Question au Gouvernement n° 1428 :
atteintes à l'autorité de l'État

12e Législature

Question de : M. Paul Giacobbi
Haute-Corse (2e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 9 juin 2004

CORSE

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste.
M. Paul Giacobbi. Monsieur le Premier ministre, la Corse subit une vague de violence, qui n'a plus aujourd'hui, et depuis longtemps, de caractère politique. Il y a quelques mois, comme je l'avais fait il y a plus de vingt ans, m'adressant par voie de presse à ses auteurs, j'avais décrit le mécanisme qui relie ces actes à une dérive financière, au cours de laquelle le fleuve des idées politiques a été se perdre dans la mer des intérêts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Comme c'est beau !
M. Paul Giacobbi. Si ça vous amuse, mes chers collègues, moi ça ne m'amuse pas ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Gouvernement avait vigoureusement exprimé sa détermination à appliquer les lois de la République et à obtenir la sanction judiciaire de ces violences et des dérives crapuleuses qui en sont le ferment. Pendant longtemps, nous avons cru sincèrement à cette détermination. Vous le savez, faisant fi de l'esprit partisan, j'ai personnellement, et de façon tout à fait publique, appelé de mes voeux et approuvé la répression judiciaire de certaines dérives financières, qui sont de façon évidente liées à la violence. En cela, moi-même, et bien d'autres, y compris sur ces bancs, avons soutenu le Gouvernement.
M. Lucien Degauchy. Il se prend pour Dieu le Père !
M. Paul Giacobbi. Mais depuis quelque temps le doute est dans tous les esprits, et chacun craint de voir une fois de plus un gouvernement préférer le faux-semblant en Corse à une répression sereine et juste, la gesticulation théâtrale à une action publique forte et crédible. Bien des événements ont fait naître ce doute ; je ne citerai que la défection de certains témoins lors d'un récent procès en appel devant la cour d'assises de Lyon.
M. Richard Mallié. La question !
M. Paul Giacobbi. Toute la presse, toute la France savait par avance que ces témoins ne se présenteraient pas. Pour autant, le parquet n'a manifesté aucun zèle à les faire comparaître, ni même à vérifier le bien-fondé de leurs excuses.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
M. Paul Giacobbi. Comment croire à l'État de droit quand exercer une pression manifeste sur les témoins devient la meilleure défense dans les procès criminels et quand ceux qui ont la charge de la bonne administration de la justice ne peuvent pas, ou ne veulent pas, déjouer ces pressions ?
Les policiers en poste en Corse, qui mènent une action courageuse, comme les gendarmes, en butte à des agressions quotidiennes, jusque dans leur domicile, au sein de leur famille, ne comprennent pas ce qui se passe. La population est troublée, et ce trouble, cette incompréhension risquent d'augmenter dans les semaines qui viennent.
M. le président. Monsieur Giacobbi, vous avez certainement une question à poser.
M. Paul Giacobbi. Y a-t-il eu un changement de cap dans l'action du Gouvernement en Corse ? Ou bien, plus subtilement, plus vicieusement, auriez-vous trouvé quelque intérêt à quelques accommodements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes. (" Raffarin ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jérôme Lambert. Des victimes de la politique du Gouvernement ?
M. Émile Zuccarelli. Ça ne concerne pas que les victimes, ça concerne le peuple de France !
M. Albert Facon. Pas Raffarin apparemment !
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Vous avez raison, monsieur le député Giacobbi, la situation est extrêmement sérieuse en Corse, et l'action très difficile. Nous saluons d'ailleurs l'action que vous avez vous-même menée, comme nous comprenons l'alerte que vous lancez ici.
Reprenons cependant sur l'action judiciaire en Corse.
M. Henri Emmanuelli. Reprenez plutôt votre papier !
Mme la secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Il s'agit de faire preuve de la plus grande fermeté, tant dans la lutte contre les actions violentes des mouvements séparatistes et leurs dérives affairistes que dans le combat contre les différentes formes de criminalité que nous constatons en Corse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Il faut se souvenir que M. le garde des sceaux avait demandé au parquet général de faire appel de l'acquittement de M. Sbraggia et M. Pieri, prononcé en décembre 2002 par la cour d'assises de Haute-Corse. Il faut se souvenir également qu'en appel, devant la cour d'assises du Rhône, le parquet avait requis dix-huit ans de réclusion criminelle contre M. Sbraggia : il est difficile, dans ces conditions, de parler de bienveillance.
Si la justice a bien entendu le pouvoir de contraindre un témoin à venir déposer, elle n'a évidemment pas, et c'est heureux, le pouvoir d'influencer la teneur des témoignages. Dans cette affaire, la cour d'assises a estimé qu'elle ne disposait pas d'éléments suffisants pour prononcer une condamnation. Pour autant, je peux vous rassurer sur un point : la politique pénale que nous menons en Corse vise à s'attaquer à tous les aspects de la criminalité, notamment en diligentant des enquêtes sérieuses et approfondies sur les aspects financiers de l'activité criminelle et mafieuse, y compris du terrorisme.
J'ajoute, et je terminerai sur ce point,...
M. le président. Je vous en remercie, madame.
Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes. ...que la loi du 9 mars, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a mis en place des pôles interrégionaux dotés de vrais moyens pour lutter contre la criminalité organisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Paul Giacobbi

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : droits des victimes

Ministère répondant : droits des victimes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2004

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