Question au Gouvernement n° 1786 :
élargissement

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 22 décembre 2004

NÉGOCIATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE
ET LA TURQUIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, l'accord signé à Bruxelles par vingt-cinq gouvernements est un acte majeur. L'Europe démontre une nouvelle fois sa capacité à dépasser les fractures de l'histoire et à unifier le continent. En acceptant de négocier l'entrée de la Turquie, elle fait plus que tenir un engagement vieux de quarante ans. Elle est fidèle à son essence : celle de fédérer des peuples, des cultures, des confessions différentes ; celle de se définir, non par une culture dominante, mais dans une construction politique fondée sur des valeurs laïques, pluralistes et démocratiques. Bien plus qu'une identité, l'Europe est une idée politique. Que la Turquie veuille y adhérer avec le consentement unanime de vingt-cinq nations...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pas des peuples !
M. Jean-Marc Ayrault. ...témoigne de sa force d'entraînement mais aussi, et c'est un facteur positif, de la volonté de modernisation de la Turquie elle-même.
Au-delà de cette dimension historique, la réussite de l'accord de Bruxelles dépendra de la capacité des États à entraîner leurs peuples dans ce nouveau défi. Or, sur ce plan, le Conseil européen a quelque chose d'inachevé.
La première interrogation concerne le risque de voir le projet européen se diluer au fil d'élargissements aussi précipités que mal maîtrisés. (" Eh oui ! " et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.) Le Conseil européen a eu la sagesse d'y répondre en introduisant un certain nombre de garde-fous. Comme nous le souhaitions, l'ouverture des négociations ne comporte pas de date butoir, ce qui constitue une première. Rien ne laisse préjuger de leurs résultats : adhésion, association, statu quo. Tout dépendra de la volonté turque de faire sienne les valeurs et les règles de l'Union.
M. Jean-Christophe Lagarde. Elle commence bien !
M. Jean-Marc Ayrault. Malgré des efforts d'adaptation considérables, qu'il est de notre devoir de reconnaître, la Turquie accuse encore de nombreux retards dans le fonctionnement de sa démocratie. (" Sans blague ! " sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je pense aux violences policières, à la liberté religieuse, qui n'est pas garantie partout, aux normes sociales, aux droits des femmes et à l'acceptation des minorités. De même doit-elle procéder à un examen lucide de son histoire, notamment par la reconnaissance du génocide arménien. À cet égard, je rappelle que la France en a fait un engagement, par une loi votée à l'initiative des députés socialistes, approuvée par le gouvernement Jospin,...
M. François Rochebloine. Vous oubliez la contribution du groupe UDF !
M. Jean-Marc Ayrault. ...rejoint ensuite par la majorité du Sénat, malgré l'opposition de Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Pour autant, je ne voudrais pas sous-estimer que la démarche est compliquée par le refus de M. Erdogan de reconnaître officiellement la République de Chypre.
M. Maurice Leroy. Rien de grave ! (Sourires sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Marc Ayrault. Je l'ai dit au début de mon propos, l'Union tire sa force du dépassement des conflits de l'histoire. Si chaque État candidat avait le loisir de refuser certains partenaires, il n'y aurait plus d'Union. Imagine-t-on que l'Angleterre soit entrée dans la Communauté européenne en refusant de reconnaître la République d'Irlande à cause de l'Ulster ? Comme les valeurs fondamentales de l'Union, la reconnaissance mutuelle entre États membres n'est pas négociable. Et sur ce point, je diverge avec M. Accoyer.
M. Jean-Paul Charié. Il n'a jamais rien dit de tel !
M. Jean-Marc Ayrault. Il est regrettable que le Conseil européen ne l'ait pas clairement signifié au gouvernement turc.
Cette faiblesse est d'autant plus coupable qu'elle a permis au département d'État américain de s'immiscer dans la négociation en élaborant la formule de compromis finalement adoptée. Il est invraisemblable qu'aucun État membre, à commencer par la France, et particulièrement le Président de la République, n'ait réagi à une telle interférence. Cela témoigne de la timidité politique des gouvernements et de la Commission, incapables de s'assumer pleinement par eux-mêmes.
