Question au Gouvernement n° 1566 :
POM : Polynésie française

12e Législature

Question de : M. Christian Paul
Nièvre (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 20 octobre 2004

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.
M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, en Polynésie française (" Ah ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) s'est déroulée samedi une marche pacifique, historique par son ampleur, et pluraliste puisqu'elle rassemblait toutes les forces politiques à l'exception d'une seule.
M. Bernard Deflesselles. C'est faux !
M. Christian Paul. Sous nos yeux - René Dosière et Bernard Roman peuvent en témoigner avec moi -, des dizaines de milliers de Polynésiens ont exprimé, d'abord, le désir d'un changement sans heurts - changement qu'incarne aujourd'hui le président Oscar Temaru. (" Comédien ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette manifestation traduisait ensuite leur opposition très ferme au retour d'un système de corruption dont les tribunaux sont saisis, un système connu pour le gaspillage de l'argent public. Le groupe socialiste demande aujourd'hui la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'usage de l'argent public en Polynésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Éric Raoult. Venant d'un ancien secrétaire d'État à l'outre-mer, ces propos sont ahurissants ! Vous êtes un clown, monsieur Paul !
M. Christian Paul. C'est aussi un système où la presse n'est pas libre, un système qui met les libertés en danger. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais les manifestants ont surtout exprimé le souhait que la dissolution de l'Assemblée de la Polynésie permette au suffrage universel de dénouer la crise institutionnelle qui est aujourd'hui installée.
Or, monsieur le Premier ministre, nous avons la preuve qu'au sein même du Gouvernement la tentation existe de caricaturer ces aspirations ou de les étouffer par des manoeuvres constantes. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Paul.
M. Christian Paul. J'y viens, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, dans la République, on ne fait pas impunément violence à la démocratie. Pouvez-vous écouter le message des Polynésiens, ou avez-vous au contraire décidé qu'il vous fallait jusqu'au bout - mais à quel prix et dans quel but ? - soutenir le système de M. Flosse ? Pouvez-vous entendre la demande des Polynésiens d'une dissolution (" Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) permettant de redonner la parole au peuple pour dégager une majorité stable, ou allez-vous au contraire, par aveuglement, mettre durablement en cause la paix civile en Polynésie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Ministre des colonies, plutôt !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au risque de me répéter, je rappelle que le statut de la Polynésie française - celui de 2004 comme celui qui avait été mis en place par la gauche en 1984 - ne prévoit pas que l'assemblée doive être dissoute après l'adoption d'une motion de censure. Contrairement à vos affirmations, monsieur Paul, le rôle de l'État en Polynésie française se limite à faire respecter la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Je vous demande de cesser d'attaquer l'État et son représentant sur place (Huées sur les bancs du groupe socialiste),...
M. Yves Durand. Son représentant, c'est vous !
Mme la ministre de l'outre-mer. ...que vous soupçonnez de partialité. J'ai entendu parler de " coup d'État légal ", de " putsch juridique ". (" Oui ! " sur les bancs du groupe socialiste.) Ces propos indignes sont en outre dénués de fondement, puisque le Conseil d'État a rejeté hier soir le recours d'un de vos amis indépendantistes. (" Très bien ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous remettrai, monsieur Paul, ces deux décisions qui valident tant sur le fond que sur la forme la procédure suivie par le haut-commissaire, selon laquelle l'assemblée se réunira le 19 octobre - ou, à défaut, le 22 si le quorum n'est pas atteint - pour élire le président de la Polynésie.
M. Christian Bataille. Vous verrez la suite !
Mme la ministre de l'outre-mer. Je demande à la représentation nationale dans son ensemble de respecter le travail effectué sur place par un grand préfet, Michel Mathieu, qui exerce sa mission de contrôle de la légalité avec vigilance et compétence.
M. Arnaud Montebourg. Mais il s'agit d'un coup d'État !
Mme la ministre de l'outre-mer. Je vous rappelle d'ailleurs, monsieur Paul, que ce n'est pas moi, mais vous, sous l'autorité de M. Jospin, qui l'avez nommé à Papeete le 26 octobre 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je demande également au groupe socialiste de ne pas soutenir les manoeuvres illégales des indépendantistes (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car c'est cautionner le non-respect de l'État de droit et la violation de la loi organique statutaire que vous avez votée. J'en appelle à la sérénité de chacun.
M. Christian Bataille. Vous devriez avoir honte !
Mme la ministre de l'outre-mer. Comme je l'ai déjà dit après les élections du 23 mai et avant l'élection du président de la Polynésie, laissons le processus institutionnel aller jusqu'à son terme, sans préjuger du résultat du scrutin qui va intervenir.
Pour conclure, permettez-moi de vous remercier, monsieur Paul, ainsi que tous les élus socialistes qui se sont rendus samedi à Papeete. En effet, on m'a dit que vous avez hésité, mais que vous avez finalement osé porter votre écharpe tricolore (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
M. Albert Facon. Vous n'avez jamais été élue, vous !
M. le président. Messieurs, je vous en prie !
Mme la ministre de l'outre-mer. ...non pas au milieu des drapeaux français, mais au milieu des drapeaux blancs et bleus du parti indépendantiste d'Oscar Temaru qui, je le rappelle, est le seul maire de Polynésie...
M. le président. Madame Girardin, s'il vous plaît !
Mme la ministre de l'outre-mer. ...à refuser de mettre au fronton de sa mairie le drapeau de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Démission !
M. le président. Taisez-vous, monsieur Bataille !

Données clés

Auteur : M. Christian Paul

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : outre-mer

Ministère répondant : outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 octobre 2004

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