POM : Polynésie française
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 2004
SITUATION POLITIQUE EN POLYNÉSIE
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, la crise politique que connaît la Polynésie est une affaire d'État. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la crise au PS ?
M. Jean-Marc Ayrault. La volonté populaire, exprimée lors des élections territoriales du 23 mai, a été bafouée par des manoeuvres de déstabilisation (" Les vôtres ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) auxquelles nous pouvons craindre, hélas ! que votre gouvernement ne soit pas étranger. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
M. Richard Mallié. C'est un expert qui parle !
M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez invoqué la légalité des procédures : c'est une plaisanterie, au regard des coups tordus ourdis depuis cinq mois contre la majorité plurielle de M. Temaru (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault. La réponse ne saurait se limiter aux seuls aspects juridiques, mes chers collègues, monsieur le Premier ministre : elle est désormais politique. Aujourd'hui, en effet, le blocage des institutions polynésiennes menace la paix civile sur le territoire de la Polynésie, dont le Président de la République et votre gouvernement sont les garants.
M. Éric Raoult. À cause des socialistes !
M. Jean-Marc Ayrault. Une délégation de la majorité plurielle de M. Temaru est venue à Paris pour éviter toute escalade ; elle est d'ailleurs présente dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Elle est venue à Paris pour être reçue, et surtout entendue, par le chef de l'État et les autorités de la République. Elle ne demande ni l'indépendance, ni même un nouveau statut d'autonomie. Elle est simplement porteuse d'une pétition signée par 40 000 électeurs polynésiens, soit un tiers du corps électoral, demandant que de nouvelles élections soient organisées pour trancher ce conflit.
À ce jour, ils n'ont reçu aucune réponse, ni de votre part, monsieur le Premier ministre, ni de la présidence de la République. Cette indifférence est coupable, tant elle menace l'équilibre même de la Polynésie.
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : comptez-vous recevoir personnellement la délégation de M. Temaru ? Quelle réponse allez-vous apporter à sa demande de retour devant les électeurs ? Enfin, quelle sera l'attitude du Gouvernement ici même, à l'Assemblée nationale, le 23 novembre prochain ? Ce jour-là, en effet, le groupe socialiste utilisera sa niche parlementaire pour demander le vote d'une résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française.
La situation est suffisamment grave pour que nous soyons en droit d'obtenir une réponse claire de votre part, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vous en prie !
M. Bernard Roman. C'est scandaleux ! C'est au Premier ministre de répondre !
M. le président. Ça suffit, monsieur Roman, calmez-vous !
Mme Martine David. Les Polynésiens ne méritent-ils pas quelques mots du Premier ministre ?
M. le président. Calmez-vous vous aussi, madame David ! M. Jean Glavany. Il y a des traditions ici ! C'est au Premier ministre de répondre !
M. le président. Quel spectacle vous donnez !
M. Augustin Bonrepaux. Et le Gouvernement alors ?
M. le président. Ne vous en mêlez pas, monsieur Bonrepaux !
Allez-y, madame Girardin.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député (" Démission ! Démission ! " sur les bancs du groupe socialiste), je voudrais vous dire tout d'abord qu'il est tout à fait conforme à mes fonctions de recevoir à mon ministère tous les élus d'outre-mer qui le demandent, quelles que soient leurs convictions. Je recevrai donc la délégation de M. Temaru comme celle de M. Flosse, toutes les deux présentes aujourd'hui dans cet hémicycle.
Mme Martine David. Vous ne répondez pas à la question !
M. François Hollande. Il s'agit de savoir si le Premier ministre va les recevoir !
Mme la ministre de l'outre-mer. Même si vous refusez les raisons juridiques, monsieur Ayrault, je voudrais vous dire une chose très simple : si nous proposions aujourd'hui au Président de la République un décret de dissolution de l'Assemblée de la Polynésie française, il serait entaché d'illégalité et pourrait à ce titre voir son application suspendue par le juge des référés. En effet, les conditions légales de la dissolution ne sont pas aujourd'hui réunies, puisqu'il il n'y a pas aujourd'hui pour les institutions d'impossibilité de fonctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est une plaisanterie !
Mme la ministre de l'outre-mer. J'ajoute, comme je l'ai écrit à M. Temaru, et comme j'ai eu déjà l'occasion de le dire devant votre assemblée, qu'il convient en toute hypothèse d'attendre la décision du Conseil d'État. C'est à lui en effet qu'il reviendra de juger de la validité du scrutin du 23 mai puisqu'il va examiner à partir du 8 novembre les différents recours en annulation de ces élections.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas la question !
M. Bernard Roman. Cette réponse est scandaleuse !
Mme la ministre de l'outre-mer. Vous avez évoqué, monsieur Ayrault, la pétition qui a été signée par de nombreux Polynésiens. Je vous rappelle que c'est nous qui avons introduit le droit de pétition dans le statut de la Polynésie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et alors ?
M. Bernard Roman. Madame est trop bonne !
Mme la ministre de l'outre-mer.... et que ce droit de pétition ne peut s'exercer que sur une question relevant de la compétence de l'Assemblée de Polynésie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Or l'assemblée n'a pas compétence pour se dissoudre elle-même.
Je voudrais vous rappeler enfin, même si cela vous irrite, que le rôle de l'État et de tout gouvernement quel qu'il soit, est de faire respecter la loi, parce que sans respect de la loi, il n'y a pas de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Albert Facon. C'est une maxime de M. Flosse ?
M. Bernard Roman. Affligeant !
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : outre-mer
Ministère répondant : outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 2004