M. Daniel Vaillant. Très juste !
M. Jean-Marc Ayrault. Ma deuxième question porte sur la volonté de l'Union d'adapter ses politiques à ce nouvel élargissement. Comment assurera-t-elle le développement de territoires déshérités une fois et demi plus grands que le nôtre en continuant de plafonner les fonds structurels ? Comment réussira-t-elle la mise à niveau économique et sociale de la Turquie en diminuant, contre toute raison, le budget européen, comme le Président de la République française l'a demandé à Bruxelles ? Comment ira-t-elle vers une harmonisation sociale et fiscale par le haut ? En fait, tant que l'Europe ne se dotera pas des armes pour supporter la charge de ces élargissements, il ne faudra pas s'étonner qu'elle récolte le scepticisme de ses peuples.
Dès lors, et c'est la troisième question, monsieur le Premier ministre, comment remonter le courant ? Comment convaincre les Français de l'importance de cette ouverture à la Turquie ?
J'entends le Président de la République promettre que le Parlement serait associé à chaque étape des négociations.
M. Maurice Leroy. C'est le cas aujourd'hui. Enfin, en quelque sorte !
M. Jean-Marc Ayrault. Mais votre gouvernement commence par organiser un ersatz de débat sans que les députés puissent se prononcer par un vote. Il s'agit là pour moi d'une pratique indigne de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)
Vous restez rivé à cette conception archaïque de la Ve République qui considère les questions européennes comme un domaine réservé de l'Élysée, dans lequel le Parlement n'aurait pratiquement pas son mot à dire.
M. Henri Emmanuelli. Rien de tel ne figure pas dans la Constitution !
M. Jean-Marc Ayrault. À l'évidence, sur ce sujet comme sur d'autres, il faudra réformer la défaillance démocratique de nos institutions. Mais, aujourd'hui, force est de constater qu'elle a pour vous l'avantage de masquer votre plus grande faiblesse : je veux parler, mesdames et messieurs les députés de la majorité, des divisions de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Sylvia Bassot. Et les vôtres ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Fabius !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, ne parlons pas de divisions !
M. Jean-Marc Ayrault. Le président du groupe UMP lui-même a eu l'honnêteté de le reconnaître et je comprends d'ailleurs fort bien qu'il puisse y avoir des débats au sein des partis politiques. Cela ne me choque en rien. Nul ne peut ignorer toutefois le décalage abyssal entre les propos du Président de la République et ceux du président de l'UMP.
M. Bernard Deflesselles. Que dire du décalage entre Fabius et Hollande ?
M. Jean-Marc Ayrault. Quand Jacques Chirac parle de l'" intérêt " pour la France et l'Europe d'une intégration de la Turquie, Nicolas Sarkozy souligne aussitôt la " difficulté incontestable " qu'elle représente.
M. Richard Mallié. Mais quel culot ! Vous ne voyez pas la poutre qu'il y a dans votre oeil !
M. Jean-Marc Ayrault. Quand Jacques Chirac met en évidence les liens historiques qui unissent la Turquie et l'Europe " depuis Byzance ", Nicolas Sarkozy le contredit sans ménagement : " Si la Turquie était européenne, ça se saurait. " Et quand le président de l'UMP revendique un simple " partenariat " avec les Turcs, le Président de la République souligne que " ceux-ci n'en veulent pas ".
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, mettez aux voix !
M. Jean-Marc Ayrault. Après cela, mes chers collègues, je suis bien obligé de demander : y a-t-il un pilote dans l'avion ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est nul !
