Côte d'Ivoire
Question de :
M. Gilbert Le Bris
Finistère (8e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 10 novembre 2004
CÔTE D'IVOIRE
M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour le groupe socialiste.M. Gilbert Le Bris. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, neuf soldats français ont été tués, et beaucoup d'autres blessés en Côte d'Ivoire. Nous nous associons à la douleur des familles et compatissons aux souffrances de nos compatriotes qui, à titre civil ou militaire, se trouvent dans ce pays, devenu une véritable poudrière.
Pour avoir rendu visite l'année dernière, avec une délégation de notre assemblée, à nos soldats en divers points du territoire ivoirien, je sais à quel point leur mission, menée avec l'aval des Nations unies, est importante et justifiée. Ils l'accomplissent avec compétence, professionnalisme tout en faisant preuve de qualités humaines. Mais ils sont dans une situation difficile car, depuis les accords de Marcoussis-Kléber, ils sont en situation de devoir séparer des belligérants. Or, le bon sens populaire sait que celui qui s'interpose entre des combattants s'expose à recevoir leurs coups.
Monsieur le Premier ministre, à la lumière de ces récents et dramatiques événements, quelles sont les conclusions politiques que vous tirez pour la France ? Comment sortir de la crise ? Et quelle posture sera désormais celle de nos armées en Côte d'Ivoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à associer le Gouvernement au recueillement de votre assemblée à la mémoire des soldats français morts en Côte d'Ivoire, morts pour la paix.
Vous le savez, la situation en Côte d'Ivoire est à la fois ancienne, grave et complexe.
Je rappellerai les faits auxquels nous avons été confrontés : face à la situation de blocage qui continuait de prévaloir en Côte d'Ivoire depuis les accords non appliqués de Marcoussis, le président Gbagbo a cherché unilatéralement à recouvrer l'intégrité du territoire ivoirien. Le Président de la République française l'a personnellement mis en garde contre le risque majeur d'une telle entreprise. Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, et M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, ont activement relayé son message. Le chef de l'État ivoirien n'a pas cru bon de l'entendre et samedi matin, neuf militaires français qui, loin de combattre, n'étaient là que pour assurer la paix dans le cadre de l'opération Licorne, en appui aux forces des Nations Unies, sont morts au cours d'un bombardement de l'aviation ivoirienne, tandis que vingt-huit autres étaient blessés.
Comme vous, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement rend hommage à leur mémoire et exprime à leurs familles son immense tristesse et sa profonde reconnaissance. Nos forces ont immédiatement répliqué à une agression perpétrée en dépit de nos mises en garde et de nos avertissements, mettant hors d'état de nuire l'aviation ivoirienne. Dans un second temps, elles ont sécurisé l'aéroport d'Abidjan et renforcé notre dispositif en vue d'assurer, d'une part, la sécurité de la communauté française dans la ville, d'autre part, les conditions nécessaires à l'évacuation des blessés.
Je tiens à saluer ici le professionnalisme et le sang-froid dont ont fait preuve nos soldats dans des situations particulièrement difficiles. Notre priorité a été de ramener le calme. Cependant, à l'heure où je vous parle, la situation demeure précaire et il est hélas à craindre qu'elle ne se tende. Nous devons faire preuve de la plus extrême vigilance.
Le sort de nos compatriotes constitue évidemment notre priorité absolue. Plusieurs centaines d'entre eux sont rassemblées au 43e BIMA et dans les locaux de l'Organisation des Nations Unies où, bien que physiquement protégés, ils vivent, vous le savez, des heures particulièrement éprouvantes, pleines d'incertitude et d'angoisse.
Le Gouvernement a mobilisé en France l'ensemble des administrations de l'État concernées afin de faire face à la situation et de répondre aux besoins de nos compatriotes. Au-delà, en liaison étroite avec nos partenaires internationaux, notamment africains, qui ont soutenu nos démarches, nous nous efforçons de remettre sur ses rails le processus de paix, et de retrouver la voie de la solution politique, la seule envisageable à nos yeux. C'est dans ce cadre que le Président de la République d'Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki, est arrivé en fin de matinée à Abidjan, où il tentera de convaincre le président Gbagbo.
Vous m'interrogez, mesdames et messieurs les députés, sur la position adoptée par la France. Notre objectif est triple.
Il convient, premièrement, d'assurer la sécurité des populations civiles et étrangères, à commencer bien sûr par celle de nos ressortissants ; deuxièmement, de préserver la légitimité de l'État et des institutions qui sont la base du régime ; troisièmement, de veiller au respect de l'intégrité du territoire national de la Côte d'Ivoire, pour stabiliser la région.
Une solide conviction fonde notre action, qui suit une méthode précise.
Notre conviction, c'est qu'il appartient évidemment aux Ivoiriens eux-mêmes de progresser dans la bonne voie. Aucune action militaire ne saurait apporter la solution durable à laquelle les Ivoiriens aspirent tout comme nous. Seule une solution politique, fondée sur le dialogue et la réconciliation nationale, permettra de sortir d'un conflit qui, aujourd'hui, coupe le territoire ivoirien en deux.
La méthode, quant à elle, ne saurait souffrir aucune équivoque. La crise qui secoue aujourd'hui la Côte d'Ivoire n'est en aucune façon un tête-à-tête entre ce pays et la France. Notre action s'inscrit dans le cadre de celle de la communauté internationale, unie dans les enceintes africaines comme dans celles de l'ONU. La démarche que nous entendons poursuivre est naturellement difficile et exigeante. Il ne s'agit pas pour nous de choisir un camp, mais de promouvoir une solution afin d'éviter à ce pays la guerre civile.
Nos soldats sont morts parce qu'ils se battaient pour la paix, contre la guerre civile. Notre pays, au nom des organisations internationales ne poursuit qu'un seul but : éviter cette guerre civile en appelant tous les acteurs au sens des responsabilités. La France continuera d'assumer les siennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. Mes chers collègues, demain mercredi nos débats seront suspendus de seize heures à dix-sept heures, au moment même où, aux Invalides, se déroulera la cérémonie en mémoire de nos soldats. Ce sera pour nous tous l'occasion de nous associer au deuil des familles et au deuil de la France.
Nous reprenons les questions d'actualité.
Auteur : M. Gilbert Le Bris
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 novembre 2004