement de supprimer sous condition les subventions à l'exportation pour relancer les négociations.
Un député du groupe socialiste. Voilà du libéralisme !
M. Stéphane Demilly. Si elles devaient se concrétiser, ces initiatives auraient des conséquences dévastatrices pour notre agriculture.
Pour prendre le seul exemple de l'éthanol agricole, un tel troc signerait l'arrêt de mort de la filière européenne de production d'éthanol, à l'heure même où l'Union européenne fait du développement des biocarburants une priorité et où la France s'engage clairement sur cette voie dans le cadre du projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Monsieur le ministre, nos agriculteurs ne peuvent accepter un tel marché de dupes, qui s'apparente à une capitulation en rase campagne. Quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier ? Nos agriculteurs attendent de nous - et de vous - une détermination sans faille. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, la France a dit, par la voix du ministre d'État, ministre de l'économie et des finances, par celle du ministre délégué au commerce extérieur, par celle du ministre des affaires étrangères et par la mienne, son désaccord avec la " tactique " du commissaire européen chargé des négociations commerciales internationales, M. Pascal Lamy,...
M. Henri Emmanuelli. Voilà !
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ...et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, il n'y a aucune tyrannie du calendrier pour l'OMC. Aucune raison ne nous force à conclure avant l'été. Les négociations dureront ce qu'elles dureront et la bonne date sera celle d'un accord équilibré. Il n'y a aucune raison de nous limiter dans le temps.
Ensuite, l'Europe a beaucoup réformé sa politique agricole depuis dix ans, tandis que les Américains n'ont rien fait. La part des subventions aux exportations dans le budget de l'Union est passée de 30 % à 5 % en quelques années : nous n'avons donc de leçons à recevoir de personne, et surtout pas des Américains, dont le système sophistiqué de marketing loans et de fausses aides alimentaires est bien plus perturbant pour les pays en développement.
Enfin, dans cette négociation, la priorité doit aller aux pays pauvres, aux pays en développement, et en particulier à l'Afrique. C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à la conclusion d'un accord avec le MERCOSUR avant celle de l'accord avec l'Organisation mondiale du commerce. En effet, je le rappelle, la richesse des quatre pays membres du Mercosur représente cinq fois celle des trente-deux pays de l'Afrique subsaharienne.
Pour toutes ces raisons, nous tenons ferme à nos convictions, comme nous l'avons répété. Il n'y a aucune raison pour que nous payions deux ou trois fois pour la réforme de la politique agricole commune ou pour les négociations devant l'OMC.
Ne doutez pas, monsieur le député, de notre résolution sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Stéphane Demilly

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politiques communautaires

Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche

Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 mai 2004

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