M. Jean-Marc Ayrault. C'est le grand concert de la discorde, c'est la polyphonie des peurs. L'UMP et l'UDF font assaut de simplisme pour expliquer que la Turquie et l'Europe sont incompatibles. On convoque l'histoire, la géographie, la démographie, le PIB, la religion. On rejoue le siège de Vienne, la bataille de Lépante. On évoque le déferlement migratoire, l'instabilité frontalière de l'Irak, l'Iran ou la Syrie. On invoque même " les différences culturelles ". Sans jamais le dire précisément, MM. Sarkozy et Bayrou suggèrent, insinuent l'impossibilité d'intégrer 70 millions de musulmans dans une Europe de plus de 400 millions d'habitants.
M. Jean-Christophe Lagarde. Quel argument minable vous avancez là !
M. Jean-Marc Ayrault. Mais qu'ils le disent franchement !
En attisant ainsi les peurs et les fantasmes, ils prennent la responsabilité de brouiller les enjeux et de conduire leurs électeurs à exprimer immédiatement leur refus de la Turquie en s'opposant à la Constitution européenne. Voilà comment, d'une pierre, on peut provoquer deux catastrophes. Faut-il donc encore une fois rappeler, et c'est la position des socialistes, ...(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. " La " position ?
M. Jean-Marc Ayrault. Quand les socialistes ont des débats sur une question, ils les tranchent par un vote et adoptent ensuite une position commune. Nous attendons que vous en fassiez autant : nous verrons bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Henri Emmanuelli. Votez, mesdames, messieurs de l'UMP !
M. Jean-Marc Ayrault. Je rappelle la position des socialistes : le processus de négociations avec la Turquie sera long - dix ans, quinze ans, peut-être plus - et il devra être tranché souverainement par chacun des États membres. Voilà la vérité ! Il faut la dire, au lieu de jouer avec les peurs !
J'ai eu l'occasion de le dire dans un autre débat : le courage en politique n'est pas de chevaucher les peurs ; il n'est pas de désigner des boucs émissaires trop commodes - " les bureaux anonymes de Bruxelles ", comme l'a dit le Premier ministre, en donnant le mauvais exemple, la Constitution européenne e,t maintenant, la Turquie - pour justifier nos renoncements ou nos impuissances.
La France se perd à se recroqueviller sur elle-même, à vivre dans l'esprit d'une forteresse assiégée. Elle abandonne la capacité de peser sur la marche de l'histoire et d'influencer le cours de l'Europe. Elle renvoie l'image d'une nation déboussolée, sans repères, en crise de confiance. C'est ce découragement, cette tentation du repli qui sont aujourd'hui notre ennemi, et non pas la Turquie.
Alors, arrêtons de faire croire que l'Europe en tant que puissance se bâtira par rejet ou par décret. Elle émergera de notre capacité à entraîner nos partenaires et nos peuples dans une Europe de projets : le gouvernement économique pour la croissance et l'emploi, l'harmonisation sociale, la défense commune, la recherche et l'innovation. Là est la vraie grandeur du politique : dire la vérité, expliquer les enjeux, montrer des chemins. En d'autres termes, il faut agir plutôt que subir.
Monsieur le Premier ministre, j'en arrive à ma dernière question : où est la grande politique européenne de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, messieurs les présidents de groupe, mesdames et messieurs les députés, pour l'ouverture des négociations européennes en vue d'une éventuelle adhésion de la Turquie, le Président de la République française a fixé la position de la France : oui à l'entrée de la Turquie à terme si elle remplit les critères d'adhésion à l'Union européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ? Parce que, si les conditions sont réunies, ce sera l'intérêt de la France et de l'Europe.
En répondant aujourd'hui à vos questions, comme vous l'avez souhaité, mesdames et messieurs les députés, nous engageons avec le Parlement un dialogue que nous voulons régulier, transparent et conforme à la Constitution.
Mme Martine David. Arrêtez !
M. le Premier ministre. Ce dialogue durera tout au long de négociations qui peuvent s'échelonner jusqu'en 2020.
M. François Hollande. Vous ne serez plus là !
M. le Premier ministre. J'engage donc mes successeurs (" Ah ! " sur les bancs du groupe socialiste.), mais aussi les vôtres.
M. François Hollande. Il a compris que c'est nous qui le ferons !
M. Henri Emmanuelli. Qu'est-ce qu'on fait là aujourd'hui, alors ?
M. le Premier ministre. Jusqu'à présent, vous n'avez pas été très bons en matière de pronostics ! Vous ne pouvez pas être très fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
À chaque étape, le ministre des affaires étrangères, Michel Barnier, se tiendra à la disposition de votre assemblée.
M. Henri Emmanuelli. On lui souhaite du courage !
M. le Premier ministre. La France propose une vision courageuse de l'histoire.
Depuis 1963, la question de l'entrée de la Turquie en Europe est clairement posée. Aucun président, aucun chef de gouvernement, aucun ministre sur ces bancs n'a répondu à ce jour par la négative.
En 1999, l'ensemble des États membres a reconnu la vocation européenne de la Turquie.
M. François Hollande. C'est vrai !
M. le Premier ministre. Le 6 octobre, la Commission a donné un avis positif sur l'ouverture des négociations, que le Conseil européen a autorisée le 17 décembre. Ce choix, mesdames et messieurs les députés, nous engage. Ce n'est pas un choix d'opportunité, comme je l'ai entendu tout à l'heure, c'est un choix qui s'appuie sur une vision de la France, sur une vision de l'Europe.
Nous proposons à la Turquie de faire sa véritable révolution européenne.
Notre projet européen est à la fois un projet de paix et de stabilité, un projet pour la démocratie, les libertés et les droits de l'homme, et un projet de développement économique et social. C'est notre projet européen. C'est sur ces valeurs que la Turquie devra se prononcer. C'est à elle de rejoindre notre projet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'ancrage de la Turquie peut renforcer l'Europe si elle réunit les conditions requises.
L'ancrage de la Turquie dans l'Union consolidera la paix et renforcera la sécurité.
L'ancrage de la Turquie rendra irréversibles la démocratisation de ce pays et la défense des libertés.
L'ancrage de la Turquie dans l'Union assurera son développement économique tout en contribuant à sa prospérité.
La Turquie doit donc faire sa révolution européenne. Laissons l'Europe exercer sa force d'attraction démocratique, car c'est là qu'en fait réside sa puissance.
Rien ne condamne la Turquie à l'exclusion éternelle de l'Europe.
La géographie ? Quelle part d'Europe la Turquie porte-elle en elle ? C'est une question qu'elle se pose depuis des siècles. Aujourd'hui, nous voulons résolument qu'elle penche du côté européen. C'est notre intérêt. C'est l'intérêt de l'Europe. N'ouvrons pas à nos portes un foyer d'instabilité tourné contre une Europe qui aurait refusé l'espoir.
La religion ? Les dirigeants turcs nous disent vouloir construire un État laïc. La France, pays de la laïcité, et le Parlement, qui a voté à l'unanimité une loi d'avant-garde sur ce sujet, doivent-ils décourager les dirigeants turcs de s'engager dans cette voie ?
M. Marc Laffineur. Très bien !
M. le Premier ministre. Nombreux sont les musulmans qui, en Turquie, ne veulent pas faire de la religion un projet politique.
Retrouvons-nous sur l'essentiel, sur les valeurs fondamentales et construisons un vivre ensemble européen qui sera d'autant plus fort qu'il rassemblera des Européens de toutes confessions.
L'immigration, enfin ? Souvenez-vous que, à chaque élargissement, la question s'est posée et que la réponse fut toujours la même.
L'entrée dans l'Union permet de fixer les populations parce que c'est un choix d'identité, parce que c'est un choix de prospérité, parce que c'est un choix de liberté. Le développement est toujours plus humain à la maison.
Mesdames, messieurs les députés, la négociation n'est pas l'adhésion. Je le dis clairement, il n'y a pas, contrairement aux caricatures que j'ai entendues tout à l'heure, automaticité de la négociation à l'adhésion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le processus va être long et durer plusieurs années - dix ans, quinze ans peut-être -, pour une raison simple, que la lucidité nous impose : ni l'Europe ni la Turquie ne sont prêtes aujourd'hui à une adhésion.
En Europe d'abord et en France en particulier, il faudra du temps pour faire partager à tous les acteurs concernés l'intérêt de la candidature turque. Évidemment !
La Turquie doit elle-même consolider sa démocratie, progresser en matière de respect des droits de l'homme et des minorités, avec, notamment, les tragiques questions arménienne et kurde.
Plusieurs députés du groupe socialiste. On appelle cela un génocide !
M. le Premier ministre. Il n'y a aucun problème à parler du génocide arménien de 1915. C'est la loi, le Parlement l'a votée : je ne fais que vous citer, avec conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le dis clairement.
J'ajoute que, derrière ce mot, il y a une stratégie, une volonté claire d'affirmer cette reconnaissance : c'est pour tous les pays de l'Union européenne un devoir de mémoire que nous devons assumer tous ensemble, comme l'a fait le Parlement français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La Turquie devra confirmer le processus de réconciliation régionale qui a été engagé avec la Grèce et régler la question de Chypre dans l'esprit de réconciliation qui caractérise lui aussi le projet européen.
Des progrès socio-économiques majeurs devront également être établis.
Enfin, un considérable travail d'intégration de l'acquis communautaire doit être évidemment poursuivi.
Des périodes transitoires longues et des clauses de sauvegarde pourront, si c'est nécessaire, être prévues et engagées.
Les négociations vont donc s'ouvrir. Il va de soi que, s'il s'avérait que la Turquie ne veut pas ou ne peut pas adhérer à l'ensemble des réformes que l'Union européenne lui propose, l'Union devra lui proposer un lien partenarial en lieu et place de l'adhésion.
M. Christian Estrosi. Très bien !
M. le Premier ministre. Nous souhaitons que cette proposition soit faite si la Turquie ne peut ni ne veut réunir les conditions d'adhésion au projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pendant toute la période des négociations, chaque État, chaque nation, chacun des vingt-cinq États membres de l'Union européenne pourra utiliser son veto pour bloquer la totalité des négociations s'il considère que ces dernières ne sont pas conformes au projet européen.
Je le dis à M. Bayrou avec gravité : la France n'a pas abandonné son droit de veto. Elle le conserve, parce que ce n'est pas un calcul léger mais un choix d'une extrême gravité qu'elle exercera le moment venu si le projet turc n'est pas conforme au projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans quelques semaines, une réforme constitutionnelle va vous être proposée avant que le nouveau traité constitutionnel soit soumis au référendum.
M. Jean-Pierre Blazy. Quand ?
M. le Premier ministre. Et dans cette réforme, comme le Président de la République l'a souhaité, il est prévu qu'après la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie, toute nouvelle adhésion fera l'objet d'un traité qui sera obligatoirement soumis, pour sa ratification, à un référendum. Ainsi, chaque Française et chaque Français conservera son droit d'expression personnelle.
Vous avez exprimé le souhait d'un débat. Ce débat peut avoir lieu, et nous serons toujours disponibles.
Mais ne comptez pas sur moi ni sur mon gouvernement pour mettre à mal les principes de la ve République (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui ont fait leurs preuves et qui donnent au Chef de l'État la mission essentielle de négocier les traités et donnent au Parlement et au peuple la possibilité de les ratifier.
M. Henri Emmanuelli. C'est faux !
M. le Premier ministre. Le peuple souverain aura le dernier mot : telle est la conception que j'ai de la ve République ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 décembre 2004

partager